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L’ART.
ouvrage, pas même la perspective plutôt secondaire de
cette collaboration à des petits volumes d’étrennes, il n’y
a aucune différence entre ces pierres de menue dimension
et les pièces de vaste format, parues depuis, isolément. Les
titres des plus célèbres ont à peine besoin d’être rappelés :
les Charbonniers anglais, les divers Maréchaux ferrants,
le Lion dévorant un cheval, les Chevaux de ferme. Une
certaine aridité dessécha d’abord les essais de début de
Géricault, mais sa main eut bientôt fait d’acquérir les
conditions particulières du procédé. Outre sa maîtrise de
doigts, il y avait peut-être aussi, dans sa verdeur de litho-
graphie, une bonne part de sa qualité de Normand. L’école
provinciale de Rouen eut, en effet, une succession au moins
étonnante de crayonneurs sur pierre : Langlois et sa fille...
Espérance, Parelle, Bellangé, Balan, les deux frères Vas-
selin, de Malécy, Delacluze et Polyclès Langlois, fils
d’Hyacinthe. Le genre était-il donc louche au point d’atti-
rer les Normands ? pourrait se demander la malice. Pour
des gens à ne dire jamais ni oui ni non, la pierre se trou-
vait de nature, en effet, à les tenir à distance égale du
Pauvre crâne vide, que veux-tu dire avec ton grincement hideux?
Lithographie d’Eugène Delacroix pour le Faust, de Goethe.
burin et de l’eau-forte, sans la moindre compromission de
l’un ou de l’autre côté. Tout le secret devrait être là, s’il
en existait un au courant de la lithographie normande.
L’influence de Bonington n’aura pas peu contribué, d’ail-
leurs, à cette localisation spéciale. Ses lithographies des
monuments de Caen et de Rouen, celles des côtes de la
Manche, la plupart à destination des Voyages de l'an-
cienne France, du baron Taylor, surexcitèrent assurément
l’amour-propre des artistes du terroir. Des charmes de
plus d’une sorte séduisaient en Bonington. Sa grande
attraction résultait surtout de l’harmonie facile des diffé-
rentes parties du travail, de l’indication toute légère des
valeurs relatives de tons, d’un vivant instinct de l’effet. Sa
manière de traiter l’architecture était d’un esprit de pre-
mier plan. Loin d’agir, comme un élève ingénieur, par
élévations et coupes géométraies, avec l’étude patiente de
chaque forme et de chaque détail, il employait son goût et
son habileté à rendre la silhouette d’ensemble de tel édi-
fice, à l’offrir aux yeux sous son meilleur jour de présen-
tation, à dissimuler même, au besoin, des beautés secon-
daires pour faire valoir d’autant mieux les principales ;
telle est, d’ailleurs, la science importante de la vie et de
l’art... la science des sacrifices. A la suite de Géricault,
Delacroix ne pouvait manquer de s’en prendre à la pierre
L’ART.
ouvrage, pas même la perspective plutôt secondaire de
cette collaboration à des petits volumes d’étrennes, il n’y
a aucune différence entre ces pierres de menue dimension
et les pièces de vaste format, parues depuis, isolément. Les
titres des plus célèbres ont à peine besoin d’être rappelés :
les Charbonniers anglais, les divers Maréchaux ferrants,
le Lion dévorant un cheval, les Chevaux de ferme. Une
certaine aridité dessécha d’abord les essais de début de
Géricault, mais sa main eut bientôt fait d’acquérir les
conditions particulières du procédé. Outre sa maîtrise de
doigts, il y avait peut-être aussi, dans sa verdeur de litho-
graphie, une bonne part de sa qualité de Normand. L’école
provinciale de Rouen eut, en effet, une succession au moins
étonnante de crayonneurs sur pierre : Langlois et sa fille...
Espérance, Parelle, Bellangé, Balan, les deux frères Vas-
selin, de Malécy, Delacluze et Polyclès Langlois, fils
d’Hyacinthe. Le genre était-il donc louche au point d’atti-
rer les Normands ? pourrait se demander la malice. Pour
des gens à ne dire jamais ni oui ni non, la pierre se trou-
vait de nature, en effet, à les tenir à distance égale du
Pauvre crâne vide, que veux-tu dire avec ton grincement hideux?
Lithographie d’Eugène Delacroix pour le Faust, de Goethe.
burin et de l’eau-forte, sans la moindre compromission de
l’un ou de l’autre côté. Tout le secret devrait être là, s’il
en existait un au courant de la lithographie normande.
L’influence de Bonington n’aura pas peu contribué, d’ail-
leurs, à cette localisation spéciale. Ses lithographies des
monuments de Caen et de Rouen, celles des côtes de la
Manche, la plupart à destination des Voyages de l'an-
cienne France, du baron Taylor, surexcitèrent assurément
l’amour-propre des artistes du terroir. Des charmes de
plus d’une sorte séduisaient en Bonington. Sa grande
attraction résultait surtout de l’harmonie facile des diffé-
rentes parties du travail, de l’indication toute légère des
valeurs relatives de tons, d’un vivant instinct de l’effet. Sa
manière de traiter l’architecture était d’un esprit de pre-
mier plan. Loin d’agir, comme un élève ingénieur, par
élévations et coupes géométraies, avec l’étude patiente de
chaque forme et de chaque détail, il employait son goût et
son habileté à rendre la silhouette d’ensemble de tel édi-
fice, à l’offrir aux yeux sous son meilleur jour de présen-
tation, à dissimuler même, au besoin, des beautés secon-
daires pour faire valoir d’autant mieux les principales ;
telle est, d’ailleurs, la science importante de la vie et de
l’art... la science des sacrifices. A la suite de Géricault,
Delacroix ne pouvait manquer de s’en prendre à la pierre