N9 8.
30 Avril 1883.
Vingt-cinquième Annee.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE.
DIRECTEUR : M. Ad. SIRET.
membre de l'academie roy. de belgique, etc.
SOMMAIRE. Beaux-Arts : Les nouvelles peintures
décoratives de J. Stallaert. — Les fouilles ré-
centes au Forum romain. — Clara Peeters. —
Bibliographie : Excelsior. — Livres d'art. —
L'art français à la Sorbonne. — Programmes.—
Annonces.
Beaux-Arts.
NOUVELLES PEINTURES DÉCORATIVES
de J. Stallaert.
Avant de parler de ces peintures, qu'on
nous permette de faire ressortir — à ce
propos — et à signaler le danger qu'il y a
pour les jeunes artistes de ne plus guère
s'appliquer à acquérir d'autres qualités que
celles dont il paraissent s'occuper exclusi-
vement, c'est-à-dire le développement de
leur qualités personnelles, à n'écouter que
leurs instinct qui les porte à négliger les
études de la forme, du bon goût et à ne se
livrer qu'à la touche, l'empâtement, le brio,
toutes qualités de second ordre et qui n'ont
pas grand'chose à faire dans une œuvre sé-
rieuse, dans la peinture monumentale dite
décorative.
Les qualités qu'exige ce genre de com-
position ne sont pas à l'ordre du jour, per-
sonne n'y songe plus; elles sont même né-
gligées dans les Académies, où les tendances
modernes pénètrent peu à peu ; on y loue le
tempérament, l'originalité.
Nous sommes, quant à nous, d'un senti-
ment tout opposé; nous estimons qu'il faut
avant tout faire acquérir à l'élève les qualités
de la correction du dessin, du bon goût,
développer son instruction en lui faisant
connaître les œuvres littéraires de l'anti-
quité et en mettant continuellement sous les
yeux les chefs-d'œuvre de la sculpture et de
la peinture dont on ne cesse d'admirer la
perfection, et cela avant de lui dire :
soyez vous-même! Nous voyons en effet, par
l'histoire des grands artistes, que tous ont
commencé par ressembler à leur maître et à
leurs prédécesseurs, ce qui ne les a pas
empêchés de f.ure des œuvres originales et
belles, dans lesquelles, toujours, on suit la
science acquise. Cette manière de voir n'est
pas très partagée, mais nous restons con-
vaincus, qu'en procédant ainsi, on obtien-
drait des résultats plus beaux que ceux que,
depuis une douzaine d'années, on voit s'éta-
paraissant deux fois par mois.
PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS.
étranger : 12 fr.
1er à la rampe dans nos Expositions. On
ne verrait plus tant d'artistes donner toute
leur vie des Espérances !
Pour terminer, disons que l'éducation ar-
tistique actuelle est fausse et qu'elle ne pro
duira pas des artistes capables de décorer
par leurs œuvres les monuments publics,
comme le palais de justice, le palais des
Beaux-Arts, etc., etc.
C'est l'empire de la mode qui l'emporte,
le plus tyrannique, le plus cruel, le plus vide
de tous les pouvoirs, on s'en apercevra
quand il sera trop tard et qu'on ne saura
plus remonter la pente fatale au bas de
laquelle l'art moderne croupit et s'annihile.
Ces réflexions nous viennent plus vivaces
que jamais en présence du plafond de l'esca-
lier du musée peint par Stallaert. Mais, hâ-
tons-nous de le dire, si nous estimons dans
le talent de cet artiste les qualités dont nous
venons de parler et dont il est largement
doué, regrettons que de son côté il ne fasse
pas à l'exécution une part plus énergique.
Ce reproche une fois fait, nous n'y revien-
drons plus et nous nous absorberons volon-
tiers dans le plaisir que son œuvre nous
procure.
Malgré les brocards dont, à partir de
M. Courbet, l'allégorie a été assaillie, on n'a
su s'en passer. A la bien considérer, quelle
source éternelle d'inspirations, de créations,
de combinaisons! Quel inépuisable fond
d'idées et, franchement, que deviendrait la
peinture décorative et que deviendrait l'art
industriel si prôné de nos jours, si l'on de-
vait s'en passer? On peut dire de l'allégorie
ce qu'on a dit de l'instruction, il n'y a que les
imbéciles qui en médisent.
