L' art: revue hebdomadaire illustrée (16.1890 (Teil 2))

ULYSSE BUTIN.

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conseillait suivant son tempérament et ses idées person-
nelles. L’un trouvait trop vif ce que l’autre trouvait trop
pâle; celui-ci voulait de la grâce, là où celui-là demandait
de la vigueur. Butin écoutait tout le monde, et ne savait
auquel entendre. Il avait cependant l’intelligence et le
discernement qui lui eussent permis de choisir et de
prendre de ces critiques et de ces conseils ce qu’il y avait
de juste et de profitable ; mais sa volonté chancelante ne
savait pas prendre parti. Il avait en outre cette soumission
craintive et déférente des pauvres diables, jamais sûrs du

lendemain, qui semblent reconnaître n’avoir droit à rien
et sont reconnaissants à la société et à ceux qui les entou-
rent, de la place, si petite soit-elle, qu’on veut bien
leur faire. De là, sans servilité aucune, avec une gaieté de
belle humeur contagieuse, un abandon naïf et touchant
qui faisait de lui un grand enfant, avec tous les défauts et
tous les charmes de l’enfance, oubliant aujourd’hui la
main qui l’a tiré la veille de l’ornière, recevant tout et ne
tenant à rien en dehors de son art, prêt à tout donner,
incapable non pas seulement d’économiser comme la

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Croquis et autographe d’Ulysse Butin

fourmi, mais même d’avoir à soi la guitare accompagnant
la chanson de la cigale. Et ce besoin d’aide qu’il avait
s’imposait tellement qu’il était impossible de le connaître
sans le prendre sous sa protection, et qu’il lui dut certai-
nement d’innombrables amis qui le protégeaient comme
on protège l’aveugle à qui on fait traverser les carrefours
encombrés.

Une autre particularité, non plus de son caractère,
mais de son tempérament artistique, et qui explique son
peu de succès à l’Ecole, c’était son inaptitude à s’assi-
miler la banalité des types convenus. Il n’était pas créa-

[ teur dans le sens littéraire de ce mot, et Minerve ne fût
jamais sortie tout armée de son cerveau. Il lui fallait la vie
agissante, le mouvement pris sur le fait, l’attitude, l’ex-
pression saisies sur le vif ; à tel point qu’il ne pouvait pas
se répéter lui-même, et que nous l’avons vu, après quatre
ou cinq tentatives infructueuses, abandonner la réédition
d’une simple figure de pêcheuse, assise au bord de la
mer, en jurant de ne plus travailler que ses études sur
nature. Aussi ne faut-il pas s’étonner si son premier succès
lui vint plus tard, en 1868, des Chanteurs de rues, qu’il

n’avait certes pas rencontrés dans l’atelier de M. Picot.

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