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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
gner sur la topographie. Elle permet de fixer approximativement la date
d’exécution des cartons.
Les archives n’ayant livré aucun document pour nous tirer d’embarras,
force nous est d’interroger l’œuvre même. La présence de Maximilien ne
peut rien nous apprendre ; l’ouvrage est postérieur à lui. Si nous n’avions
d’autres raisons de le penser, les seuls costumes nous le feraient soupçonner :
beaucoup d’entre eux ne sauraient dater d’avant i5ig, année de sa mort ;
tous les gentilshommes, sauf lui, portent les cheveux courts, mode qui ne
s’est établie à Bruxelles qu’après T5201. Il est probable que le caractère en
quelque sorte rétrospectif introduit par la figure de l’empereur défunt a dû
autoriser une certaine liberté dans le style des vêtements, au moins pour les
personnages accessoires. Le mélange des modes de divers pays, qui a peut-
être existé réellement à la cour de princes qui régnaient à la fois sur l’Alle-
magne, les Pays-Bas, l’Espagne et une partie de l’Italie, rend aussi toute
chronologie incertaine2. Il faut donc chercher ailleurs la précision qui nous
échappe. Les monuments représentés vont nous la fournir.
Le Musée du Louvre possède douze dessins à la plume rehaussés de lavis
bleuâtre qui sont les esquisses des tapisseries. Ils ne sont pas identiques à
celles-ci pour la composition : les dimensions des pièces ne concordent pas
et, il y a dans le détail des différences importantes. Il est clair qu’au mo-
ment où les cartons à grandeur d’exécution ont été faits, peut-être par
un autre artiste que l’auteur des esquisses, les dessins ont été modifiés et
enrichis 3.
Un de ces dessins, la grande vue de Bruxelles qui ouvre la série, offre
une particularité intéressante ; il a été corrigé ultérieurement avec une plume
assez grosse : on y a ajouté des constructions nouvelles. La chapelle basse
qui termine le palais ducal à droite a été remplacée par une haute nef élé-
t. Les premiers portraits de Charles-Quint après son élection à l’empire le prouvent,
ainsi que les portraits datés d’autres personnages.
2. Le couple d’amoureux qu’on voit au pied d’un arbre dans le Mois de Mai nous
montre à côté d’un homme vêtu comme un Allemand de Burgkmair ou de Dürer, — il
porte le bonnet du Wolgemui et du Függer de Dürer, — une femme coiffée d’une espèce
de grosse couronne d’étoile, tout italienne : c’est la coiffure que, dans le premier tiers du
xvie siècle, on voit aux portraits d’Jsabelle d’Este et d’ÉIéonore de Gonzague dans les por-
traits de Titien. La chronologie du costume dans les différents pays n’a d’ailleurs pas été
étudiée encore d’une façon précise. Signalons cependant pour les Pays-Bas le travail de
M. C.-H. de Jonge dans Oud-Holland, 1919.
3. Les cartons eux-mêmes ont disparu. D’après Goethals (Histoire des lettres, sciences
et arts, i844, t. 111, p. 52), qui n’indique pas sa source, les cartons de van Orley seraient
restés chez ses descendants avec ceux des Actes des Apôtres de Raphaël, dont il passe pour
avoir surveillé la traduction en tapisserie. Les cartons de Raphaël ont été acquis au début
du xvne siècle par Charles Ier d’Angleterre. Les autres auraient été détruits pendant le
bombardement de Bruxelles par les Français en i6p5.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
gner sur la topographie. Elle permet de fixer approximativement la date
d’exécution des cartons.
Les archives n’ayant livré aucun document pour nous tirer d’embarras,
force nous est d’interroger l’œuvre même. La présence de Maximilien ne
peut rien nous apprendre ; l’ouvrage est postérieur à lui. Si nous n’avions
d’autres raisons de le penser, les seuls costumes nous le feraient soupçonner :
beaucoup d’entre eux ne sauraient dater d’avant i5ig, année de sa mort ;
tous les gentilshommes, sauf lui, portent les cheveux courts, mode qui ne
s’est établie à Bruxelles qu’après T5201. Il est probable que le caractère en
quelque sorte rétrospectif introduit par la figure de l’empereur défunt a dû
autoriser une certaine liberté dans le style des vêtements, au moins pour les
personnages accessoires. Le mélange des modes de divers pays, qui a peut-
être existé réellement à la cour de princes qui régnaient à la fois sur l’Alle-
magne, les Pays-Bas, l’Espagne et une partie de l’Italie, rend aussi toute
chronologie incertaine2. Il faut donc chercher ailleurs la précision qui nous
échappe. Les monuments représentés vont nous la fournir.
Le Musée du Louvre possède douze dessins à la plume rehaussés de lavis
bleuâtre qui sont les esquisses des tapisseries. Ils ne sont pas identiques à
celles-ci pour la composition : les dimensions des pièces ne concordent pas
et, il y a dans le détail des différences importantes. Il est clair qu’au mo-
ment où les cartons à grandeur d’exécution ont été faits, peut-être par
un autre artiste que l’auteur des esquisses, les dessins ont été modifiés et
enrichis 3.
Un de ces dessins, la grande vue de Bruxelles qui ouvre la série, offre
une particularité intéressante ; il a été corrigé ultérieurement avec une plume
assez grosse : on y a ajouté des constructions nouvelles. La chapelle basse
qui termine le palais ducal à droite a été remplacée par une haute nef élé-
t. Les premiers portraits de Charles-Quint après son élection à l’empire le prouvent,
ainsi que les portraits datés d’autres personnages.
2. Le couple d’amoureux qu’on voit au pied d’un arbre dans le Mois de Mai nous
montre à côté d’un homme vêtu comme un Allemand de Burgkmair ou de Dürer, — il
porte le bonnet du Wolgemui et du Függer de Dürer, — une femme coiffée d’une espèce
de grosse couronne d’étoile, tout italienne : c’est la coiffure que, dans le premier tiers du
xvie siècle, on voit aux portraits d’Jsabelle d’Este et d’ÉIéonore de Gonzague dans les por-
traits de Titien. La chronologie du costume dans les différents pays n’a d’ailleurs pas été
étudiée encore d’une façon précise. Signalons cependant pour les Pays-Bas le travail de
M. C.-H. de Jonge dans Oud-Holland, 1919.
3. Les cartons eux-mêmes ont disparu. D’après Goethals (Histoire des lettres, sciences
et arts, i844, t. 111, p. 52), qui n’indique pas sa source, les cartons de van Orley seraient
restés chez ses descendants avec ceux des Actes des Apôtres de Raphaël, dont il passe pour
avoir surveillé la traduction en tapisserie. Les cartons de Raphaël ont été acquis au début
du xvne siècle par Charles Ier d’Angleterre. Les autres auraient été détruits pendant le
bombardement de Bruxelles par les Français en i6p5.