Stallaert a donc eu le bon esprit, l'esprit
naturel, d'employer l'allégorie, mais il faut
reconnaître qu'il l'a fait avec un tact et un
sentiment si parfait des convenances du
lieu et du moment que son œuvre en est com-
me toute illuminée. L'association des sai-
sons avec les travaux de l'année et les âges
de la vie, n'est certes pas une idée nouvelle,
mais elle est ici conduite avec une pénétra-
tion fine et juste et un sentiment délicat
qu'on ne devait guère s'attendre à trouver
dans la donnée. Il faut tout louer dans cette
œuvre importante et notamment les quatre
personnifications qui marquent sans les
brusquer les quatre angles du plafond et
ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a s'-nicolas (Belgique).
continuent si harmonieusement les indica-
tions architecturales. Ce sont de charmantes
divinités aériennes, d'une gracilité déli-
cieuse, d'un dessin très pur, très élégant,
d'un coloris suave dans sa tonalité un peu
(imide, mais supérieurement équilibrée; les
sujets plus compliqués qui occupent Je cen-
tre des panneaux sont traités dans un style
large et libre, rien de mesquin, rien d'étri-
qué dans cette symphonie peinte, rien qui
heurte, froisse, irrite ou questionne ; tout
est limpide comme une pensée bien conçue,
tout est clair comme une eau limpide, tout
a un jet de grandeur vraie et sentie et l'on
comprend à l'émotion qu'on éprouve qu'on
est en présence d'une œuvre méditée où
l'âme, le cœur et l'intelligence ont réalisé
leur trilogie.
C'est au moment où ces peintures ont été
découvertes que l'Académie royale a appelé
M. Stallaert auprès d'elle la récompense
tombe à point : elle est digne de l'œuvre.
. S.
LES FOUILLES RÉCENTES
au forum romain.
I.
Le Forum romain, dans toute son étendue,
était parcouru par la Voie Sacrée. C'est par
là que le cortège triomphal montait au Capi-
tule; c'est là que le peuple romain, toujours
avide de spectacles, s'entassait pour voir
passer le pompeux défdé, pour admirer le
butin, contempler les prisonniers barbares et
couvrir de ses applaudissements mélés de
lazzi pittoresques et mordants VImperator
triomphons : le général victorieux.
A l'époque impériale, les plus importants
monuments du Forum étaient bâtis sur la
Voie Sacrée : la basilique de Constantin, ]e
temple de Romulus et Remus, le temple d'An-
tonin et de Faustine la bordaient au nord, et
dans l'espace demeuré libre au sud delà voie
s'étendant sur une largeur de huit mètres
entre la Voie Sacrée et les Tabernce ou hou
tiques établies au pied du mont Palatin, llne
multitude de petits monuments votifs 0ll
honoraires avaient été construits : c'étaient
des statues placées sur des piédestaux de
marbre et logées dans des édicules dont les
colonettes soutenaient un fronton ric/lenjej)f
travaillé.
30 Avril 1883.
Vingt-cinquième Annee.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE.
DIRECTEUR : M. Ad. SIRET.
membre de l'academie roy. de belgique, etc.
SOMMAIRE. Beaux-Arts : Les nouvelles peintures
décoratives de J. Stallaert. — Les fouilles ré-
centes au Forum romain. — Clara Peeters. —
Bibliographie : Excelsior. — Livres d'art. —
L'art français à la Sorbonne. — Programmes.—
Annonces.
Beaux-Arts.
NOUVELLES PEINTURES DÉCORATIVES
de J. Stallaert.
Avant de parler de ces peintures, qu'on
nous permette de faire ressortir — à ce
propos — et à signaler le danger qu'il y a
pour les jeunes artistes de ne plus guère
s'appliquer à acquérir d'autres qualités que
celles dont il paraissent s'occuper exclusi-
vement, c'est-à-dire le développement de
leur qualités personnelles, à n'écouter que
leurs instinct qui les porte à négliger les
études de la forme, du bon goût et à ne se
livrer qu'à la touche, l'empâtement, le brio,
toutes qualités de second ordre et qui n'ont
pas grand'chose à faire dans une œuvre sé-
rieuse, dans la peinture monumentale dite
décorative.
Les qualités qu'exige ce genre de com-
position ne sont pas à l'ordre du jour, per-
sonne n'y songe plus; elles sont même né-
gligées dans les Académies, où les tendances
modernes pénètrent peu à peu ; on y loue le
tempérament, l'originalité.
Nous sommes, quant à nous, d'un senti-
ment tout opposé; nous estimons qu'il faut
avant tout faire acquérir à l'élève les qualités
de la correction du dessin, du bon goût,
développer son instruction en lui faisant
connaître les œuvres littéraires de l'anti-
quité et en mettant continuellement sous les
yeux les chefs-d'œuvre de la sculpture et de
la peinture dont on ne cesse d'admirer la
perfection, et cela avant de lui dire :
soyez vous-même! Nous voyons en effet, par
l'histoire des grands artistes, que tous ont
commencé par ressembler à leur maître et à
leurs prédécesseurs, ce qui ne les a pas
empêchés de f.ure des œuvres originales et
belles, dans lesquelles, toujours, on suit la
science acquise. Cette manière de voir n'est
pas très partagée, mais nous restons con-
vaincus, qu'en procédant ainsi, on obtien-
drait des résultats plus beaux que ceux que,
depuis une douzaine d'années, on voit s'éta-
paraissant deux fois par mois.
PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS.
étranger : 12 fr.
1er à la rampe dans nos Expositions. On
ne verrait plus tant d'artistes donner toute
leur vie des Espérances !
Pour terminer, disons que l'éducation ar-
tistique actuelle est fausse et qu'elle ne pro
duira pas des artistes capables de décorer
par leurs œuvres les monuments publics,
comme le palais de justice, le palais des
Beaux-Arts, etc., etc.
C'est l'empire de la mode qui l'emporte,
le plus tyrannique, le plus cruel, le plus vide
de tous les pouvoirs, on s'en apercevra
quand il sera trop tard et qu'on ne saura
plus remonter la pente fatale au bas de
laquelle l'art moderne croupit et s'annihile.
Ces réflexions nous viennent plus vivaces
que jamais en présence du plafond de l'esca-
lier du musée peint par Stallaert. Mais, hâ-
tons-nous de le dire, si nous estimons dans
le talent de cet artiste les qualités dont nous
venons de parler et dont il est largement
doué, regrettons que de son côté il ne fasse
pas à l'exécution une part plus énergique.
Ce reproche une fois fait, nous n'y revien-
drons plus et nous nous absorberons volon-
tiers dans le plaisir que son œuvre nous
procure.
Malgré les brocards dont, à partir de
M. Courbet, l'allégorie a été assaillie, on n'a
su s'en passer. A la bien considérer, quelle
source éternelle d'inspirations, de créations,
de combinaisons! Quel inépuisable fond
d'idées et, franchement, que deviendrait la
peinture décorative et que deviendrait l'art
industriel si prôné de nos jours, si l'on de-
vait s'en passer? On peut dire de l'allégorie
ce qu'on a dit de l'instruction, il n'y a que les
imbéciles qui en médisent.
Stallaert a donc eu le bon esprit, l'esprit
naturel, d'employer l'allégorie, mais il faut
reconnaître qu'il l'a fait avec un tact et un
sentiment si parfait des convenances du
lieu et du moment que son œuvre en est com-
me toute illuminée. L'association des sai-
sons avec les travaux de l'année et les âges
de la vie, n'est certes pas une idée nouvelle,
mais elle est ici conduite avec une pénétra-
tion fine et juste et un sentiment délicat
qu'on ne devait guère s'attendre à trouver
dans la donnée. Il faut tout louer dans cette
œuvre importante et notamment les quatre
personnifications qui marquent sans les
brusquer les quatre angles du plafond et
ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a s'-nicolas (Belgique).
continuent si harmonieusement les indica-
tions architecturales. Ce sont de charmantes
divinités aériennes, d'une gracilité déli-
cieuse, d'un dessin très pur, très élégant,
d'un coloris suave dans sa tonalité un peu
(imide, mais supérieurement équilibrée; les
sujets plus compliqués qui occupent Je cen-
tre des panneaux sont traités dans un style
large et libre, rien de mesquin, rien d'étri-
qué dans cette symphonie peinte, rien qui
heurte, froisse, irrite ou questionne ; tout
est limpide comme une pensée bien conçue,
tout est clair comme une eau limpide, tout
a un jet de grandeur vraie et sentie et l'on
comprend à l'émotion qu'on éprouve qu'on
est en présence d'une œuvre méditée où
l'âme, le cœur et l'intelligence ont réalisé
leur trilogie.
C'est au moment où ces peintures ont été
découvertes que l'Académie royale a appelé
M. Stallaert auprès d'elle la récompense
tombe à point : elle est digne de l'œuvre.
. S.
LES FOUILLES RÉCENTES
au forum romain.
I.
Le Forum romain, dans toute son étendue,
était parcouru par la Voie Sacrée. C'est par
là que le cortège triomphal montait au Capi-
tule; c'est là que le peuple romain, toujours
avide de spectacles, s'entassait pour voir
passer le pompeux défdé, pour admirer le
butin, contempler les prisonniers barbares et
couvrir de ses applaudissements mélés de
lazzi pittoresques et mordants VImperator
triomphons : le général victorieux.
A l'époque impériale, les plus importants
monuments du Forum étaient bâtis sur la
Voie Sacrée : la basilique de Constantin, ]e
temple de Romulus et Remus, le temple d'An-
tonin et de Faustine la bordaient au nord, et
dans l'espace demeuré libre au sud delà voie
s'étendant sur une largeur de huit mètres
entre la Voie Sacrée et les Tabernce ou hou
tiques établies au pied du mont Palatin, llne
multitude de petits monuments votifs 0ll
honoraires avaient été construits : c'étaient
des statues placées sur des piédestaux de
marbre et logées dans des édicules dont les
colonettes soutenaient un fronton ric/lenjej)f
travaillé.