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L’ART.
Elle est en marbre blanc que le temps a rendu jaunâtre.
Le monarque est représenté debout, de grandeur naturelle.
La tête, ceinte d’une couronne de laurier, nous montre
les traits connus à l’expression tant soit peu goguenarde
du roi béarnais. Le corps est renfermé dans une armure,
du col jusqu’aux pieds. Un manteau fleurdelisé et bordé
d’hermine, relevé sur l’é-
paule droite, recouvre l’ar-
mure jusqu’à mi-cuisse. Sur
la poitrine s’étalent les cor-
dons du Saint-Esprit et de
Saint-Michel. La main droite
repose sur le bâton de com-
mandement appuyé à terre
sur des gantelets; la gauche,
à côté de laquelle se voit la
garde de l’épée, relève le
manteau sur la jambe gauche
également. L’attitude ne
manque ni de fierté ni de
noblesse. La base sur laquelle
repose la statue, semée de
débris d’armes, tronçons
d’épées, morceaux d’arque-
buses, est fort étroite et pa-
raît même un peu mince,
mais ce défaut, sensible pour
nous, ne devait pas l'être
alors, car nous le retrou-
vons dans presque toutes les
sculptures de la Renaissance.
Il ne faut pas chercher
dans cette statue la pureté
des lignes, la correction des
formes de la sculpture an-
tique ; l’école italienne, dont
l’essor avait été si brillant
avec Michel-Ange, Donatel-
lo, Ghiberti, Benvenuto Cel-
lini, Sansovino, etc., en était
arrivée à la fin du xvie siècle
à un maniérisme de concep-
tion et à un tourmenté dans
l’exécution dont nous voyons
un exemple frappant ici. Elle
a été plus loin encore dans le
contourné, un peu plus tard,
moins d’un siècle après, avec
le Bernin et, après ce dernier,
elle tomba dans une déca-
dence absolue, irrémédiable.
Malgré les imperfections que nous venons de signaler,
plus imputables à l’époque qu’à l’artiste, la statue d’Hen-
ri IV de Francheville est des plus remarquables. Elle se
trouve au château de Pau, dans la grande et belle pièce
du rez-de-chaussée, dite salle à manger des souverains,
où sont appendues les merveilleuses tapisseries connues
sous le nom de Chasses de Maximilien. Elle est placée
dans une cheminée monumentale qui lui sert de niche,
posée sur un socle de bois peint. Malheureusement, la
pièce très vaste est en même temps très sombre, et la che-
minée où se trouve la statue, située à une certaine distance
des fenêtres, reçoit à peine quelques pâles traînées de
lumière, de sorte que l’œuvre de Francheville, perdue dans
l’obscurité, reste presque toujours inaperçue. Il serait pour-
tant facile de lui trouver un
autre emplacement.
Mous ne doutons pas que
M. de Launay, le conserva-
teur actuel du château, à qui
nous devons pas mal de
changements heureux dans
l’aménagement des richesses
artistiques qui sont confiées
à ses soins, ne nous donne
bientôt satisfaction de ce côté
et ne trouve pour ce marbre
une place meilleure où il sera
possible de l’admirer tout à
son aise.
La statue du château de
Pau appartint au Domaine
royal jusqu’à la Révolution.
Recueillie au Musée des
Monuments français ou Pe-
tits-Augustins par Alexandre
Lenoir, elle fit partie du pre-
mier état des objets de ce
Musée accordés au Musée
Royal parle ministre de l’in-
térieur en juin 1818, dans
lequel elle est cataloguée sous
le n° 1 i3 et désignée comme
suit : Statue en pied
d’Henri IV, par Francheville.
Elle resta fort peu de
temps au Louvre puisque,
quelques années plus tard,
elle fut envoyée au château
de Pau. On la plaça dans le
jardin, au rond-point qui se
trouve en face le pont bâti
sous Louis - Philippe, qui
mène à la Basse-Plante et au
Parc, à l’endroit où est au-
jourd’hui la pitoyable statue
de marbre blanc de Gaston
Phœbus, œuvre de Triqueti.
De là, elle fut transportée à
l’abri des intempéries, à l’in-
térieur du château, d’abord dans le vestibule de l’escalier
d’honneur et enfin à la place qu’elle occupe encore.
Notons pour finir qu’au Musée des Petits-Augustins,
dont nous parlions à l’instant, se trouvait une seconde
statue d’Henri IV, cataloguée, en 1818 également, sous le
n° 1 16 et qui se voit aujourd’hui au palais de Versailles.
Paul Lafond.
Henri IV.
Dessin de Paul Lafond, d’api ès la statue de Francheville.
