106
LES PLUS ANCIENS MONUMENTS ÉGYPTIENS
d'une rubrique rouge. D'après Manéthon, les rois de la IIIe dynastie seraient déjà des
Memphites; mais il est bien possible que ce ne soient que les derniers qui aient émigré
en Basse-Egypte. D'ailleurs, il est évident qu'il y a un grand désordre dans la IIIe dy-
nastie, telle qu'elle nous est présentée dans les diverses listes de Manéthon, qui ne
concordent pas entre elles. Il semble qu'il y ait des répétitions de la IIIe à la IVe dynastie,
que 2ï)<poop(ç de la IIIe soit le même que Swpî; de la IVe. Je n'insiste pas sur ce point. Je
pourrais citer aussi la pierre de Palerme, dont les inscriptions changent de forme avec
le règne de Snefrou. De ces faits il me paraît ressortir qu'avec ce prince nous entrons
dans une nouvelle phase de la civilisation égyptienne, phase qui, peut-être, avait com-
mencé avant lui, mais qui se montre surtout à partir de son règne.
La période que j'ai appelée thinite est peut-être celle à laquelle la Vieille Chronique
donne le nom de période des Me<rcp<x(oi1, des Mitzraïmites, autrement dit des descendants
de Ménès, puisque, pour les chronographes chrétiens, Mitzraïm est le roi Menéss« Cette
période était suivie de celle des Égyptiens proprement dits, qui partirait ainsi de la fin
de la IIIe ou de la IVe dynastie.
Les monuments d'Abydos, de Négadah, d'Hiéraconpolis nous font connaître ce
qu'a été la civilisation de la période thinite par laquelle a commencé l'histoire d'Égypte;
c'est ce que les noms que nous avons pu identifier me semblent établir ; mais il ne fau-
drait pas tirer de la nature ou du style de ces monuments des règles trop absolues.
Jusqu'à présent on n'en a trouvé qu'un petit nombre au nord d'Abydos ; cela indiquerait
que c'est dans la partie supérieure de l'Egypte que la civilisation a fait ses premiers
pas et que nous la voyons sous sa forme véritablement archaïque. Est-ce à dire que
tous les monuments de ce style doivent sans hésitation être rapportés à cette époque
reculée? Parce qu'on aura trouvé, dans d'autres localités de la Haute-Egypte, de la
poterie semblable à celle de Négadah, ou qu'à Négadah même, dans la nécropole, on
aura fait de nouvelles trouvailles de même genre, cela voudra-t-il dire que, sans aucun
doute, cette poterie remonte à la IIe ou à la IIP dynastie? Je ne saurais adopter cette
manière de voir. Je crois que, dans l'archéologie égyptienne, on passe trop facilement
sur les différences locales, et sur les traditions, qu'on gardait dans tel endroit, qui ne
régnaient pas dans le nome voisin, et que les vicissitudes de la politique laissent
intactes. Pourquoi le peuple d'Hiéraconpolis ou de Négadah aurait-il renoncé aux
vases auxquels il était habitué, aux instruments de silex qu'il employait de père en
fils, parce que la capitale s'était transportée à Memphis? Ce qui a dû changer, c'est
tout ce qui appartenait au roi et à son entourage, tout ce que faisait faire ce que nous
appellerions le monde cle la cour, et ceux qui prenaient exemple sur lui. Mais, pour la
masse, le bas peuple, que pouvait-il en résulter? On sait quelle ténacité ont encore de
nos jours certaines industries locales, certaines habitudes ou certains goûts propres à
1. Bunsen, Egypt's Place, I, p. 689.
2. Bunsen, l. t., p. 638. Cf. Dion, de Sic, I, 45, 3. L'idée qu'il faut faire une différence entre les Mitzraï-
mites et les Egyptiens m'a été suggérée par M. Grébaut. L'ancien directeur du Musée de Gizèh a donné,
p. 67 et 68 de son catalogue, un résumé de son système chronologique, qu'on voudrait voir développer plus
longuement.
