DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:Reinach, Salomon: Courrier de l'art antique, [22]
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172
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
IX
Je voudrais dire encore un mot d’un ensemble d’antiquités un peu négligé
jusqu’à ce jour, mais très digne d’attention, que les fouilles des vieux sanc-
tuaires de l’Italie accumulent dans les musées de Rome et de la Toscane. Il
s’agit des décorations en terre cuite de ces temples, d’une richesse et d’une
variété surprenantes, restées inédites pour une bonne part, au Musée étrusque
de Florence et à la villa du pape Jules II à Rome. On reconnaît avec une clarté
croissante que ces sculptures, œuvres d’artistes campaniens, sont directement
inspirées de modèles gréco-asiatiques en matières plus dures et nous en four.
nissent l’équivalent, du moins au
point de vue de l’histoire de l’art.
Je donne comme exemple un beau
fragment, représentant une scène
de combat, de l’acrotère central
du temple de Mercure à Falerii.
Types, costumes, armes, vigueur
du modelé, tout y rappelle l’art du
ve siècle, tel qu’il put s’épanouir
dans les riches cités de la côte
anatolienne *. Même si ce fragment
avait seul survécu à tant de ruines,
on pourrait s’en autoriser pour
conclure à l’existence d’une grande
école, différente de 'celle” de Phi-
dias et plus ancienne, qui s’est continuée et trop vite abâtardie dans l’art
étrusque. Il me semble retrouver quelque chose de la même vigueur, de la
même âpreté métallique des contours, dans la curieuse figure d’animal fantas-
tique — un bouquetin à corps et à jambes d’équidé — que je reproduis en
tête de cet article, d’après un excellent dessin de M. Morin-Jean 2. Cette image
est empruntée à la décoration d’une amphore italo-ionienne du Louvre, c’est-à-
dire d’une œuvre exécutée, à l’aide de modèles asiatiques, dans un atelier
italien du ve siècle. Ceux qui parlent si facilement de la « molle Ionie» devraient
nous montrer ce qu’il y a de mou dans de pareilles œuvres, qui font songer à
ce que l’art italien de la Renaissance a produit de plus rude, à Mantegna et à
Andrea del Gastagno. Nous avons tous quelque tendance à retenir surtout, dans
l’antiquité comme dans la Renaissance, ce qui flatte notre goût pour l’art
aimable; il est bon de nous remettre parfois en présence de typefe qui relèvent
d’un art viril et impérieux.
FRAGMENT D UN ACROTÈR.K EN TERRE CUITE
DU TEMPLE DE FALERII (ÉTRURIE)
SALOMON REINACH
1. Délia Seta, Religioni e arte, p. 173; Anzeiger, 1912, p. 298.
2. Morin-Jean, Le Dessin des animaux en Grèce, Paris, 1911, p. 15ô.
Lo Gérant : P. Girardot.
PARIS.
TYP. PHILIPPE lli.NOUARD.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
IX
Je voudrais dire encore un mot d’un ensemble d’antiquités un peu négligé
jusqu’à ce jour, mais très digne d’attention, que les fouilles des vieux sanc-
tuaires de l’Italie accumulent dans les musées de Rome et de la Toscane. Il
s’agit des décorations en terre cuite de ces temples, d’une richesse et d’une
variété surprenantes, restées inédites pour une bonne part, au Musée étrusque
de Florence et à la villa du pape Jules II à Rome. On reconnaît avec une clarté
croissante que ces sculptures, œuvres d’artistes campaniens, sont directement
inspirées de modèles gréco-asiatiques en matières plus dures et nous en four.
nissent l’équivalent, du moins au
point de vue de l’histoire de l’art.
Je donne comme exemple un beau
fragment, représentant une scène
de combat, de l’acrotère central
du temple de Mercure à Falerii.
Types, costumes, armes, vigueur
du modelé, tout y rappelle l’art du
ve siècle, tel qu’il put s’épanouir
dans les riches cités de la côte
anatolienne *. Même si ce fragment
avait seul survécu à tant de ruines,
on pourrait s’en autoriser pour
conclure à l’existence d’une grande
école, différente de 'celle” de Phi-
dias et plus ancienne, qui s’est continuée et trop vite abâtardie dans l’art
étrusque. Il me semble retrouver quelque chose de la même vigueur, de la
même âpreté métallique des contours, dans la curieuse figure d’animal fantas-
tique — un bouquetin à corps et à jambes d’équidé — que je reproduis en
tête de cet article, d’après un excellent dessin de M. Morin-Jean 2. Cette image
est empruntée à la décoration d’une amphore italo-ionienne du Louvre, c’est-à-
dire d’une œuvre exécutée, à l’aide de modèles asiatiques, dans un atelier
italien du ve siècle. Ceux qui parlent si facilement de la « molle Ionie» devraient
nous montrer ce qu’il y a de mou dans de pareilles œuvres, qui font songer à
ce que l’art italien de la Renaissance a produit de plus rude, à Mantegna et à
Andrea del Gastagno. Nous avons tous quelque tendance à retenir surtout, dans
l’antiquité comme dans la Renaissance, ce qui flatte notre goût pour l’art
aimable; il est bon de nous remettre parfois en présence de typefe qui relèvent
d’un art viril et impérieux.
FRAGMENT D UN ACROTÈR.K EN TERRE CUITE
DU TEMPLE DE FALERII (ÉTRURIE)
SALOMON REINACH
1. Délia Seta, Religioni e arte, p. 173; Anzeiger, 1912, p. 298.
2. Morin-Jean, Le Dessin des animaux en Grèce, Paris, 1911, p. 15ô.
Lo Gérant : P. Girardot.
PARIS.
TYP. PHILIPPE lli.NOUARD.