iÔ2 L’ART.
des anges ont été coloriés par Signorelli sur les dessins du moine ; seuls les choeurs des
patriarches, des martyrs, des docteurs et des vierges ont été exécutés entièrement par Signorelli.
La différence des deux styles est très visible. Dans les figures de Fra Angelico on retrouve
toujours l’expression séraphique, l’air doux et paradisiaque qui revenaient systématiquement sous
le pinceau du religieux de Fiesole, tandis que les patriarches et les prophètes de Signorelli se
font remarquer surtout par la rude énergie de leurs physionomies. On reconnaît en eux les
personnages de la Bible, dont les figures se détachent avec une vigueur extrême dans le cadre
de la légende; on comprend qu’au moment où il traçait leurs traits, Signorelli était déjà envahi,
possédé par le sentiment du grandiose et du terrible, et que la vision du drame final hantait
depuis longtemps son esprit. C’est, en effet, dans l’interprétation du drame qu’il excellera et qu’il
créera une page de peinture unique et inimitable. Luca s’était nourri de la lecture du Dante,
comme tous les grands artistes de son époque ; c’est surtout le commerce journalier avec le
fier poète gibelin qui a inspiré presque tous les peintres et les sculpteurs de cette époque qui
se sentaient de taille à aborder ce sujet si vaste, si riche, si varié et si variable du Jugement
dernier, qui tenta tous les ciseaux et tous les pinceaux, depuis Niccolô de Pise jusqu’à Michel-
Ange. Dante et l’Ancien Testament étaient les deux sources auxquelles s’abreuvaient les esprits
distingués de cette époque, et dans les autres tableaux de cette chapelle, où il a traduit les
scènes épouvantables de l’Antéchrist et de la Résurrection, Signorelli trahit aussi, avec une abon-
dance étonnante, ses fréquentes lectures dans les livres des prophètes, l’Apocalypse et les Livres
saints.
(La suite prochainement.)
H. Mereu.
des anges ont été coloriés par Signorelli sur les dessins du moine ; seuls les choeurs des
patriarches, des martyrs, des docteurs et des vierges ont été exécutés entièrement par Signorelli.
La différence des deux styles est très visible. Dans les figures de Fra Angelico on retrouve
toujours l’expression séraphique, l’air doux et paradisiaque qui revenaient systématiquement sous
le pinceau du religieux de Fiesole, tandis que les patriarches et les prophètes de Signorelli se
font remarquer surtout par la rude énergie de leurs physionomies. On reconnaît en eux les
personnages de la Bible, dont les figures se détachent avec une vigueur extrême dans le cadre
de la légende; on comprend qu’au moment où il traçait leurs traits, Signorelli était déjà envahi,
possédé par le sentiment du grandiose et du terrible, et que la vision du drame final hantait
depuis longtemps son esprit. C’est, en effet, dans l’interprétation du drame qu’il excellera et qu’il
créera une page de peinture unique et inimitable. Luca s’était nourri de la lecture du Dante,
comme tous les grands artistes de son époque ; c’est surtout le commerce journalier avec le
fier poète gibelin qui a inspiré presque tous les peintres et les sculpteurs de cette époque qui
se sentaient de taille à aborder ce sujet si vaste, si riche, si varié et si variable du Jugement
dernier, qui tenta tous les ciseaux et tous les pinceaux, depuis Niccolô de Pise jusqu’à Michel-
Ange. Dante et l’Ancien Testament étaient les deux sources auxquelles s’abreuvaient les esprits
distingués de cette époque, et dans les autres tableaux de cette chapelle, où il a traduit les
scènes épouvantables de l’Antéchrist et de la Résurrection, Signorelli trahit aussi, avec une abon-
dance étonnante, ses fréquentes lectures dans les livres des prophètes, l’Apocalypse et les Livres
saints.
(La suite prochainement.)
H. Mereu.