LES PLUS ANCIENS MONUMENTS ÉGYPTIENS
d'une rubrique rouge. D'après Manéthon, les rois de la IIIe dynastie seraient déjà des
Memphites; mais il est bien possible que ce ne soient que les derniers qui aient émigré
en Basse-Egypte. D'ailleurs, il est évident qu'il y a un grand désordre dans la IIIe dy-
nastie, telle qu'elle nous est présentée dans les diverses listes de Manéthon, qui ne
concordent pas entre elles. Il semble qu'il y ait des répétitions de la IIIe à la IVe dynastie,
que 2ï)<poop(ç de la IIIe soit le même que Swpî; de la IVe. Je n'insiste pas sur ce point. Je
pourrais citer aussi la pierre de Palerme, dont les inscriptions changent de forme avec
le règne de Snefrou. De ces faits il me paraît ressortir qu'avec ce prince nous entrons
dans une nouvelle phase de la civilisation égyptienne, phase qui, peut-être, avait com-
mencé avant lui, mais qui se montre surtout à partir de son règne.
La période que j'ai appelée thinite est peut-être celle à laquelle la Vieille Chronique
donne le nom de période des Me<rcp<x(oi1, des Mitzraïmites, autrement dit des descendants
de Ménès, puisque, pour les chronographes chrétiens, Mitzraïm est le roi Menéss« Cette
période était suivie de celle des Égyptiens proprement dits, qui partirait ainsi de la fin
de la IIIe ou de la IVe dynastie.
Les monuments d'Abydos, de Négadah, d'Hiéraconpolis nous font connaître ce
qu'a été la civilisation de la période thinite par laquelle a commencé l'histoire d'Égypte;
c'est ce que les noms que nous avons pu identifier me semblent établir ; mais il ne fau-
drait pas tirer de la nature ou du style de ces monuments des règles trop absolues.
Jusqu'à présent on n'en a trouvé qu'un petit nombre au nord d'Abydos ; cela indiquerait
que c'est dans la partie supérieure de l'Egypte que la civilisation a fait ses premiers
pas et que nous la voyons sous sa forme véritablement archaïque. Est-ce à dire que
tous les monuments de ce style doivent sans hésitation être rapportés à cette époque
reculée? Parce qu'on aura trouvé, dans d'autres localités de la Haute-Egypte, de la
poterie semblable à celle de Négadah, ou qu'à Négadah même, dans la nécropole, on
aura fait de nouvelles trouvailles de même genre, cela voudra-t-il dire que, sans aucun
doute, cette poterie remonte à la IIe ou à la IIP dynastie? Je ne saurais adopter cette
manière de voir. Je crois que, dans l'archéologie égyptienne, on passe trop facilement
sur les différences locales, et sur les traditions, qu'on gardait dans tel endroit, qui ne
régnaient pas dans le nome voisin, et que les vicissitudes de la politique laissent
intactes. Pourquoi le peuple d'Hiéraconpolis ou de Négadah aurait-il renoncé aux
vases auxquels il était habitué, aux instruments de silex qu'il employait de père en
fils, parce que la capitale s'était transportée à Memphis? Ce qui a dû changer, c'est
tout ce qui appartenait au roi et à son entourage, tout ce que faisait faire ce que nous
appellerions le monde cle la cour, et ceux qui prenaient exemple sur lui. Mais, pour la
masse, le bas peuple, que pouvait-il en résulter? On sait quelle ténacité ont encore de
nos jours certaines industries locales, certaines habitudes ou certains goûts propres à
1. Bunsen, Egypt's Place, I, p. 689.
2. Bunsen, l. t., p. 638. Cf. Dion, de Sic, I, 45, 3. L'idée qu'il faut faire une différence entre les Mitzraï-
mites et les Egyptiens m'a été suggérée par M. Grébaut. L'ancien directeur du Musée de Gizèh a donné,
p. 67 et 68 de son catalogue, un résumé de son système chronologique, qu'on voudrait voir développer plus
longuement.