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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Chennevières, Henry de: Exposition universelle de 1889: cent ans de gravure (1789 - 1889), [IV]
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EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889. -

la santé de son robuste corps. Le rajeunissement de l’un
et de l’autre était un mystère ininterrompu, et le travail
de tous les jours semblait leur grande eau de Jouvence.
Avec une merveilleuse adresse d’assimilation, et en vertu
de ce don même de rajeunissement, ce courageux privilé-
gié de l’âge ne se faisait pas faute de suivre toutes les
voies jeunes et d’essayer des modes d’art les plus nou-
velles. Contrairement à l’ordinaire des artistes parvenus à
maturité avec des succès dans tel genre caractéristique et
trop enclins, en conséquence, à ne pouvoir ou ne vouloir
rien admettre, comme progrès, en dehors de leur manière
propre, Gigoux eut l’esprit de ne jamais prendre sa pein-
ture pour le dernier mot de l’art. Cette modestie de bon
aloi n’avait rien de l’embarras de l’homme stérile en quête
des idées ou des procédés d'autrui. Les preuves étaient
trop faites pour permettre à personne le moindre doute
sur sa personnalité ; il fallait donc voir tout autre chose.
Cet amour fervent et continuel des tentatives contempo-

- CENT ANS DE GRAVURE (1789-1889). 169

raines provenait de l’éveil d’une intelligence inassouvie et
de la passion technique de son métier. L’état de peintre
n’est-il pas un composé de deux parts bien distinctes,
l’élément insaisissable et supérieur impossible à imiter
d’autrui, et les pratiques de l’exécution, celles-là du do-
maine manuel à portée du pinceau de chacun ! Et puis,
autant le côté relevé de l’art réclame pour progresser, à de
rares intervalles, l’intervention de natures hors pair, au-
tant les trouvailles heureuses de la brosse et du procédé
peuvent être le fait de simples praticiens super-adroits, et
se multiplier chaque jour au hasard des dextérités de fac-
ture. Il devient donc presque du devoir de tout artiste
vraiment vivant de profiter, comme d’un bien commun,
des réussites matérielles du premier venu de ses confrères,
ancien ou jeune, et de les faire servir à la parure des
meilleures conceptions. M. Gigoux utilisa toujours ainsi
les différentes ingéniosités des peintres-praticiens de son
temps, cela avec un goût capable d’en tirer des partis fort

La Jok, danse valaque.

Tchernecz (Valachie), g juillet 1837. — Lithographie de Raffet.

imprévus et hors de portée de leurs inventeurs mêmes.
Cette manière caméléon de ne jamais connaître l’incon-
vénient de la peinture datant, c’est-à-dire vieillissante, fut
la grande coquetterie de l’artiste. Il n’eut garde cependant
de l’appliquer partout indifféremment et sut fort à propos
pénétrer ses œuvres du caractère spécial d’une époque, là
où il put croire les enrichir d’une valeur de curiosité fon-
cière. Voyez, par exemple, son Gil Blas : se rencontre-t-il,
entre i83o et i8q5, un ensemble d’illustrations compa-
rable à celui-là pour la note contemporaine du costume,
des airs de tête, des attitudes ! Y a-t-il assez de grâce tan-
tôt minaudière, tantôt sentimentale, à chacune de ces
images d’une composition toujours finement comprise !
A n’en pas douter, M. Gigoux s’est rendu compte de l’in-
térêt d’une première illustration complète de Gil Blas,
formulée dans le moule de l’idéal de 1835. On ne souffri-
rait plus aujourd’hui rien de pareil, comme fantaisies d’à
peu près et de laisser-aller. Comprendre les espagnoleries
de cette façon, c’était paraître jouer un rôle analogue au
Tome XLIX.

rôle de Revoil et de Richard prenant leur troubadour pour
du Moyen-Age ; mais c’était tendre aussi, plus ou moins
indirectement, au bon résultat final du genre. Car, de
même Revoil et Richard avaient déterminé, par une ini-
tiative d’abord inconsciente et partiellement fausse, l’éveil
de l’archéologie romantique et savante, de même Gigoux
devait donner le ton aux illustrateurs du plein milieu du
siècle. Ce Gil Blas, où pas une vignette ne correspond
franchement au texte ni ne l’éclaire au gré du lecteur, eut
un succès prodigieux de nouveauté piquante, car, s’il ne
répondait guère aux données du récit, il offrait, en re-
vanche, une compensation délicate dans la présentation de
chaque petite scène. Les attitudes, les minauderies roma-
nesques, les finesses d’expressions des figures de femmes
charmèrent le public par l’adaptation coquette de l’élé-
gance contournée de l’époque Louis-Philippe aux mœurs
pseudo-espagnoles de l’ouvrage. C’était se laisser duper à
plaisir; mais n’avons-nous pas, nous aussi, plus d’une
manière de nous en laisser accroire? et où donc est le


 
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