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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
j’ai rendu avec tous les autres papiers des bâtiments est plein de choses très carieuses
et qui seraient très utiles à ceux qui aiment l’architecture, car mon frère, étant presque
toujours contredit par M. Le Brun et par M. le Vau, était obligé de faire à tout
moment des dissertations ou plutôt des leçons d’architecture qu’il rapportait par
écrit dans l’assemblée suivante. M. le Vau et M. Le Brun ne pouvaient approuver le
dessin de mon frère, disant toujours qu’il n’était beau qu’en peinture et qu’assurément
on s’en trouverait mal dans l’exécution à cause de la trop grande profondeur du
péristyle qui était de douze pieds et que les architraves, qui poussaient au vide,
jetteraient tout à bas, mais on y a si bien pourvu que rien au monde n’est plus solide
et qu’il n’y a rien de si hardi ni de si beau dans tous les ouvrages de l’antiquité. Le
conseil des bâtiments et la retenue que nous avions, mon frère et moi, de publier
l’auteur du dessin que l’on exécutait donna la hardiesse au sieur d’Orbay, élève de
M. Le Vau, de dire que son maître en était seul l’auteur; insigne calomnie, car
c’était lui qui avait mis au net le dessin de M. Le Vau qui fut présenté au roi et
auquel celui de mon frère fut préféré. Il ne tint pas à moi ni à mon frère que M. Le
Vau n’eut l’honneur d’avoir inventé le dessin qui a été exécuté. Je proposai plus de
dix fois au sieur d’Orbay de faire un péristyle à la façade principale du Louvre ; je
lui en dessinai le plan et l’élévation, mais jamais il n’y voulut essayer ni en parler à
son maître. Je le dis avec vérité, nous avions, mon frère et moi, un tel amour pour la
paix et pour la concorde qu’il n’y avait rien que nous n’eûssions fait pour maintenir
l’ordre naturel qui veut que ce soit le premier architecte des Bâtiments du Roi qui
donne les desseins de ce qui se bâtit pour le Prince, particulièrement dans une occa-
sion de cette nature. »
A la fin du xvilc siècle François Blondel, dans la seconde édition de son
Cours d’architecture ( 1688), critique la colonnade de Perrault, mais ne lui en
dénie pas la paternité. Au xvme siècle Piganiol de la Force qui, en toute
occasion, prend le contrepied de Brice, adopta la thèse de Ch. Perrault.
J.-F. Blondel dans son Architecture française (1756, IV, 4 note et 6 note)
défend la mémoire de Perrault contre Boileau : il a vu à la surintendance de
Versailles deux volumes de dessins qui contenaient les projets de Perrault
pour le Louvre. D’ailleurs Boileau a fait amende honorable et a écrit à
Ch. Perrault en 1700 :
« Comme j’avoue franchement que le dépit de me voir critiqué dans vos dialogues
m’a fait dire des choses qu’il serait mieux de n’avoir point dites, vous confesserez
aussi que le déplaisir d’être attaqué dans ma dixième satire vous y a fait voir des
médisances et des saletés qui n’y sont point. »
Enfin, et Patte développa cet argument dans ses Mémoires sur les objets de
l’architecture (p. 33o), le style de la colonnade n’est pas celui des édifices de
Le Vau.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
j’ai rendu avec tous les autres papiers des bâtiments est plein de choses très carieuses
et qui seraient très utiles à ceux qui aiment l’architecture, car mon frère, étant presque
toujours contredit par M. Le Brun et par M. le Vau, était obligé de faire à tout
moment des dissertations ou plutôt des leçons d’architecture qu’il rapportait par
écrit dans l’assemblée suivante. M. le Vau et M. Le Brun ne pouvaient approuver le
dessin de mon frère, disant toujours qu’il n’était beau qu’en peinture et qu’assurément
on s’en trouverait mal dans l’exécution à cause de la trop grande profondeur du
péristyle qui était de douze pieds et que les architraves, qui poussaient au vide,
jetteraient tout à bas, mais on y a si bien pourvu que rien au monde n’est plus solide
et qu’il n’y a rien de si hardi ni de si beau dans tous les ouvrages de l’antiquité. Le
conseil des bâtiments et la retenue que nous avions, mon frère et moi, de publier
l’auteur du dessin que l’on exécutait donna la hardiesse au sieur d’Orbay, élève de
M. Le Vau, de dire que son maître en était seul l’auteur; insigne calomnie, car
c’était lui qui avait mis au net le dessin de M. Le Vau qui fut présenté au roi et
auquel celui de mon frère fut préféré. Il ne tint pas à moi ni à mon frère que M. Le
Vau n’eut l’honneur d’avoir inventé le dessin qui a été exécuté. Je proposai plus de
dix fois au sieur d’Orbay de faire un péristyle à la façade principale du Louvre ; je
lui en dessinai le plan et l’élévation, mais jamais il n’y voulut essayer ni en parler à
son maître. Je le dis avec vérité, nous avions, mon frère et moi, un tel amour pour la
paix et pour la concorde qu’il n’y avait rien que nous n’eûssions fait pour maintenir
l’ordre naturel qui veut que ce soit le premier architecte des Bâtiments du Roi qui
donne les desseins de ce qui se bâtit pour le Prince, particulièrement dans une occa-
sion de cette nature. »
A la fin du xvilc siècle François Blondel, dans la seconde édition de son
Cours d’architecture ( 1688), critique la colonnade de Perrault, mais ne lui en
dénie pas la paternité. Au xvme siècle Piganiol de la Force qui, en toute
occasion, prend le contrepied de Brice, adopta la thèse de Ch. Perrault.
J.-F. Blondel dans son Architecture française (1756, IV, 4 note et 6 note)
défend la mémoire de Perrault contre Boileau : il a vu à la surintendance de
Versailles deux volumes de dessins qui contenaient les projets de Perrault
pour le Louvre. D’ailleurs Boileau a fait amende honorable et a écrit à
Ch. Perrault en 1700 :
« Comme j’avoue franchement que le dépit de me voir critiqué dans vos dialogues
m’a fait dire des choses qu’il serait mieux de n’avoir point dites, vous confesserez
aussi que le déplaisir d’être attaqué dans ma dixième satire vous y a fait voir des
médisances et des saletés qui n’y sont point. »
Enfin, et Patte développa cet argument dans ses Mémoires sur les objets de
l’architecture (p. 33o), le style de la colonnade n’est pas celui des édifices de
Le Vau.