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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
cette dernière figure avec la troisième Personne de la Trinité ne put que
confirmer dans leur opinion ceux qui voyaient dans l’ensemble de la scène
peinte sur cette voûte une représentation de la Pentecôte. Il n’en est rien.
Les personnages placés à droite et à gauche de la figure divine seraient non
les Apôtres, mais « les fidèles, les saints en général », et les lignes qui sor-
tent de ses mains seraient non des rais de feu, mais des « eaux ondulantes »
symbolisant la grâce, que les auteurs mystiques ont comparée à l’eau. Cette
fresque serait donc « une figuration du Saint-Esprit, source de la grâce,
sans rapport avec la Pentecôte ».
* *
La démonstration de M. l’abbé Fabre paraît, à un premier examen, assez
convaincante. Malheureusement il semble qu’il se soit formé une opinion,
non devant les fresques elles-mêmes, mais d’après les aquarelles exécutées
en i85o parM. Breton, architecte à Montoire, qui sont conservées au musée
du Trocadéro et qu'il a utilisées pour illustrer son article. C’était assez im-
prudent, étant donné qu'il s’agit de peintures fort dégradées, dans la repro-
duction desquelles l’artiste le plus consciencieux a pu omettre tel ou tel
détail peu visible, mais d’une grande valeur peut-être au point de vue de
l’interprétation iconographique.
C’est ainsi qu’on nous dit que les deux figures du transept, qui représen-
teraient le Père et le Saint-Esprit, n’auraient pas de nimhe crucifère, tandis
que celle du chœur représentant le Fils en serait pourvue. Il en est ainsi, en
effet, sur les aquarelles, mais non sur les fresques. La figure du croisillon
Nord a certainement un nimbe crucifère : les bras de la croix, bordés de perles
et s’élargissant à leur extrémité, sont très apparents. La croix du nimbe que
porte la figure du croisillon Sud est beaucoup moins visible, étant donné
l’état de dégradation de cette partie de la fresque ; on distingue bien cepen-
dant quelques-unes des perles qui la bordaient du côté gauche de la tête.
Cette constatation n’a d’ailleurs pas une importance considérable : on sait, en
effet, que durant tout le Moyen âge le nimbe crucifère fut considéré comme
le signe de la divinité et non comme l’apanage exclusif de la deuxième Per-
sonne de la Trinité. On ne saurait, en tout cas, tirer argument de l’absence
de la croix pour s’opposer à reconnaître dans ces représentations le Christ
lui-même.
Mais examinons plus attentivement chacune des trois fresques. Pourquoi
dans celle du bras Sud du transept veut-on voir Dieu le Père? «Il est », nous
dit-on, « assis sur les étoiles ; c’est l’ancêtre des temps, et son nimbe n’est pas
crucifère ». Nous nous sommes déjà expliqué sur la croix du nimbe. Quant
aux étoiles, il est exact qu’elles décorent la double auréole qui entoure la
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
cette dernière figure avec la troisième Personne de la Trinité ne put que
confirmer dans leur opinion ceux qui voyaient dans l’ensemble de la scène
peinte sur cette voûte une représentation de la Pentecôte. Il n’en est rien.
Les personnages placés à droite et à gauche de la figure divine seraient non
les Apôtres, mais « les fidèles, les saints en général », et les lignes qui sor-
tent de ses mains seraient non des rais de feu, mais des « eaux ondulantes »
symbolisant la grâce, que les auteurs mystiques ont comparée à l’eau. Cette
fresque serait donc « une figuration du Saint-Esprit, source de la grâce,
sans rapport avec la Pentecôte ».
* *
La démonstration de M. l’abbé Fabre paraît, à un premier examen, assez
convaincante. Malheureusement il semble qu’il se soit formé une opinion,
non devant les fresques elles-mêmes, mais d’après les aquarelles exécutées
en i85o parM. Breton, architecte à Montoire, qui sont conservées au musée
du Trocadéro et qu'il a utilisées pour illustrer son article. C’était assez im-
prudent, étant donné qu'il s’agit de peintures fort dégradées, dans la repro-
duction desquelles l’artiste le plus consciencieux a pu omettre tel ou tel
détail peu visible, mais d’une grande valeur peut-être au point de vue de
l’interprétation iconographique.
C’est ainsi qu’on nous dit que les deux figures du transept, qui représen-
teraient le Père et le Saint-Esprit, n’auraient pas de nimhe crucifère, tandis
que celle du chœur représentant le Fils en serait pourvue. Il en est ainsi, en
effet, sur les aquarelles, mais non sur les fresques. La figure du croisillon
Nord a certainement un nimbe crucifère : les bras de la croix, bordés de perles
et s’élargissant à leur extrémité, sont très apparents. La croix du nimbe que
porte la figure du croisillon Sud est beaucoup moins visible, étant donné
l’état de dégradation de cette partie de la fresque ; on distingue bien cepen-
dant quelques-unes des perles qui la bordaient du côté gauche de la tête.
Cette constatation n’a d’ailleurs pas une importance considérable : on sait, en
effet, que durant tout le Moyen âge le nimbe crucifère fut considéré comme
le signe de la divinité et non comme l’apanage exclusif de la deuxième Per-
sonne de la Trinité. On ne saurait, en tout cas, tirer argument de l’absence
de la croix pour s’opposer à reconnaître dans ces représentations le Christ
lui-même.
Mais examinons plus attentivement chacune des trois fresques. Pourquoi
dans celle du bras Sud du transept veut-on voir Dieu le Père? «Il est », nous
dit-on, « assis sur les étoiles ; c’est l’ancêtre des temps, et son nimbe n’est pas
crucifère ». Nous nous sommes déjà expliqué sur la croix du nimbe. Quant
aux étoiles, il est exact qu’elles décorent la double auréole qui entoure la