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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 1.1920

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Nr. 1
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Dorbec, Prosper: La sensibilité picturale chez Saint-Beuve: (à l'occasion du cinquentenaire de sa mort)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24918#0073

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

60

Bosquets voilés au jour, secrètes avenues
Dont je n’ai respiré les odeurs inconnues
Que par la haie en fleurs !

Un jour il veut par une épître rimée gagner Villemain à sa théorie du vers
simple et « côtoyant la prose », et l'image qui se présente à lui pour caracté-
riser l’habituelle modération des ses thèmes poétiques, c'est encore la haie,
cette haie des premières années.

On peut juger de la part attribuée par lui à ces paysages de son enfance
dans la formation de sa sensibilité, par la curiosité qui le porte à chercher
dans la vie des autres quelle fut la physionomie des sites témoins de leur
jeune temps : « J’ai toujours aimé », fait-il dire à Amaury dans son roman
de Volupté, « ... à reconnaître les destinées les plus humbles, leur naissance,
leur premier Ilot encaissé dans les vallons et les fonds obscurs, au bas des
chaumières, tout leur agencement avec les choses d alentour ».

Toute la première partie de Volupté, bien qu’il y ait, par fiction et en pro-
diguant la bruyère, situé les événements en Bretagne, nous reproduit le cadre
même où s’est écoulée son enfance. Elle y a gagné une saveur de vérité
locale qui, à la date où les pages en furent écrites, (vers 1831 ), demeurait rare
encore, en dépit des exemples donnés par Bernardin de Saint-Pierre et par
Chateaubriand. On peut ajouter foi aux paysages, à ce plateau auquel le
roman prête le nom delà Gastine, à sa couronne de hêtres, sa côte caillou-
teuse, et, dans le bas, au petit pont sur le ruisseau ferrugineux qui court
vers la mer. « Ces lieux, vous les figurez-vous nettement, mon ami? «écrit
Amaury à son confident en les enveloppant dans un regard d’adieu «... Si je
meurs, ce coin du monde se conservera-t-il en une mémoire P1 »

Dans les confidences de Joseph Delorme, ces souvenirs, ayant pour fond
d’ensemble l’horizon de la Manche et comme tout baignés d’air salin, se
trouvent évoqués aussi avec un véritable plaisir du pinceau. C’est, le plus
souvent, quelque aspect de plage ou d’étendue de mer découvert du haut
d’une falaise. Ici le calme d’une

eau verte où pas un flot ne joue
Et que rasent parfois, de leur vol lourd et lent,

Le cormoran plaintif et le gris goéland,

i. Ce « coindu monde », il a tenu à l’évoquer encore dans son poème Le Coteau
dédié à Ulrich Guttinguer :

... C’était bien ce coteau,

Roide et nu par ses flancs, et dont le vert plateau
Etale un bois épais de hêtres et de frênes.
 
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