LES FRESQUES DE SAINT-GILLES DE MONTOIRE
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lement des parties très importantes sont détruites et l’interprétation icono-
graphique en est rendue d’autant plus difficile. C’est ainsi que le Dieu de
majesté du croisillon Sud devait être accompagné de nombreux personnages,
qui tous, à l’exception d'un seul, lui-même à demi effacé, ont complètement
disparu.
La fresque du croisillon Nord est heureusement un peu mieux conservée.
A la gauche de la ligure divine, qui trône au centre de l’abside dans une
auréole en forme d’amande, sont alignés six personnages nimbés. Comme
la composition est absolument symétrique, nul doute que six autres person-
nages semblables aujourd’hui disparus se trouvaient du côté opposé. Mais
ce qui frappe surtout dans ce tableau, c’est une série de lignes rouges, lon-
gues et déliées, qui partent des mains étendues de Dieu et viennent aboutir
chacune sur la tête d’un des saints personnages.
C’est cette dernière fresque seule qu'a étudiée M. Emile Mâle dans son
récent et déjà célèbre ouvrage sur L’Art religieux du XIIe siècle en France.
Encore n’en parle-t-il qu'incidemment, à propos du fameux tympan de la
Madeleine de Yézelay, auquel il la compare. Selon lui, la scène représentée
à Montoire comme au tympan de Vézelay est la Descente du Saint-Esprit le
jour de la Pentecôte, et le personnage divin qui en occupe le centre est le
Christ. Il reconnaît qu’il est « singulier de voir les rais de feu partir du
Christ lui-même et non de la colombe symbolique, comme ce sera plus tard
la tradition ». Mais M. Mâle est confirmé dans son opinion par l’examen d’un
lectionnaire de l’abbaye de Gluny1 ; en effet, sur une miniature de ce manuscrit,
du commencement du xne siècle, le Christ, dans une auréole, les bras large-
ment ouverts, envoie, comme à Montoire, comme à Vézelay, des rayons de
feu sur la tête des Apôtres. Une inscription précise le sens de cette scène.
On y lirait, en effet, la promesse même du Christ à ses Apôtres : <i Ecce ego
milium Spiritum Palris mei in vos ». Ainsi, conclut M. Mâle, « on repré-
sentait volontiers le Christ lui-même envoyant son Saint-Esprit sur les
Apôtres ».
M. l’abbé Fabre, dans l’article de la Gazette des Beaux-Arts qu’il a con-
sacré à cette question, étudie dans leur ensemble les fresques de Montoire, et
les conclusions qu’il en tire sont toutes différentes. Pour lui, les trois per-
sonnages représentés dans les trois absides seraient les trois Personnes de la
Trinité, le Père trônant dans le croisillon Sud, le Fils dans le sanctuaire et
le Saint-Esprit dans le croisillon Nord1 2. Il semblerait que l’identification de
1. Bibl. Nat., ms. latin 2246.
2. « Christ triomphant, Christ enseignant et Christ bénissant », a-t-on dit aussi.
M. 1 abbé Fabre n’-a pas eu de peine à montrer le peu de fondement de cette opinion, dont
la paternité revient, croyons-nous, à M. de Salies (op. cit.').
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lement des parties très importantes sont détruites et l’interprétation icono-
graphique en est rendue d’autant plus difficile. C’est ainsi que le Dieu de
majesté du croisillon Sud devait être accompagné de nombreux personnages,
qui tous, à l’exception d'un seul, lui-même à demi effacé, ont complètement
disparu.
La fresque du croisillon Nord est heureusement un peu mieux conservée.
A la gauche de la ligure divine, qui trône au centre de l’abside dans une
auréole en forme d’amande, sont alignés six personnages nimbés. Comme
la composition est absolument symétrique, nul doute que six autres person-
nages semblables aujourd’hui disparus se trouvaient du côté opposé. Mais
ce qui frappe surtout dans ce tableau, c’est une série de lignes rouges, lon-
gues et déliées, qui partent des mains étendues de Dieu et viennent aboutir
chacune sur la tête d’un des saints personnages.
C’est cette dernière fresque seule qu'a étudiée M. Emile Mâle dans son
récent et déjà célèbre ouvrage sur L’Art religieux du XIIe siècle en France.
Encore n’en parle-t-il qu'incidemment, à propos du fameux tympan de la
Madeleine de Yézelay, auquel il la compare. Selon lui, la scène représentée
à Montoire comme au tympan de Vézelay est la Descente du Saint-Esprit le
jour de la Pentecôte, et le personnage divin qui en occupe le centre est le
Christ. Il reconnaît qu’il est « singulier de voir les rais de feu partir du
Christ lui-même et non de la colombe symbolique, comme ce sera plus tard
la tradition ». Mais M. Mâle est confirmé dans son opinion par l’examen d’un
lectionnaire de l’abbaye de Gluny1 ; en effet, sur une miniature de ce manuscrit,
du commencement du xne siècle, le Christ, dans une auréole, les bras large-
ment ouverts, envoie, comme à Montoire, comme à Vézelay, des rayons de
feu sur la tête des Apôtres. Une inscription précise le sens de cette scène.
On y lirait, en effet, la promesse même du Christ à ses Apôtres : <i Ecce ego
milium Spiritum Palris mei in vos ». Ainsi, conclut M. Mâle, « on repré-
sentait volontiers le Christ lui-même envoyant son Saint-Esprit sur les
Apôtres ».
M. l’abbé Fabre, dans l’article de la Gazette des Beaux-Arts qu’il a con-
sacré à cette question, étudie dans leur ensemble les fresques de Montoire, et
les conclusions qu’il en tire sont toutes différentes. Pour lui, les trois per-
sonnages représentés dans les trois absides seraient les trois Personnes de la
Trinité, le Père trônant dans le croisillon Sud, le Fils dans le sanctuaire et
le Saint-Esprit dans le croisillon Nord1 2. Il semblerait que l’identification de
1. Bibl. Nat., ms. latin 2246.
2. « Christ triomphant, Christ enseignant et Christ bénissant », a-t-on dit aussi.
M. 1 abbé Fabre n’-a pas eu de peine à montrer le peu de fondement de cette opinion, dont
la paternité revient, croyons-nous, à M. de Salies (op. cit.').