LES DESSINS DE REMBRANDT
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ces pays du soleil qu’il aime à se représenter par la pensée, et dans ses architectures plus ou
moins fantastiques on retrouve çà et là les silhouettes bien connues du Temple de Tivoli, des
aqueducs de la Campagne romaine ou des ruines du Forum. Mais ce ne sont pas seulement les
fonds de ses compositions qu’il tire ainsi de son imagination ; les plaines hollandaises ne lui ont
pas davantage offert les modèles des paysages purs qu’il a peints. Sauf le petit Effet d’hiver
du Musée de Cassel et le Moulin à vent du marquis de Lansdowne, son chef-d’œuvre en ce
genre, ses autres tableaux de paysages ne rappellent guère la nature qu’il a sous les yeux. Sans
grand souci de la vraisemblance, il y accumule les accidents les plus disparates; dans cette contrée
singulière, créée par sa fantaisie, le chaos règne en maître. Des châteaux forts et des villes
s’étagent sur des pentes hasardeuses ; du haut des montagnes confusément emmêlées les eaux
s’épandent au hasard dans tous les sens, en cascades, en torrents ; les nuages amoncelés dans
le ciel promènent leurs ombres à travers des campagnes étranges sur lesquelles ils versent çà et
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Fac-similé d’un dessin de Rembrandt
reproduit dans le recueil : Original Drawing by Rembrandt Van Rijn. — Collection du duc de Devonshire (Chatsworth).
là des averses soudaines, et des perspectives imprévues s’ouvrent sur des horizons mal équilibrés.
Tout cela, sans doute, est très animé, très vivant, très rempli et sert de prétexte aux jeux de
lumière les plus variés, mais ces éléments associés d’une façon tout à fait arbitraire ne répondent
à aucune réalité.
Au contraire, les paysages dessinés ou gravés par Rembrandt sont presque tous scrupuleu-
sement étudiés d’après nature. Comme toujours, il copie ce qu’il a à sa portée, sous ses yeux,
et à Amsterdam même, il reproduit les aspects familiers de la ville, ses anciens remparts, ses
rues, ses quais, un pont jeté sur un petit canal, l’intérieur d’une maison, la tour Montalban, etc.
A l’Albertine, une grande vue d’Amsterdam, dessinée à la plume et rehaussée de lavis à l’encre
de Chine, est un vrai chef-d'œuvre de correction dans les mises en place, de justesse dans l’indi-
cation des valeurs, de légèreté et d’esprit dans l’exécution. Quand l'incendie du 7 juillet i652 a
détruit l’hôtel de ville, presque au lendemain, le g juillet, il fait, d'après les ruines de cet édifice,
un dessin (collection de M. Heseltine) de la plus minutieuse exactitude, ainsi qu’on peut s’en
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ces pays du soleil qu’il aime à se représenter par la pensée, et dans ses architectures plus ou
moins fantastiques on retrouve çà et là les silhouettes bien connues du Temple de Tivoli, des
aqueducs de la Campagne romaine ou des ruines du Forum. Mais ce ne sont pas seulement les
fonds de ses compositions qu’il tire ainsi de son imagination ; les plaines hollandaises ne lui ont
pas davantage offert les modèles des paysages purs qu’il a peints. Sauf le petit Effet d’hiver
du Musée de Cassel et le Moulin à vent du marquis de Lansdowne, son chef-d’œuvre en ce
genre, ses autres tableaux de paysages ne rappellent guère la nature qu’il a sous les yeux. Sans
grand souci de la vraisemblance, il y accumule les accidents les plus disparates; dans cette contrée
singulière, créée par sa fantaisie, le chaos règne en maître. Des châteaux forts et des villes
s’étagent sur des pentes hasardeuses ; du haut des montagnes confusément emmêlées les eaux
s’épandent au hasard dans tous les sens, en cascades, en torrents ; les nuages amoncelés dans
le ciel promènent leurs ombres à travers des campagnes étranges sur lesquelles ils versent çà et
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Fac-similé d’un dessin de Rembrandt
reproduit dans le recueil : Original Drawing by Rembrandt Van Rijn. — Collection du duc de Devonshire (Chatsworth).
là des averses soudaines, et des perspectives imprévues s’ouvrent sur des horizons mal équilibrés.
Tout cela, sans doute, est très animé, très vivant, très rempli et sert de prétexte aux jeux de
lumière les plus variés, mais ces éléments associés d’une façon tout à fait arbitraire ne répondent
à aucune réalité.
Au contraire, les paysages dessinés ou gravés par Rembrandt sont presque tous scrupuleu-
sement étudiés d’après nature. Comme toujours, il copie ce qu’il a à sa portée, sous ses yeux,
et à Amsterdam même, il reproduit les aspects familiers de la ville, ses anciens remparts, ses
rues, ses quais, un pont jeté sur un petit canal, l’intérieur d’une maison, la tour Montalban, etc.
A l’Albertine, une grande vue d’Amsterdam, dessinée à la plume et rehaussée de lavis à l’encre
de Chine, est un vrai chef-d'œuvre de correction dans les mises en place, de justesse dans l’indi-
cation des valeurs, de légèreté et d’esprit dans l’exécution. Quand l'incendie du 7 juillet i652 a
détruit l’hôtel de ville, presque au lendemain, le g juillet, il fait, d'après les ruines de cet édifice,
un dessin (collection de M. Heseltine) de la plus minutieuse exactitude, ainsi qu’on peut s’en