L' art: revue hebdomadaire illustrée (16.1890 (Teil 2))

ANDREA PALLADIO

ET SON OEUVRE

ndrea Palladio naquit à Vicence ; on ne sait rien de ses
parents, si ce n’est que son père était originaire de Pa-
doue, qu'il s’appelait Pierre et exerçait la profession de
meunier 1 ; on ignore jusqu’à son nom de famille, et l'on
a discuté longtemps sur l’année précise de sa naissance.

Il est singulier qu'un maître si célèbre, pendant et
après sa vie, ait eu des commencements si obscurs ! Et
pourtant Vicence a pour son Palladio un culte véritable-
ment extraordinaire; il semble même que Palladio lui ait
fait oublier qu’elle a donné le jour à Valerio Belli (1468
f 1546), surnommé « Valerio Vicentino » (Vicentin), et
qui, dans l'art de graver les pierres dures, s’est acquis
un renom immortel2. Enfin, c’est difficile à Vicence de
parler d’art sans prononcer le nom de Palladio. On ren-
contre à chaque pas des monuments élevés par lui ou
inspirés de son style, et qui donnent un caractère de
majesté frappant à cette riante ville vénitienne entourée de montagnes fleuries — les cols Bériques

— et traversée par deux fleuves — le Bacchiglione et le Retrone — qui menacent continuellement
la tranquillité des habitants. *

L’année de la naissance de Palladio a été, nous l’avons dit, l’objet d’ardentes discussions ;
Paul Gualdo, contemporain de Palladio, dont il écrivit la vie (qui parut seulement en 1749),
affirme que l'artiste naquit en i5o8, et cette date parut certaine, jusqu’au jour où Temanza
annonça avoir vu à Venise, chez M. Joseph Smith, un portrait de Palladio peint par Bernardin
Licinio, portant l’inscription suivante : B. Licinii opus —- Andréas Paladio — A — Annorum XXIII

— MDXLI. Le portrait en question a été gravé, mais on le trouve difficilement : il représente
le jeune homme, l’équerre et le compas à la main, les yeux pleins de vivacité, le maintien
décent et digne3. Or, si Bernardin Licinio peignit le portrait de Palladio en 1541 et si Palladio
en 1541 avait vingt-trois ans, il est clair que l’artiste naquit — selon l'inscription que Temanza
a vue — non pas en i5o8, comme prétend Gualdo, mais dix ans après, en i5i8. Mais qui peut
nous assurer que le portrait de B. Licinio représente Palladio? Est-ce l'inscription? Cette inscrip-
tion peut avoir une grande valeur, comme elle peut aussi n'en avoir aucune, puisqu’elle pourrait
être apocryphe. Combien de tableaux anciens portent des dates fausses et de faux noms d’auteurs !
Il serait très utile de pouvoir examiner le portrait que Temanza a vu à Venise, mais, quelques
recherches qu’on ait faites, personne n’a pu, jusqu’ici, le retrouver.

L’abbé Zanella, de Vicence, qui, à l'occasion des fêtes du troisième centenaire de Palladio,
fut chargé de publier en résumé l’ouvrage écrit par l’abbé Antoine Magrini4, accepta la date du
portrait de B. Licinio, comme l’avait acceptée Magrini lui-même, parce qu'elle était « plus
honorable pour la célébrité de Palladio » 5. Aujourd’hui, sans vouloir incriminer Temanza, Magrini

1. Cf. F. Lampertico. Su Andrea Palladio. Arch. St. it., série IV, vol. VI, 1880, pages 262 et suivantes.

2. Peut-être dira-t-on : pourquoi n’a-t-on pas cité Bartolomeo Montagna ? Nous répondons à cela que nous ne l’avons pas cité parce
que l’illustre peintre habita Vicence, sans être Vicentin, comme on le croit généralement. De récentes recherches nous apprennent, au
contraire, que B. Montagna est né à Orzinovi, bourgade de la province de Brescia.

3. Memorie intorno la Vita e le Opéré di Andrea Palladio, publiés par l’abbé Ant. Magrini. Padoue, 1845. Not. 8.

4. Vita d’Andrea Palladio scritta da Giacomo Zanella. Milano, U. Hoepli, 1880.

5. Cf. Op. cit., page 9.

SA VI E