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- 98 —

des revues et journaux (1862-1882) qu'Octave
Pirmez fit imprimer à 5o exemplaires seule-
ment et qui contiennent tous les articles écrits
sur ses œuvres dont il a eu connaissance par
lui-même ou que ses amis se sont empressés
de lui adresser. Eh bien ! pendant ces vingt
années, nous ne voyons pas une seule ligne
écrite, soit pour, soit contre les œuvres d'Oc-
tave Pirmez par M. Edmond Picard.

«Bien plus, nous étions dans l'intimité du
solitaire d'Acoz : jamais il n'a prononcé son
nom en notre présence : il ne paraissait pas
connaître le moins du monde l'auteur de la
Forge Roussel.

» En résumé,Octave Pirmez n'a jamais été
apprécié publiquement ni par M. Edmond
Picard, ni par ses amis de la Jeune Belgique ;
il doit sa renommée à ses œuvres d'abord,
ensuite à ceux qui en ont propage la connais-
sance et, parmi eux, c'est en vain que l'on
cherche celui du fécond écrivain de YArt
moderne et du Journal des Tribunaux. Je
ne pense pas qu'il ait jamais publié un seul
article, une seule ligne, sur n'importe quel
livre d'Octave Pirmez. Nous n'avons pas
l'honneur de connaître personnellement
M. Edm. Picard; nous savons toutefois que
c'est un homme de talent, d'une activité,
d'une fécondité merveilleuse; mais, comme
tout le monde, il peut se tromper, se mé-
prendre sur tel ou tel service qu'il croit avoir
rendu à la cause des lettres nationales ; c'est
assez dire que nous ne relevons pas son er-
reur pour lui causer la moindre peine, mais
bien pour remettre toutes choses en leur lieu
et place et pour rendre à la vérité ce qui ne
peut lui être enlevé. C'est donc bien tardive-
ment que M. Picard a applaudi au génie
d'Octave Pirmez : il ne l'a fait qu'après la
mort de ce grand écrivain national. Aussi les
lignes suivantes de son discours du 27 mai
dernier, nous ont-elles paru fort étranges :
« C'est donc en réalité, l'un de nos chefs et
nous saurons combattre pour empêcher qu'on
ne nous ravisse à la fois et son âme et sa
gloire. •>

» C'est à ce sujet que M. Ad. Siret a écrit
les lignes suivantes dans le compte-rendu du
banquet Lemonnier qu'il a publié dans le
n° du i5 juin dernier du Journal des Beaux-
Arts.

« Dans les discours prononcés à ce ban-
quet, la jeune Belgique littéraire a réclamé
Octave Pirmez comme un de ses chefs (?) et
s'est vanté de l'avoir extrait de l'oubli. On
aurait dû se montrer mieux informé et plus
juste. Le noble écrivain que nous venons de
perdre et dont le génie, par parenthèse, est
entièrement opposé à celui qui se manifeste
aujourd'hui, a surgi pour la gloire,bien avant
que la jeune Belgique ait eu à songer à lui.

Les faits et les dates parleront catégorique-
ment à leur heure, ainsi que les touchantes
correspondances de l'auteur de Remo. »

k

* *

» Où sont donc maintenant les ravisseurs ?

» La jeune Belgique revendique, aujour-
d'hui qu'il est mort, Octave Pirmez pour
l'un de ses chefs ; c'est encore une erreur :
esprit lier et indépendant, jamais il ne vou-
lut être ni le chef ni le soldat d'aucune école.
Vivant, il se fut récrié contre une telle pré-
tention ; cette école, il l'eut combattue même
au nom du bon goût et de la pudeur des
lettres, si pas au nom de la morale.

» Vivant, La jeune Belgique le délaissait ;
c'était un rêveur, un mélancolique d'un autre
âge, un retardataire ; glorifié dans la mort,
on se le dispute, on se l'arrache. Quand on
n'a plus à craindre sa férule, on s'en fait un
sceptre. Ce sont bien là les humains calculs.
Octave Pirmez ne prévoyait-il pas cette situa-
tion, quand il écrivait avec son grand style :
« Le mort est couché dans la nuit impéné-
trable, sourd et sans riposte : on peut en
parler librement sans crainte de démenti »

» Enfin, pour rendre honneur à qui le mé-
rite, celui qui a le plus soutenu Octave Pir-
mez dans sa vie littéraire, c'est M. Adolphe
Siret lui même, c'est le directeur du Jour-
nal des Beaux-Arts, et ceux qui ont le
plus aidé à faire aimer ses œuvres en Bel-
gique, ce sont, par ordre de date : Désiré
Bancel, Victor Joly, Joseph Dumoulin, Ch.
De Coster, O. Lacroix, Emile Leclercq,
Gustave Frédérix, Adolphe Siret, docteur
E. Hermant, Desguin, Ad. Gouder de Beau-
regard, Georges Wauthier, A. Gillard, J.-J.
Godimus, Max. Veydt, le chanoine A. Van
Weddingen, Alphonse Le Roy, Frédéric
Descamps, Ferdinand Gravand, J. Stecher
et votre serviteur; en Suisse : John Grant-
Carteret ; en France, St-René Taillandier,
Emmanuel de St-Albin, Marmier, Taine, etc.

