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31 Janvier 1881.

Vingt-troisième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

membre de l'academie roy. de belgique, etc.

SOMMAIRE. Belgique : Eugène Verboeckhoven.
— L'art en Norwège. — La pein'.ure-Bdgaerts.
_Un nouveau livre sur Rembrandt. — Littéra-
ture nationale : Les nationales. — Chronique
générale. — Chambre syndicale provinciale des
arts industriels à Gand. — Cabinet de la curio-
sité. — Annonces.

Belgique.

EUGÈNE VERBOECKHOVEN
Né à Warneton en 1798, mort a Bruxelles,
en 1881.

Le célèbre artiste qui vient de mourir à
l'âge de 82 ans, a tenu le pinceau à partir de
sa plus tendre jeunesse. Il ne le quitta qu'un
instant pour prendre le mousquet et servir la
patrie en 1850 (1).

Il n'y a pas d'exemple en Belgique d'une
carrière artistique plus longue, plus glorieuse,
plus digne. Primitivement adonné à la sculp-
ture Verboeckhoven comprit que cet art ne lui
rapporterait, en Belgique, ni gloire ni profit, et
il se livra avec acharnement à la peinture sans
oublier ses premières affections auxquelles il
s'adressa quelquefois pour se reposer de ses
nombreux travaux de peinture. La carrière
de notre artiste n'offre rien d'extraordinaire
ni de remarquable dans le sens pittoresque ;
elle fut consacrée à un labeur incessant d'au-
tant plus acharné que de tous côtés lui ve-
naient des commandes auxquelles il fallait
satisfaire. Eugène Verboeckhoven a rarement
quitté ses ateliers, si ce n'est pour visiter
dans de rapides voyages les musées de l'An-
gleterre, de l'Allemagne, de la Hollande, de la
France et de l'Italie. Il vivait -au sein de sa
nombreuse famille qui lui était tendrement
attachée. Les honneurs dont il était peu avide
sont venus le chercher, les illustrations du
siècle sont descendues dans sa belle villa de la
chaussée de Haecht et il n'a pas eu besoin de
courir après la fortune qui est venue à lui.
En un mot, comme homme et comme artiste,
il fut un des heureux du siècle. Le bonheur et
la justice le suivront dans la tombe, car la pos-
térité lui réserve une belle place dans le Pan-
théon des hommes illustres.

Ommeganck venait de mourir ; il avait mis
à la mode les paysages ornés de troupeaux de

(1) Il n'était point le doyen des peintres belges,
comme on l'a dit : Ferdinand de Brackeleer est né
en 1793.

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS.

étranger : 12 fr,

moutons surtout. L'habile maître qui deman-
dait aux frères Both le secret des admirables
langueurs de leurs beaux jours d'été, avait
un peu négligé le type de la nature flamande
au profit du soleil italien. Verboeckhoven
guidé par un père sculpteur, (mort comme
lui à 82 ans), était surtout un admirateur pas-
sionné de la nature. Il étudia de près et avec
acharnement les bestiaux ; son caractère te-
nace l'amena à faire des études anatomiques
sérieuses dont il sortit avec un plein succès,
car nul mieux que lui ne s'entendait à manier
l'ossature et l'appareil musculaire des ani-
maux. C'est dans cette étude persévérante et
minutieuse qu'il acquit la finesse et l'exacti-
tude de dessin qui caractérisent son talent.
Comme nous l'avons dit Ommeganck venait
de mourir et le marché anglais commençait à
mettre en vogue le genre animalier, quand ap-
parurent les moutons de Verboeckhoven bros-
sés plus vigoureusement, d'une correction de
dessin irréprochable et jetés dans un milieu
moins flou, mais par cela même plus en har-
monie avec le sujet. Notre ciel plus rude, plus
mélancolique, notre campagne flamande se
prêtant mieux à certaines franchises de cou-
leur et de pinceau, convenaient admirable-
ment au caractère de notre artiste, aussi ses
productions eurent-elles rapidement une vo-
gue qui dura longtemps et je ne serais nul-
lement étonné que, à propos de sa mort, il ne
fut fait à ses œuvres un regain de succès (1).

