INFLUENCE SÉCULAIRE DE L’ART FLAMAND
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maître donne un sens plus haut et plus ardent à l’existence des
princes et des grands. Il est l’ordonnateur de leurs attitudes et de
leurs gestes devant l’histoire. Il réveillera sans cesse en eux le désir
des choses belles. Et, longtemps encore après sa mort, il servira
d’exemple à ceux qui seront appelés à rehausser par l’art tant
de règnes illustres. Même l’on peut soutenir que le Versailles de
Louis XIV lui doit encore beaucoup. C’est son invention, c’est sa
fougue, c’est sa puissance et aussi son mauvais goût qu’on retrouve
dans telles décorations de plafonds, dans tels hauts ou bas-reliefs de
murailles. Tous les peintres sont sollicités par son art, ils ne s’en
affranchissent qu’en le haïssant, avec opiniâtreté et injustice. David
et Ingres y parviendront à force d’avoir peur de lui, mais il est de
ceux que rien ne submerge et qui ressuscitent toujours. Toutefois,,
si son influence perdure dans Le Brun, une autre autorité, voisine
de la science, se fait sentir pour un temps, chez les portraitistes
français les plus célèbres. Van Dyck domine ces derniers.
On était habitué à ne comprendre le portrait que comme l’étude
d’une physionomie et quelquefois d’un maintien. Van Dyck en fit
un tableau complet. II composait un milieu; il introduisait dans
l’œuvre d’autres éléments d’intérêt, mais les subordonnait, soit à un
geste, soit à une attitude; il agrandissait la conception ancienne de
l’effigie humaine en lui donnant une allure sociale, plutôt qu’une
portée familière et intime.
Sébastien Bourdon fut le premier à nettement saisir l’enseigne-
ment du nouveau maître. Après avoir peint au hasard et sans grande
vaillance, le voici qui saisit au fond de lui-même on ne sait quels
dons de force, de pénétration et d'élégance qui lui font produire
tour à tour son propre portrait (Musée du Louvre), le portrait d’un
Espagnol (Musée de Montpellier) et surtout le portrait de Fouquet
(Musée de Versailles). Trois belles œuvres qui renouvellent une
peinture. Sébastien Bourdon est peu connu; Mignard, Rigaud,Largil-
lière le couvrent de leur ombre. Plus qu’aucun d’eux pourtant son
pinceau éveille la vie à fleur de toile et dévoile la pensée des yeux.
Une élégance aisée et comme abondante, tout comme dans les œuvres
de van Dyck, accompagne les attitudes de ses modèles. Leurs mains
mises en nette évidence, soit qu’elles tiennent un gant, soit qu’elles
rassemblent le pli d’un vêtement à hauteur de ceinture, sont traitées
merveilleusement. Rigaud dans ses peintures de marchands et de
prévôts, Largillière dans ses images de magistrats, peuvent se rap-
procher de Sébastien Bourdon, mais jamais ils n’atteindront, ni sa
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maître donne un sens plus haut et plus ardent à l’existence des
princes et des grands. Il est l’ordonnateur de leurs attitudes et de
leurs gestes devant l’histoire. Il réveillera sans cesse en eux le désir
des choses belles. Et, longtemps encore après sa mort, il servira
d’exemple à ceux qui seront appelés à rehausser par l’art tant
de règnes illustres. Même l’on peut soutenir que le Versailles de
Louis XIV lui doit encore beaucoup. C’est son invention, c’est sa
fougue, c’est sa puissance et aussi son mauvais goût qu’on retrouve
dans telles décorations de plafonds, dans tels hauts ou bas-reliefs de
murailles. Tous les peintres sont sollicités par son art, ils ne s’en
affranchissent qu’en le haïssant, avec opiniâtreté et injustice. David
et Ingres y parviendront à force d’avoir peur de lui, mais il est de
ceux que rien ne submerge et qui ressuscitent toujours. Toutefois,,
si son influence perdure dans Le Brun, une autre autorité, voisine
de la science, se fait sentir pour un temps, chez les portraitistes
français les plus célèbres. Van Dyck domine ces derniers.
On était habitué à ne comprendre le portrait que comme l’étude
d’une physionomie et quelquefois d’un maintien. Van Dyck en fit
un tableau complet. II composait un milieu; il introduisait dans
l’œuvre d’autres éléments d’intérêt, mais les subordonnait, soit à un
geste, soit à une attitude; il agrandissait la conception ancienne de
l’effigie humaine en lui donnant une allure sociale, plutôt qu’une
portée familière et intime.
Sébastien Bourdon fut le premier à nettement saisir l’enseigne-
ment du nouveau maître. Après avoir peint au hasard et sans grande
vaillance, le voici qui saisit au fond de lui-même on ne sait quels
dons de force, de pénétration et d'élégance qui lui font produire
tour à tour son propre portrait (Musée du Louvre), le portrait d’un
Espagnol (Musée de Montpellier) et surtout le portrait de Fouquet
(Musée de Versailles). Trois belles œuvres qui renouvellent une
peinture. Sébastien Bourdon est peu connu; Mignard, Rigaud,Largil-
lière le couvrent de leur ombre. Plus qu’aucun d’eux pourtant son
pinceau éveille la vie à fleur de toile et dévoile la pensée des yeux.
Une élégance aisée et comme abondante, tout comme dans les œuvres
de van Dyck, accompagne les attitudes de ses modèles. Leurs mains
mises en nette évidence, soit qu’elles tiennent un gant, soit qu’elles
rassemblent le pli d’un vêtement à hauteur de ceinture, sont traitées
merveilleusement. Rigaud dans ses peintures de marchands et de
prévôts, Largillière dans ses images de magistrats, peuvent se rap-
procher de Sébastien Bourdon, mais jamais ils n’atteindront, ni sa