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Chennevières, Henry de: Exposition universelle de 1889: cent ans de gravure (1789 - 1889), [IV]
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0190
L’ART.
164
de la démocratie matérielle des procédés. Joseph de
Maistre prédisait à l’Eglise de France un renouveau de
destinées sur le salut du pays le jour où les fils de famille
disputeraient aux enfants du peuple l’honneur et les charges
du sacerdoce ; dans un ordre d’idées bien inférieur, ne
pourrait-on pas prendre, pour un signe d'heureux avenir,
la poussée, latente encore, mais prête à surgir demain, de
toute une pléiade de jeunes gens à fortune et à noms de
race, inscrits d’enthousiasme chez les peintres ou sculp-
teurs les mieux enseignants ? Il va poindre, d’ici peu, un
groupe d’artistes d'une espèce singulièrement nouvelle :
des millionnaires affligés de revenus considérables et les
dépensant en voyages, en études, non point pour se pro-
curer un gentil talent d’amateur, mais avec l’ambition
fort sérieuse d’en venir à une renommée de véritable
maître. Leur somme de travail, très supérieure à celle
même des nécessiteux, prouve combien la passion est heu-
reuse et impérieuse en eux. Toutes les qualités de distinc-
tion native, toutes les ressources de l’éducation et de
l’affinement, toutes les fibres d’une poésie et d’une péné-
Campagne de France (1814).
Par Raffet.
tration particulières se feront sentir à chaque œuvre de ces
aristocrates convaincus, et loin de leur crier : « A la lan-
terne ! » comme autrefois, chacun voudra se pendre à leur
propre lanterne pour y voir plus clair à l’art de demain.
Au premier rang de cette trouée prochaine, se distinguera
surtout, et tout de suite, M. Emmanuel de la Villéon, un
paysagiste de la plus étonnante nature, le grand coloriste
de demain. Il sera loisible alors de se rendre compte des
bienfaits d’infusion susceptibles de profiter au commun
des praticiens actuels, de par cette source vive, la plus
pure essence française. Cela soit dit sans le moindre sous-
entendu d’offense à l’égard de l’ensemble des artistes ; mais,
enfin, il doit être permis de constater le fait indéniable de
l’échelle des classes, la santé vivante des unes, la délica-
tesse d’âme des autres, deux choses évidemment appli-
cables à des matières d'activité fort différentes, pour ne pas
dire contraires. Comprend-on même l’existence et la durée
de cette invraisemblable contradiction : l’art, ce monde
supérieur, tout de grâce et d’affinement, abandonné aux
mains des simples, au lieu d’être le redoutable privilège des
seuls esprits pourvus de ses éléments constitutifs ! Les
rudes plébéiens, comme Charlet, sont donc bien excusable s
de rester à mi-côte du but. Même à ce point, ils s’attirent
déjà l’estime des plus compétents. Delacroix s’était pris
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de la démocratie matérielle des procédés. Joseph de
Maistre prédisait à l’Eglise de France un renouveau de
destinées sur le salut du pays le jour où les fils de famille
disputeraient aux enfants du peuple l’honneur et les charges
du sacerdoce ; dans un ordre d’idées bien inférieur, ne
pourrait-on pas prendre, pour un signe d'heureux avenir,
la poussée, latente encore, mais prête à surgir demain, de
toute une pléiade de jeunes gens à fortune et à noms de
race, inscrits d’enthousiasme chez les peintres ou sculp-
teurs les mieux enseignants ? Il va poindre, d’ici peu, un
groupe d’artistes d'une espèce singulièrement nouvelle :
des millionnaires affligés de revenus considérables et les
dépensant en voyages, en études, non point pour se pro-
curer un gentil talent d’amateur, mais avec l’ambition
fort sérieuse d’en venir à une renommée de véritable
maître. Leur somme de travail, très supérieure à celle
même des nécessiteux, prouve combien la passion est heu-
reuse et impérieuse en eux. Toutes les qualités de distinc-
tion native, toutes les ressources de l’éducation et de
l’affinement, toutes les fibres d’une poésie et d’une péné-
Campagne de France (1814).
Par Raffet.
tration particulières se feront sentir à chaque œuvre de ces
aristocrates convaincus, et loin de leur crier : « A la lan-
terne ! » comme autrefois, chacun voudra se pendre à leur
propre lanterne pour y voir plus clair à l’art de demain.
Au premier rang de cette trouée prochaine, se distinguera
surtout, et tout de suite, M. Emmanuel de la Villéon, un
paysagiste de la plus étonnante nature, le grand coloriste
de demain. Il sera loisible alors de se rendre compte des
bienfaits d’infusion susceptibles de profiter au commun
des praticiens actuels, de par cette source vive, la plus
pure essence française. Cela soit dit sans le moindre sous-
entendu d’offense à l’égard de l’ensemble des artistes ; mais,
enfin, il doit être permis de constater le fait indéniable de
l’échelle des classes, la santé vivante des unes, la délica-
tesse d’âme des autres, deux choses évidemment appli-
cables à des matières d'activité fort différentes, pour ne pas
dire contraires. Comprend-on même l’existence et la durée
de cette invraisemblable contradiction : l’art, ce monde
supérieur, tout de grâce et d’affinement, abandonné aux
mains des simples, au lieu d’être le redoutable privilège des
seuls esprits pourvus de ses éléments constitutifs ! Les
rudes plébéiens, comme Charlet, sont donc bien excusable s
de rester à mi-côte du but. Même à ce point, ils s’attirent
déjà l’estime des plus compétents. Delacroix s’était pris