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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vation. La simplicité du résultat y dissimule la patiente élaboration,
et cependant aucun de ses efforts n’est perdu; toutes ses notations
contribuent à mettre au point l’ensemble d’une vision pleine de
sérénité, et limpide comme du cristal.
N’est-ce pas le vieil esprit français qui revit dans cette manière
de comprendre l’art? Le besoin de donner à la vérité saisie par l'ef-
fort une apparence simple, claire et attrayante inspirait déjà Mon-
tesquieu dans son invocation aux Muses du Mont Piérie.
Un peintre de cette trempe devait nécessairement vouer à son
pays le même intérêt qu’il avait porté à l’Orient. Léon Belly nous
a laissé des paysages exécutés à Fontainebleau, en Alsace, en Nor-
mandie et en Sologne, où réapparaissent les belles qualités de dessin
et de lumière qui nous ont frappés dans ses toiles d’Egypte.
Lorsqu’il peignait des arbres, il s’attachait à rendre l’architecture
des branches noueuses et contournées, et à répandre les lumières
dans le feuillage touffu. Il abordait, dans cet ordre d’idées, les
thèmes les plus ardus, sans jamais se laisser rebuter par la difficulté
des solutions. En parcourant son atelier, nous apercevons un paysage
vert d’une fraîcheur exquise, traversé par un ruisseau dont les eaux
bleues s’écoulent en petites cascades sous les ombrages. Ailleurs,
son pinceau évoque les plaines de Sologne aux grands horizons, aux
ciels immenses, aux pâturages arrosés par la Sauldre. Puis un
tableau brossé dans les environs de. Bade, frémissant de vie, reflé-
tant toute la poésie de l’émotion, traité dans une belle et riche
matière, ramène notre souvenir à l’année 1862, au moment où le
maître venait de se fiancer.
Inclinant de toute manière vers l’expression du caractère, Léon
Belly devait ne pas négliger le portrait. Celui de Manin, qui était
falors « le grand exilé », lit sensation à l’Exposition de 1855; plus
tard, il s’attacha à faire revivre dans quelques tableaux des membres
de sa famille. Le portrait de sa mère, Mme Nicolas Belly* se détache
en clair, avec une rare vigueur, sur un fond sombre. C’est une
peinture qui intéresse tout à la fois par ses belles qualités de matière
et par sa psychologie profonde. Léon Belly a laissé, en outre, un por-
trait de sa femme et de ses enfants, dont le projet est une page char-
mante d’intimité et de grâce.
Lorsqu’on parcourt ainsi ses œuvres, créées,en un espace de temps
relativement court, on regrette amèrement qu’un tel artiste nous ait
été enlevé avant l’âge. Si la maladie ne l’avait terrassé au moment
où il allait pouvoir répandre à pleines mains les trésors de son
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vation. La simplicité du résultat y dissimule la patiente élaboration,
et cependant aucun de ses efforts n’est perdu; toutes ses notations
contribuent à mettre au point l’ensemble d’une vision pleine de
sérénité, et limpide comme du cristal.
N’est-ce pas le vieil esprit français qui revit dans cette manière
de comprendre l’art? Le besoin de donner à la vérité saisie par l'ef-
fort une apparence simple, claire et attrayante inspirait déjà Mon-
tesquieu dans son invocation aux Muses du Mont Piérie.
Un peintre de cette trempe devait nécessairement vouer à son
pays le même intérêt qu’il avait porté à l’Orient. Léon Belly nous
a laissé des paysages exécutés à Fontainebleau, en Alsace, en Nor-
mandie et en Sologne, où réapparaissent les belles qualités de dessin
et de lumière qui nous ont frappés dans ses toiles d’Egypte.
Lorsqu’il peignait des arbres, il s’attachait à rendre l’architecture
des branches noueuses et contournées, et à répandre les lumières
dans le feuillage touffu. Il abordait, dans cet ordre d’idées, les
thèmes les plus ardus, sans jamais se laisser rebuter par la difficulté
des solutions. En parcourant son atelier, nous apercevons un paysage
vert d’une fraîcheur exquise, traversé par un ruisseau dont les eaux
bleues s’écoulent en petites cascades sous les ombrages. Ailleurs,
son pinceau évoque les plaines de Sologne aux grands horizons, aux
ciels immenses, aux pâturages arrosés par la Sauldre. Puis un
tableau brossé dans les environs de. Bade, frémissant de vie, reflé-
tant toute la poésie de l’émotion, traité dans une belle et riche
matière, ramène notre souvenir à l’année 1862, au moment où le
maître venait de se fiancer.
Inclinant de toute manière vers l’expression du caractère, Léon
Belly devait ne pas négliger le portrait. Celui de Manin, qui était
falors « le grand exilé », lit sensation à l’Exposition de 1855; plus
tard, il s’attacha à faire revivre dans quelques tableaux des membres
de sa famille. Le portrait de sa mère, Mme Nicolas Belly* se détache
en clair, avec une rare vigueur, sur un fond sombre. C’est une
peinture qui intéresse tout à la fois par ses belles qualités de matière
et par sa psychologie profonde. Léon Belly a laissé, en outre, un por-
trait de sa femme et de ses enfants, dont le projet est une page char-
mante d’intimité et de grâce.
Lorsqu’on parcourt ainsi ses œuvres, créées,en un espace de temps
relativement court, on regrette amèrement qu’un tel artiste nous ait
été enlevé avant l’âge. Si la maladie ne l’avait terrassé au moment
où il allait pouvoir répandre à pleines mains les trésors de son