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L’ART.
émacié par les ennuis d’une étroite réclusion, mais dont la dignité persistante et la tristesse
répondent bien à ces deux vers latins inscrits au bas du croquis du maître :
Jam piger et longo jacet exarmatus ab ævo ;
Magna tamen faciès et non adeunda senectus.
La lionne mangeant et celle au repos, qui appartiennent également au British Muséum, ne sont
pas moins remarquables.
Le nombre même des dessins faits par Rembrandt d’après nature montre l’intérêt que ces
études avaient pour lui. Beaucoup d'ailleurs ont été utilisés dans ses œuvres, car, quel que soit
le sujet qu'il traite, il a besoin de trouver un soutien dans l'observation directe de la réalité.
Mais c'est surtout pour son plaisir qu’il dessine des paysages. Il aime la campagne et, dans les
moments où tout se réunit pour l'accabler, c'est dans un commerce plus assidu avec elle qu’il
cherche et qu'il trouve ses meilleures consolations. Comme paysagiste, il a une physionomie très
■ S.?.1". ^
Fac-similé d’un dessin de Rembrandt
reproduitjJans le recueil : Original Drawing by Rembrandt Van Rijn. — Collection du duc de Devonshire (Chatsworth).
particulière et il manifeste toute l'originalité de son génie. Quand on étudie ses œuvres, on est
frappé de la différence profonde qui existe entre ses paysages peints et ceux qu’il a gravés ou
dessinés : la séparation est très nettement accusée. On comprend que dans ses compositions
inspirées par la Bible il puisse à la rigueur trouver parmi la population juive, au milieu de
laquelle il vit, quelques-uns des types de ses personnages; mais la nature qui l'entoure est en
opposition trop formelle avec ces épisodes pour qu’il songe à lui demander les fonds de ses
tableaux. Son désir de localiser les scènes qu'il se propose de traiter lui fait chercher dans les
œuvres des italianisants, ses prédécesseurs, quelques-uns des accidents pittoresques de cet Orient
de convention que d’ordinaire l’Italie leur a fournis. Rembrandt, qui n’a pas visité cette contrée,
emprunte à leurs tableaux ou à leurs gravures les montagnes, les rochers, les fabriques qui lui
semblent les mieux disposés pour l’effet qu'il veut produire. Il obéit à cette même préoccupation
quand il recherche la société de ceux de ses contemporains qui, ayant séjourné au delà des Alpes,
excellent à rendre l’aspect de cette nature méridionale, et l’on sait qu il a été 1 ami de Berchem
et d’Asselyn dont il nous a laissé les portraits. Sans doute, il se plaît à s’entretenir avec eux de
L’ART.
émacié par les ennuis d’une étroite réclusion, mais dont la dignité persistante et la tristesse
répondent bien à ces deux vers latins inscrits au bas du croquis du maître :
Jam piger et longo jacet exarmatus ab ævo ;
Magna tamen faciès et non adeunda senectus.
La lionne mangeant et celle au repos, qui appartiennent également au British Muséum, ne sont
pas moins remarquables.
Le nombre même des dessins faits par Rembrandt d’après nature montre l’intérêt que ces
études avaient pour lui. Beaucoup d'ailleurs ont été utilisés dans ses œuvres, car, quel que soit
le sujet qu'il traite, il a besoin de trouver un soutien dans l'observation directe de la réalité.
Mais c'est surtout pour son plaisir qu’il dessine des paysages. Il aime la campagne et, dans les
moments où tout se réunit pour l'accabler, c'est dans un commerce plus assidu avec elle qu’il
cherche et qu'il trouve ses meilleures consolations. Comme paysagiste, il a une physionomie très
■ S.?.1". ^
Fac-similé d’un dessin de Rembrandt
reproduitjJans le recueil : Original Drawing by Rembrandt Van Rijn. — Collection du duc de Devonshire (Chatsworth).
particulière et il manifeste toute l'originalité de son génie. Quand on étudie ses œuvres, on est
frappé de la différence profonde qui existe entre ses paysages peints et ceux qu’il a gravés ou
dessinés : la séparation est très nettement accusée. On comprend que dans ses compositions
inspirées par la Bible il puisse à la rigueur trouver parmi la population juive, au milieu de
laquelle il vit, quelques-uns des types de ses personnages; mais la nature qui l'entoure est en
opposition trop formelle avec ces épisodes pour qu’il songe à lui demander les fonds de ses
tableaux. Son désir de localiser les scènes qu'il se propose de traiter lui fait chercher dans les
œuvres des italianisants, ses prédécesseurs, quelques-uns des accidents pittoresques de cet Orient
de convention que d’ordinaire l’Italie leur a fournis. Rembrandt, qui n’a pas visité cette contrée,
emprunte à leurs tableaux ou à leurs gravures les montagnes, les rochers, les fabriques qui lui
semblent les mieux disposés pour l’effet qu'il veut produire. Il obéit à cette même préoccupation
quand il recherche la société de ceux de ses contemporains qui, ayant séjourné au delà des Alpes,
excellent à rendre l’aspect de cette nature méridionale, et l’on sait qu il a été 1 ami de Berchem
et d’Asselyn dont il nous a laissé les portraits. Sans doute, il se plaît à s’entretenir avec eux de