N° 14. 31 Juillet 1883. Vingt-cinquième Annee.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE.
DIRECTEUR : M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
membre de l'académie roy. de Belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS. a s ^-Nicolas (Belgique).
étranger : 12 fr.
SOMMAIRE. Littérature : Lettres et réponses.—
Houssaye (Correspondance de Paris). — Beaux-
Arts : Compartiment Wiertz. ■— Le salon de
Namur. — M. L. Van Engelen. — Entrefilet. —
Sur un portrait de Philippe le Beau, jeune. —
Chronique générale. — Cabinet de la curiosité.
— Annonces.
Littérature.
LETTRES et RÉPONSES.
Nous recevons l'incroyable lettre que voici:
A Monsieur Sirey,
Directeur du Journal des Beaux-Arts.
Monsieur.
Vous venez avec une grande légèreté de re-
produire dans votre Journal un article de M. Clé-
ment Lyon qui est d'un bout à l'autre contraire
à la yérité.
M. Clément Lyon en a déjà reçu les preuves,
émanant d'Octave Pirmez lui-même que vous
mêlez à votre inqualifiable agression.
M. Clément Lyon publiera ma réponse dans
son prochain numéro. Je vous requiers de faire
de même en y ajoutant la présente lettre.
Le public appréciera si votre conduite est
digne soit de notre littérature, soit de l'illustre
mort dont vous vous constituez le défenseur
d'office contre ceux qui l'ont véritablement aimé
et admiré.
J'ai l'honneur, Monsieur, de vous saluer.
Edmond Picard.
En vérité, nous tombons des nues en pré-
sence de l'attitude de M. Picart.
Il ne nous déplaît pas de faire ressortir la
grande légèreté de notre correspondant et de
réduire un peu sa superbe.
Qu'avons nous dit en substance, M. Lyon et
moi, à propos du discours prononcé au ban-
quet Lemonnier par le Directeur de l'Art
Moderne ?
Ceci :
Que jamais il n'avait, avant le dit banquet,
écrit un mot à propos de Pirmez.
Jamais!
Pour ma part, je reprends le mot, je le
souligne et je veux prouver à M. P. que rien
n'est plus exact.
Que répond-il à M. Lyon? Que le 28 juin
1881, Octave Pirmez l'a remercié de l'étude
qu il lui a consacrée dans l'Art moderne. Du
moins, il l'en soupçonne l'auteur.
Or, cet article n'est pas de M. Picart. Il est
signé : de II...
Donc, à la date du banquet, 27 mai 1883,
M. P. n'avait pas écrit une ligne, un mot sur les
ouvrages de Pirmez.
Si au mois de juillet 1883, M. P. vient
revendiquer la paternité d'un article paru
deux ans avant, sous un autre nom que le sien,
on est parfaitement en droit de soutenir que
cet article n'était pas de lui avant qu'il l'eût
reconnu.
Car, quoiqu'on en dise, cet article portât-il
l'empreinte de la grille du lion, le public n'y
a vu que ce qu'il devait y voir : un article
signé : de II.
Puisque M. P. reconnaît aujourd'hui cet ar-
ticle, il n'existait donc pas avant.
Je voudrais bien savoir comment M. P.
pourrait expliquer la chose.N'est-ce pas alors
une grande légèreté que d'avoir dit au ban-
quet Lemonnier :
« Nous ne permettrons pas qu'on nous enlève
celui qui est à nous. C'est nous qui lisions ses
livres. C'est nous qui les comprenions. C'est
nous qui l'avons signalé comme un artiste
admirable. C'est nous qui avons commencé à
faire tomber le mépris sut ceux qui le mécon-
naissaient .. »
En vérité, il est impossible d'affecter plus
d'outrecuidance, pour ne pasdire autre chose.
Ah ! si M. Picart avait signé son article de
son nom (Octave Pirmez méritait bien cela, ce
me semble) c'eût été un peu moins mauvais. Il
resterait alors à lui faire remarquer que le
solitaire d'Acoz ayant publié son premier livre
il y a plus de vingt ans, M. Picart est venu
un peu sur le tard. Les Feuillées sont de
1863, les Jours de solitude de 1867, les Heures
de philosophie de 1873 et Remo de 1881.
Ce simple exposé des faits met les choses à
leur véritable place.
Continuons et abrégeons.
La lettre de M. P. parle d'inqualifiable
agression. Nous croyons rêver. Nous n'avons
attaqué personne. Nous avons revendiqué no
tre droit et nous avons protesté, comme c'était
notre devoir, contre cette opinion qui attribue
aux jeunes la découverte de Pirmez. Oser par-
ler d'agression, à nous, qui depuis plus de
vingt ans avons connu, aimé, soutenu et signalé
Pirmez ! A nous qui avons pendant plus de
vingt ans, savouré dans l'intimité le charme
de ce grand cœur et de ce grand esprit! Oser
venir nous parler avec cette arrogance bruyante
et cet aplomb superbe!... C'est nous quiVa-
vons signalé comme un artiste admirable, c'est
nous qui avons commencé a faire tomber le
mépris sur ceux qui le méconnaissaient. Ce
serait à pouffer de rire si le sujet le permet-
tait ! Et plus loin : ...Nous saurons combattre
pour empêcher qu'on ne nous ravisse à la fois
et son âme et sa gloire. Ce Don Quichottisme
littéraire est très réussi. Seulement où est
l'ennemi? Et qui songe à vous ravir cette
âme et cette gloire.
