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N° 12.

30 Juin 1883.

Vingt-cinquième Annee.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR : M. Ad. SIRET.

membre de l'académie roy. de belgique, etc.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Compartiment Wiertz.

— Salon de Paris. — Littérature : Livres d'art.

— Bibliographie. — Chronique générale. — Dic-
tionnaire des peintres. — Cabinet de la curiosité.

— Annonces.

Beaux-Arts.

COMPARTIMENT WIERTZ.

Cher Directeur,

Dernièrement, après avoir visité l'exposi-
tion des élèves de Portaels, je suis parti au
grand galop pour rejoindre mes grandes so-
litudes. Arrivé à Dinant, ainsi nommé à
cause de ses couques, j'avais deux heures de-
vant moi avant de me jeter dans la vieille
patache de Beauraing (î). (Rien de la Malle-
Poste).Naturellement je me dirigeai vers l'an-
cienne justice de paix où a lieu l'exposition
Wiertz. Cette exposition a été faite en vue de
réunir les tonds nécessaires pour l'édification
d'un monument à notre grand peintre. Un
Peu plus tard je demanderai la parole à ce pro-
pos, aujourd'hui contentons-nous d'une vi-
site à l'exhibition organisée par les Dinantais.

J'entrai dans une petite cour arrangée en
jardin, bancs, chaises, tables, buffet, le tout
Pour les grands jours sans doute. J'étais seul.
Une femme vint me demander dix sous et
me laissa ma canne quoiqu'il y eut sur une
affiche l'injonction formelle delà déposer au
vestiaire. La femme perspicace avait sans
doute deviné que mes gros pieds ardennais
étaient illustrés de cors et d'œils de perdrix.
Je lui en gardai une reconnaissance propor-
tionnée à la grandeur de la délicatesse. Je
lui donnai ses dix sous en lui faisant remar-
quer que je devais sans doute au voisinage
de Givet cette locution monétaire : — Com-
ment voulez-vous que je dise? me demanda-
t-elle. Cinquante centimes? C'est encore
français'. Un demi-franc? également français.

Je montai rêveur l'escalier de la vieille jus-
tice de paix en me disant à part moi que cette
^mme avait raison. Elle aurait pu me de-
mander 2 5 cents, mais c'eût été emprunté à

(i) Je n'ai plus une goutte de sang dans les veines :
) ouvre le Dictionnaire : Patache, mauvaise voiture
Publique. En vertu du droit de réponse j'aurai à in-
sérer la prose du Directeur de ce véhicule. Si cela ar-
rive j'avouerai que j'ignorais la vraie signification du
mot : Patache. Mon Dieu ! faites que cela n'arrive
Pas!

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS.

étranger : 12 fr.

nos anciens oppresseurs et soudainement je
me mis à rougir comme on rougit à vingt
ans (musique de ***). Eh quoi! nous som-
mes une nation, nous avons une Consti-
tution qu'on dit, il est vrai, vermoulue, à
Bruxelles en Brabant, nous avons une dy-
nastie, une armée, une garde civique, un
palais de justice et des impôts qui, comme la
patrie, grandissent tous les jours et nous
n'avons pas une monnaie à nous ! 0 honte !
Je me promis d'en parler à la première occa-
sion à notre député M. Bouvier et un peu
réconforté par ce dessein, je levai la tête. Un
brave homme montait la garde à la porte du
temple et me présenta un catalogue en me
disant :... C'est dix sous — Encore! Je buvai
cette nouvelle humiliation, je payai en mon-
naie française ma contribution belge et m'a-
vançai d'un pas. Le brave homme se cam-
pant les poings sur la hanche et jetant le
regard sur une enfilade de trois grandes
chambres toutes pleines d'objets d'art, me dit
avec satisfaction : c'est joli, hein?—J'allai
répondre; il me prit le bras : c'est que je suis
sourd, hurla-t-il avec conviction.—Tiens, et
moi aussi, mais d'une oreille — Comme moi,
fit le brave homme satisfait d'avoir trouvé un
collègue, laquelle? — La gauche — Et moi
la droite. Comme ça se trouve?— Oui, dis-je,
nous sommes faits pour nous entendre.—
C'est vrai tout de même. Tenez, Monsieur,
asseyons-nous ici, il faut que je vous conte
comment cela m'est arrivé. Vous saurez que
je suis professeur de musique... — Les arts
sont frères et sœurs, fis-je remarquer en dé-
signant les peintures de la salle. — Je don-
nais leçon à mes élèves, et comme cela peut
arriver à tout le monde, Monsieur, je m'as-
soupissais... Un de mes élèves qui était à ma
droite et à qui j'enseignais le tuba, voulant
me faire une farce, approcha le pavillon de
son énorme cuivre de mon oreille, et lâcha
un sol, mais un sol! je m'éveillai épouvanté
et me précipitai dans la rue comme un perdu.
Mon oreille tintait, ma tête brûlait, je n'y
voyais plus et un bruit énorme semblait me
remplir le cerveau. Nous avons ici un célèbre
spécialiste pour les oreilles, le Dr M. Il
m'examina et constata une lésion. Voilà,
Monsieur, comment je suis devenu sourd.
Et vous? — C'est peu intéressant. Vous per-
mettez?

