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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
point ds départ ; cette œuvre réunit en elle toul ce que son époque avait
produit de plus parfait dans la construction comme dans la décoration, en
même temps qu’elle contient les éléments nouveaux qui allaient inspirer
l’art de l’époque suivante; et par ses originales innovations, elle nous
donne une haute idée de l’état des sciences et des arts en Andalousie vers
le milieu du Xe siècle.
La mosquée nouvelle conservait et développait tout ce qui faisait la
beauté des parties antérieures. On laissa même subsister des fragments
de l’ancien mur de fond d’Abd-er-Rahman II, mais en le perçant pour
construire douze travées nouvelles : on se borna donc en somme à
prolonger vers le Sud les onze nefs qui avaient été déjà prolongées une
première fois dans cette même direction ; et il est à cet égard bien fâcheux
que la belle symétrie préservée jusque-là ait été quelques années plus tard
complètement détruite, lorsque, de 987 à 990, le célèbre vizir Al-Mansour
fit ajouter du côté de l’Orient huit nefs supplémentaires sur toute la longueur
de l’édifice désormais désaxé. Comme on n’avait plus de colonnes antiques
au temps d’Al-Hakem, on en tourna de neuves et on sculpta des chapiteaux
en assez grand nombre pour reproduire aussi fidèlement que possible dans
les parties nouvelles l’aspect des anciennes. On conserva enfin le système
d’arcades qui donnait à la mosquée primitive son caractère unique et sa
beauté singulière : de chaque côté de la nef plus large qui gardait encore
son rôle d’avenue centrale aboutissant au mihrab au milieu de toutes les
nefs latérales, celles-ci prolongeaient jusqu’au mur nouveau ces doubles arcs
répétant à perte de vue leurs claveaux bicolores au-dessus d’une foret de
colonnes en marbre polychrome, et elles semblaient se poursuivre à l’infini
dans la mosquée nouvelle telle qu’elle s’agrandissait encore.
En même temps qu’il continuait, en la respectant, l’œuvre de ses prédé-
cesseurs, l’architecte d’Al-Hakem ne s’en inspirait pas moins en plan et en
élévation de la mosquée aghlabide de Kairouan. Il imitait assez exactement
le plan général de cette dernière dans ses dimensions mêmes ; et l’analogie
est frappante si l’on compare des plans à la même échelle des deux monu-
ments. Mais surtout la mosquée nouvelle de Cordoue, à la différence de
celle d’Abd-er-Rahman Ier et d’Abd-er-Rahman II, rappelle celle de Kairouan
par la présence de coupoles qui jalonnent la nef centrale et marquent au
dehors la structure générale de l’édifice. On sait, en effet, qu'un des caractères
essentiels des mosquées tunisiennes est qu’une coupole se dresse à l’entrée
de la nef médiane et qu’une autre en surmonte la dernière travée devant le
mihrab ; l’avenue centrale est ainsi signalée extérieurement à ses deux
extrémités; de plus, elle se distingue des autres en ce qu’elle est non
seulement plus large, mais encore plus haute ; et une nef transversale, de
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point ds départ ; cette œuvre réunit en elle toul ce que son époque avait
produit de plus parfait dans la construction comme dans la décoration, en
même temps qu’elle contient les éléments nouveaux qui allaient inspirer
l’art de l’époque suivante; et par ses originales innovations, elle nous
donne une haute idée de l’état des sciences et des arts en Andalousie vers
le milieu du Xe siècle.
La mosquée nouvelle conservait et développait tout ce qui faisait la
beauté des parties antérieures. On laissa même subsister des fragments
de l’ancien mur de fond d’Abd-er-Rahman II, mais en le perçant pour
construire douze travées nouvelles : on se borna donc en somme à
prolonger vers le Sud les onze nefs qui avaient été déjà prolongées une
première fois dans cette même direction ; et il est à cet égard bien fâcheux
que la belle symétrie préservée jusque-là ait été quelques années plus tard
complètement détruite, lorsque, de 987 à 990, le célèbre vizir Al-Mansour
fit ajouter du côté de l’Orient huit nefs supplémentaires sur toute la longueur
de l’édifice désormais désaxé. Comme on n’avait plus de colonnes antiques
au temps d’Al-Hakem, on en tourna de neuves et on sculpta des chapiteaux
en assez grand nombre pour reproduire aussi fidèlement que possible dans
les parties nouvelles l’aspect des anciennes. On conserva enfin le système
d’arcades qui donnait à la mosquée primitive son caractère unique et sa
beauté singulière : de chaque côté de la nef plus large qui gardait encore
son rôle d’avenue centrale aboutissant au mihrab au milieu de toutes les
nefs latérales, celles-ci prolongeaient jusqu’au mur nouveau ces doubles arcs
répétant à perte de vue leurs claveaux bicolores au-dessus d’une foret de
colonnes en marbre polychrome, et elles semblaient se poursuivre à l’infini
dans la mosquée nouvelle telle qu’elle s’agrandissait encore.
En même temps qu’il continuait, en la respectant, l’œuvre de ses prédé-
cesseurs, l’architecte d’Al-Hakem ne s’en inspirait pas moins en plan et en
élévation de la mosquée aghlabide de Kairouan. Il imitait assez exactement
le plan général de cette dernière dans ses dimensions mêmes ; et l’analogie
est frappante si l’on compare des plans à la même échelle des deux monu-
ments. Mais surtout la mosquée nouvelle de Cordoue, à la différence de
celle d’Abd-er-Rahman Ier et d’Abd-er-Rahman II, rappelle celle de Kairouan
par la présence de coupoles qui jalonnent la nef centrale et marquent au
dehors la structure générale de l’édifice. On sait, en effet, qu'un des caractères
essentiels des mosquées tunisiennes est qu’une coupole se dresse à l’entrée
de la nef médiane et qu’une autre en surmonte la dernière travée devant le
mihrab ; l’avenue centrale est ainsi signalée extérieurement à ses deux
extrémités; de plus, elle se distingue des autres en ce qu’elle est non
seulement plus large, mais encore plus haute ; et une nef transversale, de