Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

DOI Artikel:
Bessières, Marc: Le musée Frédéric Spitzer et son catalogue, VIII
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0167

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
H4

L’ART.

haut placée dans l'ordre des collections contemporaines
n’a ni tout son attrait ni toute son autorité si l’art antique
en est exclu. Ce que le Moyen-Age, ce que la Renaissance
ont produit d’admirable, M. Spitzer l’a recherché avec
passion; pendant deux quarts de siècle, ses goûts se sont
portés uniquement de ce côté et, s’il est parvenu à former
un Musée d’une richesse prodigieuse, il le doit à cet avan-
tage de s’être confiné à deux seules époques de l’art. Mais
ces époques on les comprend et on ne les apprécie qu’à
demi dans un cadre où
rien ne rappelle leur ori-
gine. 11 faut que ceux
mêmes qui préfèrent la
Renaissance à toute autre
forme de la pensée artis-
tique puissent voir en
arrière, mesurer d’un
coup d’œil cette longue
avenue de chefs-d’œuvre
qui précède le Quattro-
cento. Voilà pourquoi,
au seuil de sa collection,

M. Spitzer a voulu placer
quelques objets antiques.

Leur nombre n'est pas
grand : ils ne sont pour
ainsi dire que la préface
du livre; mais ils repré-
sentent magnifiquement
la période classique de
l’art grec et de l’art d’Ita-
lie. »

Après ce préambule,
nous assistons à la dé-
couverte des terres cuites de Tanagra, de
ces spécimens si délicats de l’art intime
des Grecs qui mit ceux qui avaient fait
leur siège, qui s’étaient fabriqué un art
grec à l’aide des marbres et surtout des
marbres gréco-romains, à une si rude
épreuve. Quoi! les Grecs, ces gens d’un goût pur
et impeccable, avaient pu fabriquer ces petites
bonnes femmes, pleines de grâce, assurément,
mais souvent maniérées? Non contents de les
avoir pétries, moulées, caressées,ils avaient poussé
l’impudence jusqu’à les barioler des tons les plus
voyants ? A d’autres ! Ce n’est pas à nous qu’il
faut venir faire avaler cette bourde. Vos Tanagra,
ou ce que vous prétendez exhumer d’un tas de
nécropoles imaginaires, sont nés en Italie, hier,
aujourd’hui même peut-être; il en naîtra autant
demain. Ce sont les œuvres d’habiles faussaires
que l’on devrait bien envoyer réfléchir sur la
paille humide des cachots; cela leur apprendrait
à se moquer de l’art grec, de nous et des vérités
que nous enseignons. Quant à vous, qui avez
trouvé plaisir à contempler ces œuvres de pâtis-
serie polychrome, bien que vous soyez complices
de ces gredins, nous voulons bien, en raison de votre
ignorance, vous faire grâce pour cette fois. Mais n’y reve-
nez plus; vous n’en seriez pas quittes à si bon marché.

Voilà à peu près le langage que tenaient certains des
princes de la science archéologique en face des premières
merveilles exhumées à Tanagra et que le commerce des
antiquités grecques, plus florissant alors qu’aujourd’hui,
avait jetées sur le marché. Mafs, un beau jour, il a fallu se
rendre, refaire son histoire de l’art grec et y ajouter un
chapitre nouveau. Les compatriotes de Périclès et d’Aris-

tophane, de Platon et de Démosthènes, n’étaient donc
point des gens environnés perpétuellement d’une froideur
marmoréenne; ils avaient osé vivre. Soit, il n’y avait pas
moyen de le nier; mais, in petto, les battus traitaient cer-
tainement Phidias et Praxitèle de polissons.

« Dans l’hiver de 1873,011 retrouva cette grande nécro-
pole qui devait verser d’inappréciables trésors dans nos
Musées. Des paysans, labourant leur champ, mirent au
jour un cercueil de pierre qui contenait des vases et des

statuettes. Les fouilles
n’ont pas cessé depuis
et, même à l’heure qu’il
est, ne sont pas closes
définitivement. On a ex-
ploré, sur une longueur
de plusieurs kilomètres,
les deux bords de la route
qui conduisait d’Athènes
à Chalcis. Combien de
terres cuites sont sorties
de ces tombeaux ? Leur
nombre peut être évalué
à une dizaine de mille. »
M. Spitzer a recueilli
quelques-unes des plus
belles terres cuites de
l’époque d’Alexandre et
de ses successeurs : une
Vénus naissante, accrou-
pie dans une coquille,
motif qui a inspiré aussi
certains artistes du
xvie siècle ; nous nous
souvenons parfaitement
avoir vu à une Exposition, au Trocadéro,
en 1878, si nous avons bonne mémoire,
un superbe bronze italien dont l’auteur
avait certainement eu sous les yeux une
terre cuite du genre de celle de la collec-
tion Spitzer; Cérès, une Jeune Fille
assise, une Mère allaitant son enfant appartien-
nent à la même série. « Les femmes et les amours,
dit M. Frœhner, y tiennent la plus grande place,
et cela s’explique par la présence du temple de
Vénus d.ans la ville haute de Tanagra. »

Puis, à côté de ces statuettes, modelées avec
le soin le plus délicat, viennent des groupes, véri-
tables chefs-d’œuvre dans lesquels le potier s’est
souvent élevé aussi haut que les plus célèbres
sculpteurs ; c’est à ces terres cuites d’une époque
plus récente, du 11e siècle environ, que l’on assigne
généralement comme provenance la nécropole de
Myrina, en Asie Mineure. M. Frœhner fait re-
marquer avec juste raison que cette provenance
est souvent plus que douteuse ; les marchands,
pour se soustraire aux conséquences des lois
contre l’exportation des objets d’art, sont obligés
de déguiser presque toujours la véritable origine
des terres cuites; et c’est pour cela aussi que des doutes
planent encore, dans l’esprit de quelques archéologues,
sur l’authenticité de quelques-uns de ces groupes. Cela
est assurément fâcheux au point de vue archéologique,
mais on n’a point besoin de connaître exactement la
provenance d’une œuvre d’art pour reconnaître son
authenticité, du moins quand on connaît son métier. Si
l’œuvre a ses papiers en règle, tant mieux pour elle ; mais
ce n’est point par l’examen de sa généalogie qu’on doit
commencer; pour l’interroger et voir ce qu’elle répond,

Femmes

A LEUR TOILETTE.
Miroir grec en bronze.
(Collection Spitzer.)
 
Annotationen