L’ART.
Elle est en marbre blanc que le temps a rendu jaunâtre.
Le monarque est représenté debout, de grandeur naturelle.
La tête, ceinte d’une couronne de laurier, nous montre
les traits connus à l’expression tant soit peu goguenarde
du roi béarnais. Le corps est renfermé dans une armure,
du col jusqu’aux pieds. Un manteau fleurdelisé et bordé
d’hermine, relevé sur l’é-
paule droite, recouvre l’ar-
mure jusqu’à mi-cuisse. Sur
la poitrine s’étalent les cor-
dons du Saint-Esprit et de
Saint-Michel. La main droite
repose sur le bâton de com-
mandement appuyé à terre
sur des gantelets; la gauche,
à côté de laquelle se voit la
garde de l’épée, relève le
manteau sur la jambe gauche
également. L’attitude ne
manque ni de fierté ni de
noblesse. La base sur laquelle
repose la statue, semée de
débris d’armes, tronçons
d’épées, morceaux d’arque-
buses, est fort étroite et pa-
raît même un peu mince,
mais ce défaut, sensible pour
nous, ne devait pas l'être
alors, car nous le retrou-
vons dans presque toutes les
sculptures de la Renaissance.
Il ne faut pas chercher
dans cette statue la pureté
des lignes, la correction des
formes de la sculpture an-
tique ; l’école italienne, dont
l’essor avait été si brillant
avec Michel-Ange, Donatel-
lo, Ghiberti, Benvenuto Cel-
lini, Sansovino, etc., en était
arrivée à la fin du xvie siècle
à un maniérisme de concep-
tion et à un tourmenté dans
l’exécution dont nous voyons
un exemple frappant ici. Elle
a été plus loin encore dans le
contourné, un peu plus tard,
moins d’un siècle après, avec
le Bernin et, après ce dernier,
elle tomba dans une déca-
dence absolue, irrémédiable.
Malgré les imperfections que nous venons de signaler,
plus imputables à l’époque qu’à l’artiste, la statue d’Hen-
ri IV de Francheville est des plus remarquables. Elle se
trouve au château de Pau, dans la grande et belle pièce
du rez-de-chaussée, dite salle à manger des souverains,
où sont appendues les merveilleuses tapisseries connues
sous le nom de Chasses de Maximilien. Elle est placée
dans une cheminée monumentale qui lui sert de niche,
posée sur un socle de bois peint. Malheureusement, la
pièce très vaste est en même temps très sombre, et la che-
minée où se trouve la statue, située à une certaine distance
des fenêtres, reçoit à peine quelques pâles traînées de
lumière, de sorte que l’œuvre de Francheville, perdue dans
l’obscurité, reste presque toujours inaperçue. Il serait pour-
tant facile de lui trouver un
autre emplacement.
Mous ne doutons pas que
M. de Launay, le conserva-
teur actuel du château, à qui
nous devons pas mal de
changements heureux dans
l’aménagement des richesses
artistiques qui sont confiées
à ses soins, ne nous donne
bientôt satisfaction de ce côté
et ne trouve pour ce marbre
une place meilleure où il sera
possible de l’admirer tout à
son aise.
La statue du château de
Pau appartint au Domaine
royal jusqu’à la Révolution.
Recueillie au Musée des
Monuments français ou Pe-
tits-Augustins par Alexandre
Lenoir, elle fit partie du pre-
mier état des objets de ce
Musée accordés au Musée
Royal parle ministre de l’in-
térieur en juin 1818, dans
lequel elle est cataloguée sous
le n° 1 i3 et désignée comme
suit : Statue en pied
d’Henri IV, par Francheville.
Elle resta fort peu de
temps au Louvre puisque,
quelques années plus tard,
elle fut envoyée au château
de Pau. On la plaça dans le
jardin, au rond-point qui se
trouve en face le pont bâti
sous Louis - Philippe, qui
mène à la Basse-Plante et au
Parc, à l’endroit où est au-
jourd’hui la pitoyable statue
de marbre blanc de Gaston
Phœbus, œuvre de Triqueti.
De là, elle fut transportée à
l’abri des intempéries, à l’in-
térieur du château, d’abord dans le vestibule de l’escalier
d’honneur et enfin à la place qu’elle occupe encore.
Notons pour finir qu’au Musée des Petits-Augustins,
dont nous parlions à l’instant, se trouvait une seconde
statue d’Henri IV, cataloguée, en 1818 également, sous le
n° 1 16 et qui se voit aujourd’hui au palais de Versailles.
Paul Lafond.
Henri IV.
Dessin de Paul Lafond, d’api ès la statue de Francheville.