Le public appréciera, dit M. P. Naturelle-
ment.Ce n'est pas nous qui redoutons son juge-
ment, car nous pensons avec beaucoup d'autres,
que le public intéressa à la chose sait à quoi
s'en tenir, depuis longtemps, beaucoup mieux
que M. P.
Quant à me constituer le défenseur d'office
de l'illustre mort contre ceux qui l'ont vérita-
blement aimé et admiré, j'avoue que je ne
comprends absolument rien ni à cette phrase,
ni au rôle que m'impose M. P. Je ne sache
pas que Pirmez ait été attaqué. Si cela arrive
jamais, ce n'est pas M. P. qui le défendra,
ni moi, ni personne. Le brise des bois
d'Acoz soufflera sur l'insecte. Maintenant si M.
Picart aime véritablement et admire l'illustre
mort, j'en félicite son intelligence et son bon
goût, mais il faut absolument qu'il se mette
bien dans la tête qu'il y en a qui l'ont aimé et
admiré, tout autant, et même plus, avant lui.
Réflexion faite, je crois même que notre cor-
respondant n'était pas né depuis longtemps
que déjà Pirmez avait ses admirateurs et ses
amis dans des écrits que les jeunes ont eu le
tort de ne pas connaître et qui émanent des
hommes les plus célèbres et les plus notables
de l'époque — quoique académiciens (1).
Voici la lettre à M. Cl. Lyon, lettre dont
M. P. requiert l'insertion :
(1) Voici quelques noms d'étrangers qui pnt ap-
précié Pirmez bien longtemps avant M. P. :
Bancel ; Caro ; Charton, Ed.; Cuvilier-Fleury ;
Grand-Carteret ; Feuillet, 0.; Havet, E. ; PIous-
saye, A. ; Hugo, Y. ; Janin, J. ; Jouin, H. ; Mar-
inier, X.; Passy, Fr. ; St-Réné-Tallandier; Sainte-
Beuve; Michelet ; Stahl ; Saint-Albin; Taine.
Quant aux Belges, depuis Victor Joly jusqu'à
M. Picart, je compte vingt-cinq hommes de lettres
écrivant dans les grands carrés comme dans les
Gazettes bourgeoises^) ainsi que s'exprime l'Art mo-
derne.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE.
DIRECTEUR : M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
membre de l'académie roy. de Belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS. a s ^-Nicolas (Belgique).
étranger : 12 fr.
SOMMAIRE. Littérature : Lettres et réponses.—
Houssaye (Correspondance de Paris). — Beaux-
Arts : Compartiment Wiertz. ■— Le salon de
Namur. — M. L. Van Engelen. — Entrefilet. —
Sur un portrait de Philippe le Beau, jeune. —
Chronique générale. — Cabinet de la curiosité.
— Annonces.
Littérature.
LETTRES et RÉPONSES.
Nous recevons l'incroyable lettre que voici:
A Monsieur Sirey,
Directeur du Journal des Beaux-Arts.
Monsieur.
Vous venez avec une grande légèreté de re-
produire dans votre Journal un article de M. Clé-
ment Lyon qui est d'un bout à l'autre contraire
à la yérité.
M. Clément Lyon en a déjà reçu les preuves,
émanant d'Octave Pirmez lui-même que vous
mêlez à votre inqualifiable agression.
M. Clément Lyon publiera ma réponse dans
son prochain numéro. Je vous requiers de faire
de même en y ajoutant la présente lettre.
Le public appréciera si votre conduite est
digne soit de notre littérature, soit de l'illustre
mort dont vous vous constituez le défenseur
d'office contre ceux qui l'ont véritablement aimé
et admiré.
J'ai l'honneur, Monsieur, de vous saluer.
Edmond Picard.
En vérité, nous tombons des nues en pré-
sence de l'attitude de M. Picart.
Il ne nous déplaît pas de faire ressortir la
grande légèreté de notre correspondant et de
réduire un peu sa superbe.
Qu'avons nous dit en substance, M. Lyon et
moi, à propos du discours prononcé au ban-
quet Lemonnier par le Directeur de l'Art
Moderne ?
Ceci :
Que jamais il n'avait, avant le dit banquet,
écrit un mot à propos de Pirmez.
Jamais!
Pour ma part, je reprends le mot, je le
souligne et je veux prouver à M. P. que rien
n'est plus exact.
Que répond-il à M. Lyon? Que le 28 juin
1881, Octave Pirmez l'a remercié de l'étude
qu il lui a consacrée dans l'Art moderne. Du
moins, il l'en soupçonne l'auteur.
Or, cet article n'est pas de M. Picart. Il est
signé : de II...
Donc, à la date du banquet, 27 mai 1883,
M. P. n'avait pas écrit une ligne, un mot sur les
ouvrages de Pirmez.