» Victor Hugo, Ste-Beuve et Jules Janin
écrivirent aussi au solitaire d'Acoz des lettres
émues et enthousiastes.

* *

)) Chose curieuse : parmi les 213 souscrip-
teurs au banquet Lemonnier où ces revendi-
cations bizarres se sont produites pour la
première fois, il n'en est pas un qui ait écrit
une ligne sur les œuvres de Pirmez (1) ; par
contre, aucun de ceux qui l'ont posé, qui
l'ont défendu à l'occasion, qui ont poussé à
sa gloire, ni Ad. Siret, ni Alphonse Le Roy,
ni J. Stécher, ni Ferd. Loise, ni Emile Le-
clercq, ni Gustave Frédérix, ni le docteur
Hermant, ni Desguin, ni Georges Wauthier,

(1) II y a ici une légère erreur : M. Albert Giraud
a écrit sur Remo, dans la Revue moderne un article
brillant.

ni Frédéric Descamps, ni Ferdinand Gra-
vrand n'étaient là ! Ce fait n'est-il pas signi-
ficatif ?

* *

«Tout cela, c'est la vérité pure, dégagée de
tout intérêt, de toute influence d'école, de
caste ou de parti. Clément LYON. »

L'ART EST RATIONNEL
par Emile Leclercq (1).

Il ne s'agit pas de discuter M. Leclercq, il
faut le constater. C'est un philosophe tout
d'une pièce, on doit le prendre comme il est.
Il y a en lui une sorte de logique fatale dont
la source est absolument subjective. Il semble
que depuis qu'il regard.; il n'a point vu; il ne
lait que sentir. Son entendement l'a porté à
regarder l'humanité avec une sorte de dédain
parce quelle ne marche pas dans les voies
qu'il croit irrémissiblement les seules bonnes.
De là, un froissement d'orgueil de là une
àpreté de vie, de là son individualité tran-
chée.

Si vous en doutez rappelez-vous avec qu'elle
irritabilité il soulève les questions religieu-
ses. Dans toutes ses œuvres, et elles sont déjà
nombreuses, son tremplin visible ou caché,
est la Foi religieuse. Il la combat avec con-
tinuité, avec acharnement; c'est son indigna-
tion qui l'a fait poète, il n'oserait s'en défen-
dre. La société affranchie par le christianisme
et jusqu'à présent formée sur ses leçons, lui
déplait. Il cherche, il rêve, avec beaucoup
d'autres, non à l'améliorer mais à la changer.
Ses romans n'ont pas d'autre but. Je ne les
ai pas tous lus, je dois l'avouer,mais je crois en
savoir assez par ceux qui me sont passés
sous les yeux, pour me permettre d'asseoir un
jugement. Il n'est pas possible, du reste, à
M. Leclercq de changer ses allures au point
de n'être plus le même d'un roman à un au-
tre. Or, ces romans sont bâtis sur des thèses
et leurs lugubres dénouements disent assez
que c'est dans les imperfections sociales
qu'il va chercher sa proie. Nous 11e lui en vou-
drions pas pour cela si ses thèses étaient plus
réelles; ne doit-on pas à Dickens et à Betcher
Stowe, entr'autres, des réformes humanitaires
décisives. Nous serions les premiers à ap-
plaudir et, dans la mesure de nos forces, à
appuyer notre auteur, s'il trempait sa plume
dans une encre moins enfiellée.

S'il est vrai qu'on écrit toujours comme on
pense, M. Leclercq est l'écrivain de sa pensée.
Bref, clair et dur. Il possède à un haut degré
l'art de poser sobrement ses prémisses et, d'y
répandre une lumière très vive. Après quoi
vient le disputeur cassant qui n'admet guères
les circonstances atténuantes et qui marche
sans se soucier de la poussière qu'il soulève
sur sa route. Or, c'est cette poussière qui
ternit sa dialectique et qui compromet la
position littéraire de l'écrivain. Presque tou-

(1) 1 vol. in-18. Bruxelles. Office de Publicité.
 
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