On s'est imaginé, bien à tort, que Verboeck-
hoven ne peignait qu'en petit. Il est vrai qu'il
lut un temps où on exigeait, qu'il fit petit,
mais c'était absolument contre sa nature et
contre ses intentions ; il lui est arrivé ce qui
arriva à Leys qui lui non plus n'aimait guère
à pasticher Schoungauer et Durer, mais l'An-
gleterre le voulait. Pour Verboeckhovon aussi
l'Angleterre le voulait et il obéit, car il fallait
avant tout assurer les besoins de l'existence.
Si ceux qui ont si légèrement qualifié le talent
de Verboeckhoven en parlant de ses petits
panneaux lissés et vernis, s'étaient donné la
peine de visiter les ateliers du peintre, com-
bien se fussent-ils loyalement défaits de cette
opinion peu bienveillante. Et combien ils eus-
sent été frappés de la force et de la grandeur
de cette intelligence géniale qui savait si

(1) Un autre jour nous traiterons la question des
prix auxquels sont arrivés les tableaux de notre
artiste.

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

a s'-nicolas (belgique).

bien comprendre l'œuvre de la nature! Son
album seul, prodigieux amas des études de
toute sa vie, témoigne de son admirable res-
pect pour tout ce qui est créé en même temps
qu'il démontre le caractère énergique et net de
sa compréhension. La critique moderne sé-
rieuse doit à sa mémoire et à elle-même de
retirer de la circulation cette sorte de méses-
time qu'elle a tenté de faire de son talent et
elle le pourra quand elle le voudra : il lui
suffira de visiter l'atelier de la chaussée de
Haecht qui est un véritable musée ; elle y ad-
mirera, je n'en doute pas, les études peintes
où l'artiste se révèle bien plus que dans ses
panneaux livrés à un public plus spéculateur
qu'enthousiaste ; elle y verra des grisailles
hardies dignes des meilleurs peintres de por-
traits de l'époque, elle y admirera la Femme
nue, œuvre sculpturale d'une si harmonieuse
tournure, sortie des mains vaillantes du maî-
tre ; que sais-je encore, elle se rendra compte
de ce que fut ce grand artiste qui bien loin de
ne pas s'apercevoir que l'art changeait autour
de lui, avait au contraire donné dans ses
études la note suivie aujourd'hui par une
école qui a fait un but de ce qui n'avait jamais
été et ne sera jamais qu'un moyen. Verboeck-
hoven aussi rendait admirablement ses im-
pressions, mais il les conservait pour lui et
pour les artistes ; il se serait bien gardé de les
jeter à un public qui, quoiqu'on en dise, n'y
comprend absolument rien. J'admets volontiers
que beaucoup de ses œuvres sont minutieu-
sement finies comme, dans leur genre, le
faisaient Mieris, Dou et parfois Weenix, mais
cela ne diminue en rien leur valeur. Ensuite
il existe de lui des tableaux d'une allure
magistrale brossés comme Snyders et que
Weenix que je viens de citer eût fièrement
signé. Enfin, n'oublions pas que, au xixe
siècle, l'artiste, plus encore qu'aux siècles
précédents, a deux maîtres qu'il faut et servir
et respecter : la vie et l'idéal.

On éprouvait un grand charme à entendre
Verboeckhoven défendre ses convictions artis-
tiques; il y apportait beaucoup de science,
beaucoup d'esprit naturel et une chaleur d'im-
provisation qui vous tenait. Comme tous les
esprits supérieurs il avait une réelle indul-
gence pour ceux qui ne pensaient pas comme
lui. Dans son ensemble et malgré son grand
âge il n'avait rien du vieillard ; son regard
avait une acuité troublante et si quelque
 
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