Si au mois de juillet 1883, M. P. vient
revendiquer la paternité d'un article paru
deux ans avant, sous un autre nom que le sien,
on est parfaitement en droit de soutenir que
cet article n'était pas de lui avant qu'il l'eût
reconnu.
Car, quoiqu'on en dise, cet article portât-il
l'empreinte de la grille du lion, le public n'y
a vu que ce qu'il devait y voir : un article
signé : de II.
Puisque M. P. reconnaît aujourd'hui cet ar-
ticle, il n'existait donc pas avant.
Je voudrais bien savoir comment M. P.
pourrait expliquer la chose.N'est-ce pas alors
une grande légèreté que d'avoir dit au ban-
quet Lemonnier :
« Nous ne permettrons pas qu'on nous enlève
celui qui est à nous. C'est nous qui lisions ses
livres. C'est nous qui les comprenions. C'est
nous qui l'avons signalé comme un artiste
admirable. C'est nous qui avons commencé à
faire tomber le mépris sut ceux qui le mécon-
naissaient .. »
En vérité, il est impossible d'affecter plus
d'outrecuidance, pour ne pasdire autre chose.
Ah ! si M. Picart avait signé son article de
son nom (Octave Pirmez méritait bien cela, ce
me semble) c'eût été un peu moins mauvais. Il
resterait alors à lui faire remarquer que le
solitaire d'Acoz ayant publié son premier livre
il y a plus de vingt ans, M. Picart est venu
un peu sur le tard. Les Feuillées sont de
1863, les Jours de solitude de 1867, les Heures
de philosophie de 1873 et Remo de 1881.
Ce simple exposé des faits met les choses à
leur véritable place.
Continuons et abrégeons.
La lettre de M. P. parle d'inqualifiable
agression. Nous croyons rêver. Nous n'avons
attaqué personne. Nous avons revendiqué no
tre droit et nous avons protesté, comme c'était
notre devoir, contre cette opinion qui attribue
aux jeunes la découverte de Pirmez. Oser par-
ler d'agression, à nous, qui depuis plus de
vingt ans avons connu, aimé, soutenu et signalé
Pirmez ! A nous qui avons pendant plus de
vingt ans, savouré dans l'intimité le charme
de ce grand cœur et de ce grand esprit! Oser
venir nous parler avec cette arrogance bruyante
et cet aplomb superbe!... C'est nous quiVa-
vons signalé comme un artiste admirable, c'est
nous qui avons commencé a faire tomber le
mépris sur ceux qui le méconnaissaient. Ce
serait à pouffer de rire si le sujet le permet-
tait ! Et plus loin : ...Nous saurons combattre
pour empêcher qu'on ne nous ravisse à la fois
et son âme et sa gloire. Ce Don Quichottisme
littéraire est très réussi. Seulement où est
l'ennemi? Et qui songe à vous ravir cette
âme et cette gloire.
Le public appréciera, dit M. P. Naturelle-
ment.Ce n'est pas nous qui redoutons son juge-
ment, car nous pensons avec beaucoup d'autres,
que le public intéressa à la chose sait à quoi
s'en tenir, depuis longtemps, beaucoup mieux
que M. P.
Quant à me constituer le défenseur d'office
de l'illustre mort contre ceux qui l'ont vérita-
blement aimé et admiré, j'avoue que je ne
comprends absolument rien ni à cette phrase,
ni au rôle que m'impose M. P. Je ne sache
pas que Pirmez ait été attaqué. Si cela arrive
jamais, ce n'est pas M. P. qui le défendra,
ni moi, ni personne. Le brise des bois
d'Acoz soufflera sur l'insecte. Maintenant si M.
Picart aime véritablement et admire l'illustre
mort, j'en félicite son intelligence et son bon
goût, mais il faut absolument qu'il se mette
bien dans la tête qu'il y en a qui l'ont aimé et
admiré, tout autant, et même plus, avant lui.
Réflexion faite, je crois même que notre cor-
respondant n'était pas né depuis longtemps
que déjà Pirmez avait ses admirateurs et ses
amis dans des écrits que les jeunes ont eu le
tort de ne pas connaître et qui émanent des
hommes les plus célèbres et les plus notables
de l'époque — quoique académiciens (1).
Voici la lettre à M. Cl. Lyon, lettre dont
M. P. requiert l'insertion :
(1) Voici quelques noms d'étrangers qui pnt ap-
précié Pirmez bien longtemps avant M. P. :
Bancel ; Caro ; Charton, Ed.; Cuvilier-Fleury ;
Grand-Carteret ; Feuillet, 0.; Havet, E. ; PIous-
saye, A. ; Hugo, Y. ; Janin, J. ; Jouin, H. ; Mar-
inier, X.; Passy, Fr. ; St-Réné-Tallandier; Sainte-
Beuve; Michelet ; Stahl ; Saint-Albin; Taine.
Quant aux Belges, depuis Victor Joly jusqu'à
M. Picart, je compte vingt-cinq hommes de lettres
écrivant dans les grands carrés comme dans les
Gazettes bourgeoises^) ainsi que s'exprime l'Art mo-
derne.