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L’ART.
empreinte d'une originalité particulière à leur patrie, et qui constituerait un art russe. Leur
objectif actuel est à Paris où plusieurs d'entre eux ont, du reste, planté leur tente. C’est ainsi
que la réputation de M. Albert Edelfelt, de la regrettée Marie Bachkirtzeff, de M. Joseph
Chelmonski, de M. Alexis Harlamoff, est essentiellement française.
M. Edelfelt est un exemple curieux de l'inégalité qui caractérise à un haut degré la manière
des peintres, sujets du Tsar. Le Portrait de M. Pasteur, — omis au Catalogue officiel de
M. Proust, — a obtenu au Champ de Mars le regain de succès le mieux justifié ; c’est, avec le
médaillon de M. Ringel, la plus vivante interprétation des traits du modèle; elle ne sera proba-
blement surpassée que par l’œuvre à laquelle travaille en ce moment un des membres les
plus éminents de l’Institut, M. O. Roty. Le Portrait de la mère de l’artiste faisait également
honneur à M. Edelfelt. Mais comment expliquer qu’à côté de ces deux toiles supérieures il ait
pu exposer sa Paysanne finlandaise, Au
piano, la Vierge et l’Enfant, l’affreux
Portrait du poète Tope lins et le Portrait
de Mme S..., dont les mains sont détes-
tables et beaucoup trop petites pour la
tète qui n’est pas mal? Devant l’église
est une heureuse compensation ; types
bien observés, physionomies très carac-
térisées, très fouillées, bien que d’un
modelé un peu sommaire. M. Edelfelt a
aussi habilement lavé une aquarelle : la
Sérénade, dont les fonds sont délicats,
mais qui pèche par excès de détails ; il y
a trop de choses là dedans ; le premier
plan apparaît littéralement encombré de
paquets.
Des dix numéros qui composaient le
contingent de M. Harlamoff, c’est le
n° 48 — Tête d’enfant — qui seul était
hors de pair ; c’est bien dessiné, c’est
habilement peint.
M. Antoine Sochaczewski avait tiré
bon parti de son propre portrait.
M. A. Gallén avait un mauvais Por-
trait de M. H. de V. et un Portrait de
Mme B. R..., qui, malgré une absence
complète de distinction dans le faire et
en dépit d'une tète sans valeur par rapport au reste, vous arrêtait au passage par ce je ne sais
quoi de crâne qu'en langage d’atelier on appelle « du chien » Il faudra suivre attentivement
M. Gallén ; ce pourrait bien être un tempérament.
Dans le bois, Suède, maigre de facture, révèle un artiste consciencieux; c est très étudié.
M. B. Lindholm a eu tort d’y joindre le Lac Lavéne ; ce lac suédois est mal venu.
M. W. Westerholm, d’Abo, s’est montré amant sérieux de la nature dans son Paysage
d automne, île d’Alande, mais comment un observateur aussi attentif s’y est-il pris pour donner
à ses bouleaux un autre feuillage que le leur, un feuillage beaucoup plus lourd?
Sépulture d’un suicidé, par M. Jules Fedders, de Saint-Pétersbourg, a un fort accent
romantique, mais un accent juste; l’impression est bien au centre malgré la lumière du coin;
tout concourt à l’effet d’ensemble. C’est œuvre d'artiste non seulement par l’exécution mais par
la pensée. Cela a été pesé, mûri, sévèrement composé par le cerveau avant d’être intelligem-
ment fixé sur la toile. Je crois M. Fedders appelé à un avenir sérieux.
Etude de Russe.
Dessin de Lucien Laurcnt-Gsell pour son tableau : la Vaccination de la rage.
(Exposition Universelle de i88q.)
L’ART.
empreinte d'une originalité particulière à leur patrie, et qui constituerait un art russe. Leur
objectif actuel est à Paris où plusieurs d'entre eux ont, du reste, planté leur tente. C’est ainsi
que la réputation de M. Albert Edelfelt, de la regrettée Marie Bachkirtzeff, de M. Joseph
Chelmonski, de M. Alexis Harlamoff, est essentiellement française.
M. Edelfelt est un exemple curieux de l'inégalité qui caractérise à un haut degré la manière
des peintres, sujets du Tsar. Le Portrait de M. Pasteur, — omis au Catalogue officiel de
M. Proust, — a obtenu au Champ de Mars le regain de succès le mieux justifié ; c’est, avec le
médaillon de M. Ringel, la plus vivante interprétation des traits du modèle; elle ne sera proba-
blement surpassée que par l’œuvre à laquelle travaille en ce moment un des membres les
plus éminents de l’Institut, M. O. Roty. Le Portrait de la mère de l’artiste faisait également
honneur à M. Edelfelt. Mais comment expliquer qu’à côté de ces deux toiles supérieures il ait
pu exposer sa Paysanne finlandaise, Au
piano, la Vierge et l’Enfant, l’affreux
Portrait du poète Tope lins et le Portrait
de Mme S..., dont les mains sont détes-
tables et beaucoup trop petites pour la
tète qui n’est pas mal? Devant l’église
est une heureuse compensation ; types
bien observés, physionomies très carac-
térisées, très fouillées, bien que d’un
modelé un peu sommaire. M. Edelfelt a
aussi habilement lavé une aquarelle : la
Sérénade, dont les fonds sont délicats,
mais qui pèche par excès de détails ; il y
a trop de choses là dedans ; le premier
plan apparaît littéralement encombré de
paquets.
Des dix numéros qui composaient le
contingent de M. Harlamoff, c’est le
n° 48 — Tête d’enfant — qui seul était
hors de pair ; c’est bien dessiné, c’est
habilement peint.
M. Antoine Sochaczewski avait tiré
bon parti de son propre portrait.
M. A. Gallén avait un mauvais Por-
trait de M. H. de V. et un Portrait de
Mme B. R..., qui, malgré une absence
complète de distinction dans le faire et
en dépit d'une tète sans valeur par rapport au reste, vous arrêtait au passage par ce je ne sais
quoi de crâne qu'en langage d’atelier on appelle « du chien » Il faudra suivre attentivement
M. Gallén ; ce pourrait bien être un tempérament.
Dans le bois, Suède, maigre de facture, révèle un artiste consciencieux; c est très étudié.
M. B. Lindholm a eu tort d’y joindre le Lac Lavéne ; ce lac suédois est mal venu.
M. W. Westerholm, d’Abo, s’est montré amant sérieux de la nature dans son Paysage
d automne, île d’Alande, mais comment un observateur aussi attentif s’y est-il pris pour donner
à ses bouleaux un autre feuillage que le leur, un feuillage beaucoup plus lourd?
Sépulture d’un suicidé, par M. Jules Fedders, de Saint-Pétersbourg, a un fort accent
romantique, mais un accent juste; l’impression est bien au centre malgré la lumière du coin;
tout concourt à l’effet d’ensemble. C’est œuvre d'artiste non seulement par l’exécution mais par
la pensée. Cela a été pesé, mûri, sévèrement composé par le cerveau avant d’être intelligem-
ment fixé sur la toile. Je crois M. Fedders appelé à un avenir sérieux.
Etude de Russe.
Dessin de Lucien Laurcnt-Gsell pour son tableau : la Vaccination de la rage.
(Exposition Universelle de i88q.)