CHRONIQUE MUSICALE 61
tain jeu des muscles des joues hâves, semblait s’insurger contre la noble gravité
répandue sur le front. »
L’ouverture, pétillante de verve, s’apparente à celle du Matrimonio segreto de
Cimarosa ; et les couplets d’Osmin et du calender la continuent alertement. Mais
déjà le chant de Vertigo se relierait au genre tragique si les paroles en étaient
autres, tandis que l’air du prince : « Je chérirai jusqu’au trépas l’objet céleste qui
m’engage», fait spontanément évoquer le Mozart de Cosi fantutte. Notons-en l’ac-
compagnement de cor, écrit sur une tessiture dangereusement élevée et qui envi-
ronne la mélodie d’une chaude atmosphère. Les chants des servantes sont « du
dernier galant » et l’acte se termine sur un léger terzetto.
Le suivant nous charme tout d’abord par une suave cantilène dans laquelle s’en-
lace à la voix du ténor la fluidité d’une flûte câline. L’infatigable amant chante
ensuite un air dramatique où l’accompagnement annonce celui d’un air de Paride
ed Elena qui verra le jour cinq ans plus tard. Et la prima donna débite nécessaire-
ment un air serti de vocalises, et débutant par les mêmes notes que le La ci darem
la mano de Don Giovanni. Les danseurs arrivent à leur tour, et comme les auteurs
ne les faisaient appeler que pour les renvoyer sur-le-champ, on leur a obligeamment
accordé une série d’airs à danser empruntés à un autre Don Giovanni, de Gluck,
celui-là, joué trois années auparavant, et dans lequel certain allegretto mêle agréa-
blement les flûtes au quatuor.
- Au troisième acte reparaît premièrement le calender, usant sans façon d’un pro-
cédé que ne dédaigna point le grand Jean Sébastien, suivi en cela par de nombreux
imitateurs, et qui consiste en la répétition burlesque de certaines syllabes :
Me mettre en ca, me mettre en pi, me mettre en capilotade...
La vérité nous oblige à déclarer que le texte redouble lesdites syllabes. De là un
comique outrancier dont on n’usa point à la représentation. La scène qui suit est
peut-être de toutes la plus originale : c’est de fort amusante folie musicale, avec
parodie des formules italiennes, évocations militaires et picturales, dues au vertigi-
neux Vertigo. Pour conclusion un air fameux, dépeignant le contraste du torrent
impétueux et du clair ruisselet, le premier soutenu par un dessin obstiné de l’or-
chestre, le second présentant comme un paisible reflet d’eaux vives, dû au mur-
mure assoupi des trombones. L’effet en est d’un charme discret tout à fait poétique.
L’interprétation des Pèlerins est fort satisfaisante : M"c Marcelle Evrard, MM. Vil-
lier, Jouvin et Marrio méritent nos louanges, ainsi que M. Louis Masson qui dirige
intelligemment l’ensemble
RENE BRANCOUR
tain jeu des muscles des joues hâves, semblait s’insurger contre la noble gravité
répandue sur le front. »
L’ouverture, pétillante de verve, s’apparente à celle du Matrimonio segreto de
Cimarosa ; et les couplets d’Osmin et du calender la continuent alertement. Mais
déjà le chant de Vertigo se relierait au genre tragique si les paroles en étaient
autres, tandis que l’air du prince : « Je chérirai jusqu’au trépas l’objet céleste qui
m’engage», fait spontanément évoquer le Mozart de Cosi fantutte. Notons-en l’ac-
compagnement de cor, écrit sur une tessiture dangereusement élevée et qui envi-
ronne la mélodie d’une chaude atmosphère. Les chants des servantes sont « du
dernier galant » et l’acte se termine sur un léger terzetto.
Le suivant nous charme tout d’abord par une suave cantilène dans laquelle s’en-
lace à la voix du ténor la fluidité d’une flûte câline. L’infatigable amant chante
ensuite un air dramatique où l’accompagnement annonce celui d’un air de Paride
ed Elena qui verra le jour cinq ans plus tard. Et la prima donna débite nécessaire-
ment un air serti de vocalises, et débutant par les mêmes notes que le La ci darem
la mano de Don Giovanni. Les danseurs arrivent à leur tour, et comme les auteurs
ne les faisaient appeler que pour les renvoyer sur-le-champ, on leur a obligeamment
accordé une série d’airs à danser empruntés à un autre Don Giovanni, de Gluck,
celui-là, joué trois années auparavant, et dans lequel certain allegretto mêle agréa-
blement les flûtes au quatuor.
- Au troisième acte reparaît premièrement le calender, usant sans façon d’un pro-
cédé que ne dédaigna point le grand Jean Sébastien, suivi en cela par de nombreux
imitateurs, et qui consiste en la répétition burlesque de certaines syllabes :
Me mettre en ca, me mettre en pi, me mettre en capilotade...
La vérité nous oblige à déclarer que le texte redouble lesdites syllabes. De là un
comique outrancier dont on n’usa point à la représentation. La scène qui suit est
peut-être de toutes la plus originale : c’est de fort amusante folie musicale, avec
parodie des formules italiennes, évocations militaires et picturales, dues au vertigi-
neux Vertigo. Pour conclusion un air fameux, dépeignant le contraste du torrent
impétueux et du clair ruisselet, le premier soutenu par un dessin obstiné de l’or-
chestre, le second présentant comme un paisible reflet d’eaux vives, dû au mur-
mure assoupi des trombones. L’effet en est d’un charme discret tout à fait poétique.
L’interprétation des Pèlerins est fort satisfaisante : M"c Marcelle Evrard, MM. Vil-
lier, Jouvin et Marrio méritent nos louanges, ainsi que M. Louis Masson qui dirige
intelligemment l’ensemble
RENE BRANCOUR