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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 9.1924

DOI issue:
Nr. 4
DOI article:
Backer, J.-F.: Les tracas judiciaires de Rembrandt, 1
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24943#0264

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LES TRACAS JUDICIAIRES DE REMBRANDT

245

Nous donnons ci-après la traduction en français de cette pièce si importante,
avec la correction due aux recherches du Dr A. Bredius qui a découvert qu’un des
noms avait été fautivement écrit sur l’original.

Le soussigné, Rembrandt van Ryn, domicilié à Amsterdam, prend la très respectueuse
liberté de communiquer à Vos Excellences que, par suite de pertes éprouvées dans le
commerce et sur mer, il se trouve dans des circonstances telles qu’il lui est impossible de
satisfaire à ses obligations envers ses créanciers dont les noms suivent : Monsieur le
Bourgmestre Cornelis Witsen, Isaacq van Hersbeecq, Me Daniel Francen, Gerbrant Ornia,
Hiskia van Uylenburch, Geert Dircx, Gerrit Boelissen et autres. Ces créanciers doivent
bien prendre ces circonstances en considération ; cependant, comme le suppliant pourrait
être menacé de poursuites de la part de ces créanciers, il se voit obligé pour ces motifs,
de s’adresser à Vos Excellences, les priant instamment et humblement de lui accorder
des lettres de cession judiciaire et de soumettre la question au Tribunal d’Amsterdam.

Pour copie conforme :

N. Geltsack, 1656.

Ce document, que nous venons de reproduire, est la demande de Rembrandt,
signée par un procureur et présentée en vue d’obtenir le bénéfice de cession judiciaire.
Dans les circonstances où se trouvait Rembrandt, c’était le seul expédient qui lui
restait, car, d’après la jurisprudence de cette époque, il lui était impossible d’arriver
à un accord à l’amiable avec ses créanciers en vue d’obtenir de ces derniers un sursis
provisoire ou un acquit. Nous lisons en effet dans Hugo Grotius : « l’acquit accordé
pour la dette entière ou une partie, ainsi que tout sursis provisoire octroyé aux gens
qui comme certains patrons de navire entraînés par le courant sont contraints de
naviguer en arrière — sont de nulle valeur, parce qu’ils sont nuisibles à la prospérité
de la communauté1 »

Les gens qui avaient fait de mauvaises affaires, dans le sens décrit par Hugo
Grotius, ne pouvaient donc prétendre ni à un arrangement à l’amiable, ni à un
sursis provisoire. Ils avaient uniquement à choisir entre une faillite ou une cession
judiciaire. Les conséquences en étaient très différentes. En cas d’admission à la
cession judiciaire, il était impossible de recourir à la contrainte par corps envers le
débiteur; en cas de faillite, on pouvait y avoir recours et continuer les poursuites
même après le rejet du traité entre les créanciers. Le débiteur était alors considéré
comme banqueroutier, et obligé, pour se soustraire à la juridiction des États Géné-
raux, de se réfugier soit à Vianen, où le Seigneur interdisait toute poursuite à son
égard pour des créances conclues à l’extérieur, soit à l’étranger, pour échapper au
danger de la contrainte par corps. D’après les Statuts d’Amsterdam, du 3 décembre
1644, les contrats de vente émanant de faillis étaient dans cette ville de nulle
valeur relativement à des tiers, de sorte que tout commerce était rendu impossible
à ces faillis (Hugo Grotius, Inleyd. II § 3).

On s’est demandé, se fondant sur la supposition que Rembrandt aurait appartenu

1. Hugo Grotius, lnleydinghe lot de Hollandsche Reglscjeleerlheyl (Introduction à l’étude
du droit néerlandais'), livre III, chap. 4>-
 
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