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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Méreu, Honoré: Le dôme d'Orvieto, [XII]=Fin
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0212

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184

L’ART.

se ruent avec une cruelle avidité sur leur proie humaine. Toutes les expressions de la douleur,
tous les signes de la fureur, tous les gestes de la terreur poussée au paroxysme sont traduits
en mille formes et par toutes les attitudes imaginables. Les mains jointes ou levées au ciel,
les corps courbés dans l’attente douloureuse du supplice, les bras tordus par la souffrance, les
visages ravagés par les affres de la torture se répètent sans s’imiter, et au-dessus et au milieu
de cette scène de désolation planent les sourires diaboliques des bourreaux, les rictus infernaux
des démons qui s’acharnent à leur besogne avec une implacable méthode. Mais ce qui est
vraiment merveilleux, c’est cet entassement harmonique de chairs, cet amoncellement de corps
entremêlés, pressés, tassés, qui, cependant, se heurtent sans se confondre. Je crois reconnaître

ici une des plus grandes tragédies en action
traduites par la peinture et je ne me souviens
point d’avoir vu réunis en un espace propor-
tionnellement si petit un aussi grand nombre
de personnages, sans en excepter le Jugement
dernier de Michel-Ange, qui a fait plus que
de s’inspirer de la contemplation de ces
fresques de Signorelli. On voit surtout, au
milieu du tableau des Damnés, se détacher
la

épaules une pécheresse et se tourne vers elle
de manière à laisser supposer qu’il trouve le
fardeau bien agréable à porter, car la femme
est admirablement charnue et potelée. Or, à
la chapelle Sixtine, vous verrez, au-dessus de
la barque de Caron, un démon qui porte lui
aussi, sur ses épaules, une femme damnée.
L’imitation est évidente, à part qu’ici le diable
n’est pas ailé, que la femme, au lieu de
regarder le visiteur, se montre de dos, et
que la posture des deux personnages n’est
pas identique en tout. On sait, au demeu-
rant, que Buonarotti était coutumier de ces
emprunts; M. Müntz, dans son étude si
consciencieuse sur Donatello, a parfaitement
fait remarquer que le Moïse de Saint-Pierre-
aux-Liens est très proche parent du Saint
Jean Évangéliste de Donato qui est à la
cathédrale de Florence. Vasari, dont la flagor-
nerie ne connaît plus de retenue quand il
parle de son maître, est obligé de reconnaître
que ce dernier a fait mieux qu’admirer bceuvre de Signorelli et que, pour le Jugement de la
chapelle Sixtine, il lui a gracieusement emprunté quelques-unes de ses inventions. Voilà un
gracieusement qui vaut mieux que tout ce que Vasari nous a laissé en peinture et en architec-
ture, et Signorelli, s’il revenait au monde, ne serait peut-être pas fâché d’apprendre qu’il doit des
remerciements à Buonarotti pour la politesse grande qu’il lui a faite en s'appropriant ses
conceptions.

Autour de 1 arcade de la fenêtre, faisant vis-à-vis à la porte d’entrée, Signorelli a continué,
sur le côté droit, la représentation du grand drame. Caron a déjà dépose sur une rive de
l’Achéron un chargement de damnés et revient sur la rive opposée chercher les autres qui se
désolent et se désespèrent. Sur les deux bords du fleuve noir, les cortèges des malheureux se
déroulent en longues files, sous un ciel sombre, tandis que le sinistre batelier, poussant son

figure d’un démon ailé qui porte sur ses

La Madone et l’Enfant Jésus,
par Gentile da Fahriano. (Dôme d’Orvieto.) — Dessin de S. Hugard.
 
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