Là dessus je saluai le sourd et commençai

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a s'-nicolas (Belgique).

ma promenade. Je n'ai nulle envie de vous
détailler la chose par le menu. Il y a là, jus-
qu'à présent, 5o tableaux. Une dizaine d'a-
quarelles, une cinquantaine d'œuvres origi-
nales de Wiertz, trois groupes sculptés du
maître, voilà pour la partie dormante, si je
puis dire ainsi. Puis vient la loterie natio-
nale, la grande attraction. J'y compte 38 es-
quisses de la main du maître, toutes d'un
très grand intérêt artistique, puis environ
3oo lots composés de tableaux, dessins, sculp-
tures, livres, gravures, meubles, etc. Chaque
jour le contingent augmente et il est à pré-
voir que cette loterie nationale deviendra for-
midable pour peu que la sympathie s'éveille
comme il n'en faut pas douter.

Dans tout cela je remarque, en dehors de
la part de Wiertz, de très bonnes, de très
jolies choses. Cent et cinquante artistes ont
exposé et donné. Je signale MIIes Beernaert,
Bovie, MM. Asselbergs, Coosemans, de Bi-
seau, Herbo, les Sodar, Van den Bussche,
Vervloet, Desenfants, Laborne, Tits, Uytter-
schaut, Abry, Putzeys, Marinus, Kekeljan,
Montigny, Montgommery, Mlles Jamar, Ge-
vers, Davignon, MM. Guffens, Gislain, de
Pierpont, Dandoy, Delpérée, Cogen, Baron,
Boch, Dierick, Frédéric Léon, Glibert,
Genisson, Sibert, Baudin, etc., etc.

L'exposition restera ouverte pendant deux
ans. Le prix du billet est de 5o centimes. Le
bénéfice de l'opération est, comme je l'ai dit,
destiné à aider à couvrir les frais du monu-
ment que les Dinantais veulent élever à la
gloire de leur illustre compatriote. Ce monu-
ment, comme on le sait, est ce groupe pro-
digieux qui était l'œuvre préférée de Wiertz :
le Triomphe de la lumière. C'est là une
grande et patriotique idée à laquelle doit
travailler tout ce qui n'est pas indifférent à
la gloire de la patrie. Pour ma part, mon
cher Directeur, vous me permettrez d'y re-
venir souvent. J'ai été très lié avec cet artiste
génial et je puis en parler. Je n'y faillirai pas.
Aujourd'hui je n'ai voulu que prendre langue.
La fois prochaine j'examinerai, avec le sang-
froid voulu, la place que doit occuper le mo-
nument et je m'occuperai plus profondément
des œuvres exposées. En attendant j'engage
tous ceux qui me liront et que les vacances
vont conduire dans nos Ardennes, à passer
par Dinant et à visiter le Salon-Wiertz. A
tous les points de vue cette visite sera fruc-
 
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