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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Chennevières, Henry de: Exposition universelle de 1889: cent ans de gravure (1789 - 1889), [IV]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0191

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EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889.

pour Charlet d’un véritable culte de curieux et n’hésitait
pas à lui consacrer en pleine Revue des Deux-Mondes (1862)
un article de louanges peut-être excessif. L’étonnement
légitime du lecteur à la rencontre de ce dithyrambe, au
moins inattendu d’une pareille plume sur un semblable
nom, ne pouvait guère s’expliquer tout d’abord. Il fallut
recourir au sentiment bien nature chez tout artiste élevé,
sentiment d’envie admirative à l’égard de tel ou tel don du
voisin ; ce don, la valeur en est grossie de tout le mirage
des regrets, et l’état d’esprit ne permet même pas de se
demander s’il y aurait avantage ou bien grave inconvénient
à se sentir telle disposition secondaire peut-être capable de
nuire à des qualités supérieures. Voyez-vous Delacroix, le
plus grand des Vénitiens, égal à eux tous par l’ordre
de la conception, le souffle de poésie, la divine harmonie
de la palette, Delacroix, le seul peintre des trois siècles
français, le voyez-vous en train de prendre ce bourgeois
de Charlet pour un esprit considérable ! Or, par une con-

CENT ANS DE GRAVURE (1789-1889). 165

tradiction unique, Charlet est bien l’homme le plus anti-
pathique à toute nature distinguée. C’est un commun, il
fait tout de chic, toutes ses figures sont pareilles, son gros
rire naturellement populacier, il l’exagère encore, comme
s’il tenait à gouailler la fine ironie française. Il prend à
rebours son art de bouffon lui-même. Au lieu de laisser
l’image produire une idée, il change, au contraire, ses
idées en images, comme ces mauvais comédiens vous
disant : « Attendez, je m’en vais vous faire rire! » et riant
d’abord eux-mêmes, et se croyant drôles et ne l’étant pas
du tout. Le mérite de lithographe de Charlet aura con-
sisté dans la technique. Il est impossible de lui dénier une
influence manuelle fort importante sur l’assouplissement
d’ailleurs rapide du procédé. Il le mit en main, pour ainsi
dire, à force d’usage journalier. On ne dessine pas sa
pierre lithographique, chaque vingt-quatre heures, sans se
rompre, à la fin, aux difficultés ordinaires de son état, ni
sans entrevoir toutes ses ressources et applications. Le

Les Incurables. — Eux seuls ont compris la Révolution.
Lithographie de Raffet.

service rendu par Charlet au progrès du genre fut donc
plutôt un rôle de première transition entre le primitif de
la facture initiale et les souplesses et franchises des géné-
rations postérieures. Autrement délicat fut tout de suite son
élève Raffet. Elève en vertu d’un simple hasard, d’ailleurs,
et sans le moindre point de contact. Cela se vit surtout le
jour où Raffet abandonna les sujets épais et pompiers de
Charlet pour s’établir en pleine personnalité créatrice.
Comme alors la brusque transition du vulgaire prétentieux
du maître au sentiment vif et poétique du jeune homme
une fois libre prouva bien l’opposé de ces deux natures ! Au
Cabinet des Estampes, l’œuvre de Raffet, doublement
choyé, et par la consultation fréquente des amateurs, et
par les soins du fils même de l’artiste, permet de suivre de
pierre en pierre l’affirmation, plus nette à chaque série, de
la maîtrise de ce robuste dessinateur militaire. De ses
campagnes d’Afrique à l’Expédition de Rome, c’est une
succession de pages étonnantes, à embarrasser toute pré-
férence. Il s’y rencontre des images d’une poésie guerrière
pleinement française et bien nouvelle. Presque analogue,
pour le sens du mouvement des foules, à un artiste d’un

autre âge et de sujets fort différents, à Moreau le Jeune,
Raffet remue des lignes de bataillons au pas de charge sur
un carré de papier, comme s’il s'agissait de groupes d’une
simple scène. Il est unique à figurer l’entrain de la mort
ou de la gloire... collective, et cela, sans sacrifier à l’en-
semble le moindre souci du détail. Pas un de ses petits
troupiers ne se ressemble ni ne paraît inutile à l’actiun, et
chacun d’eux se mêle au grand tout sans s’y perdre. Et
puis, on peut considérer Raffet comme l’un des rares
artistes pourvus à la fois du double don d’imaginateur et
de compositeur. C’est un cas trop peu commun et digne
d’arrêter. Entre les qualités d’imagination et celles de
composition, le public ne fait pas assez de différence et
prendrait volontiers les unes pour les autres, comme de
simples synonymes. La distinction est certes capitale et
d’autant plus facile à établir. L’essence d’un esprit d’ima-
gination, cela n’a pas besoin de se définir. Un mort d’hier,
Gustave Doré, fut certainement l’homme le plus imagina-
tif de l’art français; il a réalisé tous les rêves, voire même
tous les cauchemars de formes, accessibles à la fantaisie la
plus fiévreuse ; mais il fut loin d’avoir au même degré le
 
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