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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
dont une extrémité du manteau de saint Christophe est tixée sous la ceinture,
et l’admirable manière de représenter l’expression du personnage que foule
saint Jean Baptiste : la désinvolture indifférente de cet Hérode jouisseur
est finement indiquée dans les joues, les yeux et le geste mou de la main
droite.
Concluons. Les peintures de la Biloke de Gand, qui datent du milieu de
la première moitié du xive siècle, présentent des caractères de style et de
réalisme d’une beauté indiscutable, caractères qu’on se refuse couramment
de reconnaître à l’art flamand d’avant les van Eyck. Ces mêmes caractères
s’observent dans d’autres vestiges de la peinture murale flamande de la pre-
mière moitié du xive siècle. Un naturalisme plus aigu se remarque
dans la représentation des milices communales, trouvée sur les murs de la
chapelle de l'hospice Saint-Jean et Saint-Paul, dénommé « Leugemeete » à
Gand, chapelle dont la décoration est d’une vingtaine d’années postérieure à
celle de l’abbaye de la Biloke.
Devant de telles constatations on peut se demander s'il ne convient pas de
réviser l’opinion courante sur l’art « primitif » flamand. L’art des anciens
Pays-Bas au xive siècle est-il bien cet art informe d’artistes « provinciaux »,
dont on aime à parler ? Les artistes de ces contrées ont-ils attendu le milieu
de la seconde moitié du xive siècle pour entrer en contact avec l’art interna-
tional pratiqué en France? Ont-ils attendu le mécénat de la maison de Valois
pour acquérir la pureté de style et l’observation exacte de la réalité? Les
peintures, dont nous venons de parler, et qui sont de la première moitié du
xive siècle, ne possèdent-elles pas déjà ces caractères? Et si les artistes septen-
trionaux avaient, dés ce moment, une habileté remarquable, cela n’éxplique-
rait-il pas le grand état que faisaient d’eux les mécènes français au milieu
du xive siècle ?
Voilà des questions qui s’imposent ici et auxquelles la conscience scienti-
fique du lecteur trouvera aisément la réponse adéquate, après l’étude des
peintures que nous venons de faire connaître1.
LEO VAN PUYVELDK
Professeur à L’Université (le Gand
1. A propos de ces mêmes questions, nous renvoyons nos lecteurs au récent
ouvrage de notre collaborateur, M. L. Maeterlinck, Une École préeyckienne inconnue
(Paris, G. Van Oest, 1925. In-4°, 124 p., 85 pl.) qui a tiré argument pour sa thèse
des fresques de la Biloke de Gand.
X. 1). L. H.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
dont une extrémité du manteau de saint Christophe est tixée sous la ceinture,
et l’admirable manière de représenter l’expression du personnage que foule
saint Jean Baptiste : la désinvolture indifférente de cet Hérode jouisseur
est finement indiquée dans les joues, les yeux et le geste mou de la main
droite.
Concluons. Les peintures de la Biloke de Gand, qui datent du milieu de
la première moitié du xive siècle, présentent des caractères de style et de
réalisme d’une beauté indiscutable, caractères qu’on se refuse couramment
de reconnaître à l’art flamand d’avant les van Eyck. Ces mêmes caractères
s’observent dans d’autres vestiges de la peinture murale flamande de la pre-
mière moitié du xive siècle. Un naturalisme plus aigu se remarque
dans la représentation des milices communales, trouvée sur les murs de la
chapelle de l'hospice Saint-Jean et Saint-Paul, dénommé « Leugemeete » à
Gand, chapelle dont la décoration est d’une vingtaine d’années postérieure à
celle de l’abbaye de la Biloke.
Devant de telles constatations on peut se demander s'il ne convient pas de
réviser l’opinion courante sur l’art « primitif » flamand. L’art des anciens
Pays-Bas au xive siècle est-il bien cet art informe d’artistes « provinciaux »,
dont on aime à parler ? Les artistes de ces contrées ont-ils attendu le milieu
de la seconde moitié du xive siècle pour entrer en contact avec l’art interna-
tional pratiqué en France? Ont-ils attendu le mécénat de la maison de Valois
pour acquérir la pureté de style et l’observation exacte de la réalité? Les
peintures, dont nous venons de parler, et qui sont de la première moitié du
xive siècle, ne possèdent-elles pas déjà ces caractères? Et si les artistes septen-
trionaux avaient, dés ce moment, une habileté remarquable, cela n’éxplique-
rait-il pas le grand état que faisaient d’eux les mécènes français au milieu
du xive siècle ?
Voilà des questions qui s’imposent ici et auxquelles la conscience scienti-
fique du lecteur trouvera aisément la réponse adéquate, après l’étude des
peintures que nous venons de faire connaître1.
LEO VAN PUYVELDK
Professeur à L’Université (le Gand
1. A propos de ces mêmes questions, nous renvoyons nos lecteurs au récent
ouvrage de notre collaborateur, M. L. Maeterlinck, Une École préeyckienne inconnue
(Paris, G. Van Oest, 1925. In-4°, 124 p., 85 pl.) qui a tiré argument pour sa thèse
des fresques de la Biloke de Gand.
X. 1). L. H.