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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 9.1924

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Venturi, Lionello: La critique d'art en Italie à l'époque de la Renaissance: Pierre Arétin, Paul Pino, Louis Dolce ou la critique d'art à Venise au XVIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.24943#0052

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4o

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Pierre Arétin est le littérateur bien connu et mal famé. C’est la première
fois dans l’histoire de la critique d’art qu’un littérateur prend la plume pour
exercer une forte influence sur le goût de la peinture. Ensuite, les littéra-
teurs ont écrit sur la peinture bien plus que les peintres ; et l’on s’en plaint.
Voilà une bonne raison pour chercher dans l'ancêtre des littérateurs écrivains
d’art les avantages et les inconvénients que sa condition a apportés à la
critique.

L’inconvénient, qui est vraiment un danger de tous les temps, c’est que
l’homme de lettres critique d’art s’intéresse trop au contenu moral et
intellectuel du tableau, c’est-à-dire qu’il est tenté d’apprécier la peinture
selon la valeur de son sujet, sans autrement se soucier de la peinture en
elle-même.

D’autre part, il y a plusieurs avantages dans la critique littéraire de la
peinture faite par l’Arétin. Avant tout, les peintres de la Renaissance avaient
un excessif respect pour les lois de la peinture telles que la tradition les
avait transmises. Même lorsqu’ils s'écartaient en fait de la tradition par la force
de leur tempérament, ils n’osaient se soustraire aux idées traditionnelles. Mais
l’Arétin, qui n’est pas un peintre, donne de l’importance seulement à ses
impressions personnelles et ne cherche pas à les justifier par des lois qui
peuvent être contraires à celle-ci.

Pour comprendre l’importance de ce changement, il suffit de se rappe-
ler ce qui est arrivé en France à la fin du xvne siècle et au commencement
du xvme: la peinture nouvelle, par exemple la peinture de Watteau, a été
comprise et appréciée par les amateurs bien avant de l’être par les peintres
qui restaient fidèles aux lois de l’Académie. En ce sens, l’Arétin a produit à
Venise au xvie siècle une espèce de révolution du même genre.

En outre l’Arétin a apporté à la critique d'art des idées plus larges, c’est-
à-dire qu’il a cherché les rapports de l’art figuratif avec la littérature. Et,
puisqu’il a compris la prééminence de la peinture sur la littérature italienne
de son siècle, il a étendu son goût, formé sur la peinture, à toutes les bran-
ches de l’art et de la poésie.

C’est l’Arétin, en effet, qui a affirmé pour la première fois la supériorité de
la peinture de Titien sur la peinture de l’Italie centrale, en justifiant cette
supériorité comme une liberté vis-à-vis de la pédanterie des dessinateurs, en
même temps qu’il justifiait la supériorité de sa propre prose littéraire, vivace
et nerveuse, sur la pédanterie des grammairiens et des prosateurs latinistes.
Le goût de la peinture, qu’il avait appris dans son commerce avec Titien,
devient ainsi la source d’un goût plus général qui comprend toutes les mani-
festations de l’imagination.

L’Arétin n’a jamais écrit de traité de peinture ni de monographie de
 
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