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— 116

Raphaël, le demi-dieu de la peinture chez
les modernes, s'est maintes foies inspiré des
camées et des intailles antiques dans la
composition de ses grandes fresques. Deux
tableaux bien connus d'Annibal Carrache au
palais Farnèse découlent de la même source,
et chez nous, Bouchardon, un sculpteur, a
dit : « L'étude des pierres gravées ne m'a pas
été moins profitable que celle des statues
antiques. » Nous devons le croire, bien que
le dessinateur du livre de Mariette, toujours
élégant et délié, ne se soit pas montré dans
une mesure suffisante le disciple docile du
génie grec.

XXVIII

J'entends mon lecteur. Il me reproche trop
de sévérité envers les modernes. Les exem-
ples rappelés dans ces pages, les noms d'ar-
tistes cités avec amour sont anciens, et j'ai
tort, pense-t-il, de blâmer mon siècle s'il
dédaigne la glyptique, cet art n'ayant pas
survécu, selon toute apparence, à l'écrou-
lement d'Athènes et de Rome.

Qu'il se détrompe.

Au quinzième siècle de notre ère, l'Italie
connut Jean et Dominique, auxquels leur
célébrité valut les surnoms de Jean des Cor-
nalines et de Dominique des Camées. Francia
et Caradosso vécurent à la même époque.

Valerio Belli, Caraglio, Santa-Croce, Pier
Maria da Pescia ont été renommés cent ans
plus tard. C'est celui-ci qui paraît être l'au-
teur de la cornaline si souvent citée sous le
nom de Cachet de Michel-Ange. N'est-ce pas
Mariette qui estimait cette pierre « le plus
beau morceau du Cabinet du Roi et peut-être
du monde » ? Le P. Tournemine, l'un des
auteurs du Journal de Trévoux, se plût à voir
dans cette Bacchanale une œuvre de Pyrgo-
tèle. Madame Le Hay émit la même opinion.
Mautour suppose que cette intaille aurait été
faite pour les Ptolémées. Baudelot en cherche
la date au temps de Cimon, le général athé-
nien.

De Murr, le premier, dans la Gazette cVléna,
éleva des doutes sur l'antiquité du travail
dont les figures auraient été gravées d'après
un des plafonds de Raphaël. L'éveil était
donné. M. Chabouillet acheva de faire la lu-
mière sur ce problème en montrant que le
nom de Raphaël n'était pas à sa place sous
la plume de de Murr, et qu'il y fallait sub-
stituer celui de Michel-Ange. C'est, en effet,
à la fresque de la Sixtine, où Michel-Ange a
représenté Judith remettant la tête d'Holo-
pherne à sa servante, qu'est emprunté le
groupe de deux vendageuses gravé par Maria
da Pescia, ami du Florentin. L'intaille n'est
pas signée, cela va de soi, puisqu'on ne sut
longtemps à qui l'attribuer; mais un pêcheur
gravé à l'exergue du cachet de Michel-Ange
est regardé comme la signature en hiéro-
glyphe de la Pescia. Quoi qu'il en soit, l'au-
teur habile de cette cornaline a fait preuve

de savoir, puisque Mariette et d'autres s'y
sont trompés, et sans la fresque de la Six-
tine, rien n'indique que l'erreur de Mariette
serait aujourd'hui dissipée.

L'Allemagne et l'Angleterre ont eu leurs
graveurs. La France peut citer ses maîtres
en glyptique depuis François 1er.

XXIX

Le plus illustre est Julien de Fontenay,
graveur et valet de chambre de Henri IV ;
on connaît ses camées du roi et l'intaille sur
émeraude de douze millimètres où le prince
est gravé de profil, au centre d'une couronne
d'olivier, la tête laurée, le buste couvert
d'une armure.

Jacques Guay fut le graveur du roi sous
Louis XV. Son œuvre, pour être incomplet
au Cabinet des antiques, est connu. Madame
de Pompadour a gravé à l'eau-forte et au
burin les pierres de cet artiste. La Naissance
du duc de Bourgogne, le Génie cultivant un
laurier, et le curieux cachet de la favorite,
une topaze de l'Inde gravée sur ses trois
faces, n'ont plus besoin d'être décrits.

Jeuffroy, contemporain de Louis XVI, a
cherché ses modèles au temps d'Alexandre.
C'est un graveur d'après l'antique. En 1801,
cependant, Jeuffroy fit un camée représen-
tant le premier consul.

XXX.

