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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Requin, Henri: Le tableau du Roi René au musée de Villeneuf-lès-Avignon
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0040

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LE TABLEAU DU ROI RENE.

;< Item au pié dudit monument seront deux prians R
du cousté droit la valée de Josaphat entre deux mon-
tagnes, en laquelle valée a une église où est le monument
de Nostre Dame et un ange dessus en disant : Assumpta
est Maria ad etherewn thalamum in quo rex regum
stellato sedet solio ; et au pié d'icellui monument un
priant 1 2.

« Item du cousté senestre aura une valée dans laquelle
seront trois personnes toutes d’un aaige, de toutes trois
partira raix de soleil, et là sera Abraham saillant de son
tabernacle et adorant lesdites trois personnes et disant :
Domine si inveni gratiam in oculis tuis, ne transeas ser-
vum tuum, sed afferam paululum aqne et Iaventur pedes
vestri 3.

« Item en la seconde montaigne sera Moyses avecque
ses brebis et ung jeune fils menant la musette et là apparut
audit Moyses Notre Seigneur en forme de feu du milieu
d’ung buisson, et dira Notre Seigneur à Moyses : Moyses,
Moyses. Et Moyses répondra : Assum.

« Item de la part droite sera Purgatoire 4 5 où les anges
mèneront joyes que d’ilec s’en vont en Paradis dont les
deables mèneront grand tristesse.

« Item du cousté senestre sera Enfert et entre Purga-
toire et Enfert aura une montagne, et de la part du Purga-
toire au-dessus de la montagne aura ung ange réconfor-
tant les âmes du Purgatoire; et de la part d’Enfert aura
un deable sur la montagne très défigé tornant le dos à
l’ange et guettant certaines âmes en Enfert, lesquelles lui
sont baillées par d’autres deables.

« Item en purgatoire et en enfert aura des âmes de
tous estas selon l’adviz dudit maistre Enguerrand.

« Item ledit retable doit estre fait tout à fines couleurs
d’uille et l’azur doit estre fin azur dacre3 excepté celui
qu’on mettra en la bordure, lequel doit estre de fin azur
d’alamaigne, et lor que y entrera tant en la bordure
comme entour le retable doit estre fin or et bruni.

« Item ledit maistre Enguerrant monstrera toute sa
science en la Sainte Trinité et en la benoite Vierge Marie,
et du demeurant selon sa conscience.

1. Un des priants a été omis.

2. Ici, au contraire, le peintre en a mis deux; il aura probable-
ment interverti les rôles.

3. Ce groupe n’existe pas dans le tableau.

4. A gauche du Purgatoire se trouvent les Limbes, dont il n’est
pas fait mention dans le prix fait.

5. Azur dacre, c’est-à-dire de la ville de Saint-Jean d’Acre, pour
signifier l’azur d’outremer, par opposition à l’azur d’Allemagne.

29

« Item le renvers du retable sera paint d’ung fin drap
de damas cremesin tout figuré de flores de liz L »

Jean de Montagnac promit de son côté de donner
120 florins de 24 sous en monnaie courante à Charonton,
à condition que l’ouvrage serait terminé avant la fête de
saint Michel de l’année suivante, et les Chartreux en
garantirent le paiement intégral.

Il n’est pas possible après cela de douter que le tableau
commandé à Enguerrand Charonton ne soit celui du
Musée de Villeneuve. Sauf quelques détails que nous
avons signalés en note et qui auront été modifiés d’un
commun accord, ce tableau est exactement conforme aux
clauses du contrat. En outre, il fut pris pendant la Révo-
lution sur l'autel de la chapelle de la Sainte-Cité de la
Chartreuse, auquel était destiné le retable commandé par
Jean de Montagnac; à cette époque, on lisait encore au
bas du tableau l’inscription suivante, écrite en caractères
gothiques : « Alma Dens Trinitas qui secula cuncta
gubernas, suscipe depictas tuo pignore figuras Virginis et
Matris, totiusque curice celestis ; qui fieri fecit eas, ipsam
premio benedicas; anno millesimo quadringentesimo quin-
quagesimo IIII. » Or, la date marquée par l’inscription est
celle de l’année où fut posé le tableau de Charonton. Il
fut commandé le 14 avril 1453 et posé au mois de sep-
tembre 1454.

Que devint ensuite notre artiste ? Il resta à Avignon
jusqu’au mois de novembre 1461 et, durant ce temps, pro-
mit de peindre une bannière pour la confrérie de Notre-
Dame-des-Anges d’Aix, ainsi qu’un grand retable pour le
maître-autel de l’église de Sainte-Claire d’Avignon. Ce
sont du moins les seuls renseignements que nous puissions
donner sur lui. Mourut-il vers la fin de l’année 1461 ou
bien la passion des voyages, si commune chez les artistes
du Moyen-Age, le poussa-t-elle vers d’autres pays? Nous
n’en savons rien. Il nous aurait été surtout intéressant de
savoir d’où il venait, à quelle époque il se fixa à Avignon,
à quelle école il avait étudié, quel maître lui avait appris
son art. Des recherches ultérieures, nous l’espérons,
éclaireront ces points obscurs et mettront en pleine lumière
la physionomie de ce grand artiste français que nous avons
eu le bonheur de tirer de l’oubli.

L’abbé Requin,

Correspondant du ministère des Beaux-Arts,
à Avignon.

1. Étude de M6 Giraudy, not. à Avignon; Protoc. de Jean
Morelli, année 1453. f° 48.

Tome XLIX.

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