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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Chennevières, Henry de: Exposition universelle de 1889: cent ans de gravure (1789 - 1889), [IV]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0203

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EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889. —

subite d’un vrai talent de lithographe. A force d’aimer ces
maîtres et de doter généreusement le Louvre déplus d’une
de leurs belles sépias, il en vint à vouloir les traduire pour
les répandre encore davantage, et, par une délicate atten-
tion, il entendit les graver dans leur mode favori, le mode
le plus conforme à leur nature. De là, un vrai début de
série, l’entreprise de l’Œuvre de Géricault, superbe publi-
cation par fascicules, où l’esprit d’à-propos, repoussant
toute redite inutile, s’astreint surtout aux pièces soit
inconnues, soit inédites, de manière à compléter le cata-
logue du maître ; de là, en outre, quinze pierres originales
d’après les fauves du Jardin des Plantes. Partant des deux
plus mâles peintres d’animaux, M. de Laage fut vite
conduit à les imiter sur nature. Son goût du cheval et la
chaleur d’un dessin, habitué dès longtemps à une exacti-
tude spéciale, l’y prédisposaient. La science et la souplesse
arrivèrent avec l’usage, et tels de ses Tigres, parus aux
derniers Salons, rendirent des services de plus d’un genre
à l’art et aux artistes. On pourrait citer, entre autres, l’un
des animaux de l’Amour vainqueur, de M. Gérôme, comme
un des plus' heureux emprunts faits à l’œuvre personnel
de M. de Laage. S’il y a lieu d’insister sur ce nom nou-
veau, c'est en prévision des bonnes surprises de l’avenir.

On doit tout attendre d’un esprit préparé d’avance à la
plus excellente production par deux choses également
rares, une haute culture intellectuelle et l'intimité du col-
lectionneur avec les maîtres.

Il faut citer, au nombre des lithographes du jour :
Chauvel, Vernier, Sirouy, Fantin-Latour, l’original et
poétique imagier de la musique et des musiciens modernes,
Alexandre Lunois, Georges Bellenger, Bahuet, Letoula,
d’Harlingue. Depuis dix ans, la multiplication des pierres
a été, il ne faudrait peut-être pas dire miraculeuse, mais
du moins fort rassurante pour demain. Cette reverdeur du
genre serait même capable de nous valoir des surprises
bien inattendues. Au lieu de perdre des inspirations par-
fois charmantes, dans leurs tentatives enfantines à l’eau-
forte, — l’eau-forte, une science spéciale décidément hors
de portée de la seule bonne volonté ! — nos peintres-
graveurs s’aviseront peut-être un jour de revenir à la
lithographie, comme à l’unique procédé susceptible d’être

CENT ANS DE GRAVURE (1789-1889). 177

manié sans préparation, et, par suite, incapable de trahir
le dessin. On osera même ajouter, à l’adresse des impres-
sionnistes en vogue, une réflexion de circonstance : la
lithographie semble tout inventée pour eux, et nous atten-
dons Raffaelli, Carrière et Monet à leurs essais dans le
genre. Si AL Ingres eut raison de dire de leurs prédéces-
seurs : « Ce sont des élèves, ils ne savent pas finir », cette
impuissance réelle ou ce parti pris voulu dans les choses
de facture serait justement d’un effet merveilleux sur
pierre, comme rendu des indécisions d’ombre et de lumière
fugace. Ils atteindraient certains Mouilleron d’après Dela-
croix, ou plutôt des Mouilleron... sans Delacroix. Une
école professionnelle de lithographie s’ouvre en ce mo-
ment, à Paris, sous la direction de M. Gustave Sanier1 ;
les lecteurs de l’Art doivent d’autant moins l’ignorer, après
le généreux appui du journal à cette fondation. La tradi-
tion se perpétuera donc là, au moins comme technique, et
il en sortira peut-être, à l’heure inattendue, un vaillant
jeune dessinateur tout armé pour la régénération du genre.
La Direction des Beaux-Arts fera bien toutefois de prendre
les devants sur l’avenir et de continuer ses faveurs effec-
tives au monde des lithographes. L’administration des
arts en France, disait ce pauvre Ferdinand Gaillard, de-
vrait avoir pour but unique de former des amateurs. Cette
vérité est d’autant plus juste et immédiate sur le chapitre
de la gravure, car là vraiment les amateurs font les artistes
à leur propre image par une influence directe et intime.
Il s’agirait de remettre en honneur le goût des lithogra-
phies, et l’on verrait bientôt se produire au jour une
poussée de talents, accourus, comme de joyeux volontaires,
au soleil trop rare de la sympathie publique. Alors, les
pierres originales, les pierres de traduction viendront
reprendre en nombre la série française presque interrom-
pue. et continueront d’y chanter, à leur manière, les plus
excellentes inspirations de notre art national : Lapides
clamabunt.

Henry de Chennevières.

(La fin prochainement.)

1. Depuis que notre savant collaborateur a écrit son étude,
M. Gustave Sanier est mort très justement regretté.

(Note de la Rédaction.)

Tome XLTX.

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