Un artiste vivant, M. Adolphe David, ache-
vait hier son grand camée, Y Apothéose de
Napoléon Ier, d'après Ingres. Nous avons
tous vu, avant le 24 mai 1871, ce pfodigieux
plafond de l'Hôtel de ville où l'homme d'Aus-
terlitz était représenté, debout sur un qua-
drige, recevant des mains de la Gloire la
couronne des empereurs. Le char triomphal,
gnidé par la Victoire aux ailes puissamment
ouvertes, s'élevait dans un ciel sans nuages...
Une heure de démence a tout détruit.

M. David avait-il eu le pressentiment de
cette heure fatale, ou bien s'est-il souvenu
de l'édit d'Alexandre autorisant Lysippe à le
sculpter en bionze, Appelle à le peindre et
Pyrgotèle à le graver? A-t-il eu la noble am-
bition de reprendre sur une agate, avec sa
bouterolle, l'image idéalisée de l'Alexandre
moderne tracée par le pinceau d'Apelle?
Nous l'ignorons, et d'ailleurs qu'importe?
L'œuvre de M. David est deux fois précieuse.
Non-seulement elle est la réplique de haut
style d'une page disparue, mais ses dimen-
sions surpassent celles de tous les camées
gravés depuis Tibère. L'audace et la pa-
tience ont été les gardiennes de l'artiste.
Quinze années de sa vie se sont écoulées
dans ce rude travail; mais en revanche, la
France possède aujourd'hui, de par ce maî-
tre vaillant qui ne s'est pas découragé, la
plus importante des gemmes que la glyptique
moderne ait produites.

Et quel n'est pas le mérite de cette agate?

Tenu de sacrifier certains détails de la com-
position primitive, M. David s'en ouvrit à
Ingres. Si grande que fût la pierre longtemps
cherchée, elle ne permettait pas de repro-
duire le plafond d'Ingres dans son intégrité.

Le peintre le comprit.

Trois figures allégoriques disparurent pour
laisser plus de place au quadrige du triom-
phateur. Le groupe de l'Apothéose a été l'u-
nique objectif du graveur en pierres fines.
La nature entière fait silence autour du char
éclatant qui montu dans l'espace, au galop
aérien de ses coursiers. Je me trompe. Un
bruit monotone arrive jusqu'à moi. C'est le
flot qui déferle, c'est la vague qui se brise
contre le rocher. Le vainqueur plane sur
l'Océan, et la pointe d'un récif émerge sous
l'image du triomphe. C'est l'écueil, la capti-
vité, la ruine, le dénûment, la mort lente à
venir; c'est Sainte-Hélène. Il y a plus. Ce
drame philosophique, gravé par la main d'un
maître sur une agate cendrée, reçoit de la
teinte monochrome et triste de la pierre
comme un reflet douloureux d'une sévère
grandeur. L'œuvre du peintre, dans son ini-
tiale harmonie, avait moins d'unité ; elle n'é-
tait pas aussi spiritualiste.

XXXI.

Si Y Apothéose de Napoléon est le plus ré-
cent chef-d'œuvre de la glyptique, ce ne doit
pas être le dernier. Grâce à Dieu, notre his-
toire est riche en nobles souvenirs. Les gra-
veurs peuvent surgir nombreux. Un mâle
exemple leur est donné par M. David : ils
voudront le suivre.

Ils voudront sauver de l'incendie, des bles-
sures des hommes et du temps, les pages de
génie échappées à la main du sculpteur ou
du peintre. Artisans de la gloire, ils diront
sur l'émeraude et la cornaline, qui ne doi-
vent pas périr, ce que la plume ne saurait
faire revivre. Ils seront les historiens des
faits mémorables, des hautes pensées, des
conceptions généreuses; ils mériteront le
titre d'hiérogrammates que l'Egypte décer-
nait aux peintres de ses rites sacrés. Et, à
leur tour, les lettrés, les amateurs, les ar-
tistes, la critique, le grand public de France,
feront fête à l'avenir au frère du sculpteur,
à l'homme qui seul peut créer des œuvres
qu'on oserait dire éternelles, le graveur en
pierres fines. H. Jouin.

OCTAVE TASSAERT.

« Octave Tassaert était d'origine flamande.
Nous croyons à ce titre, comme à bien d'au-
tres, pouvoir insérer ici quelques souvenirs
de Jules Claretie sur ce peintre. »

M. Jules Claretie raconle dans le journal le
Temps, les infortunes de celui qui fut Octave
Tassaert. II y a là quelques enseignements
bons à retenir ?

On ne se dispute pas encore ses toiles, sous
le marteau de M. Pillet, comme on se dispute
 
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