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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Michel, Émile: Le musée de Brunswick, [2]
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208

L’ART.

sont bien chez eux et manifestent sans contrainte leurs
sentiments. Le talent du peintre, vous le pensez bien, a
seul pu rendre saisissante une pareille scène, et le peintre
c’est Van der Meer, ce Delftois mystérieux que Burger a
si chaleureusement, si justement réhabilité. Cette œuvre
suffirait à vous faire comprendre son originalité. On l’y
reconnaît, en effet, à bien des signes, à son dessin expressif,
large et serré tout à la fois, à sa touche grasse et incisive,
à sa lumière amortie, incolore, froide et cependant cares-
sante; surtout à sa façon de laisser dominer, avec tout
leur éclat, un petit nombre de colorations très franches,
qui, grâce à l’effacement voulu des teintes qui les accom-
pagnent, prennent une singulière puissance. Ici, sur les
douces modulations du gris des murailles, des costumes
ou du dallage de ce parloir, deux notes très vives se
détachent et vibrent hardiment : l’une, d’une audacieuse
intensité, le bleu épais du tapis qui couvre la table ; l’autre,
légère, presque indéfinissable, le rose vermillon de la
robe, nuance digne de cette Coquette, et où se marque le
goût un peu téméraire d’une élégante qui ne craint pas
d’attirer l’attention. Malgré toutes ses qualités, l’œuvre,
pour Van der Meer, du moins, n’est pas de premier ordre.
C’est à Dresde qu’il faut voir le peintre pour l’admirer
dans la plus étonnante et la plus importante de ses pro-
ductions. Si nous nous contentons de mentionner ici ce
Chemin dans les dunes, qui se recommande aussi du nom
de Van der Meer et d’une signature presque pareille à celle
du peintre de Delft, c’est que nous n’avons cette fois affaire
qu’à son homonyme, le paysagiste de Harlem. L’absence
complète de parti et une certaine mollesse de facture
empêchent d’ailleurs entre les deux artistes toute confu-
sion.

Heureusement, pour l’étude du paysage dans les
Fland res, le Musée de Brunswick a mieux à nous offrir.
On serait bien placé pour y suivre son histoire et les
phases diverses de son développement. Ce n’est pas cepen-
dant l’origine ou la période de plein éclat qui sont ici
le mieux représentées; mais pour cet âge intermédiaire
qui les sépare, on rencontrerait peu de collections aussi
instructives. Les noms, sans doute, n’ont pas grande célé-
brité et les œuvres elles-mêmes, si on les voyait isolées ou
éparses, ne mériteraient guère d’occuper l’attention. Mais,
groupées comme elles sont, elles tirent de leur rapproche-
ment même un intérêt particulier. En dépit de ses arrêts
et de ses inévitables retours, elles permettent de constater
la lente progression du sentiment de la nature qui, pas
plus dans la peinture que dans les lettres, ne s’est suffi au
début. C’est derrière les scènes sacrées reproduites par les
Van Eyck et par Memling que le paysage fait sa première
apparition. Il se présente chez eux non comme un fond
banal et conventionnel, mais avec cette sincérité naïve,
cette perfection minutieuse de l’imitation qui se voit dans
tous leurs ouvrages. Du haut des terrasses ou par les
fenêtres entr’ouvertes, du premier plan jusqu’à l’horizon,
leur curiosité scrupuleuse et exigeante se porte sur tout,
comme si elle voulait prendre possession de la nature
entière. Elle s’attache avec une précision photographique
à retracer, à côté de la Vierge ou du Christ et des pieux
personnages qui les invoquent, les moindres détails de
l’architecture ou de l’ameublement, le jardin avec ses
fleurs et ses animaux familiers, plus loin la petite ville,
ses monuments, ses maisons; plus loin encore les cam-
pagnes, le fleuve qui les traverse, et, s’enlevant doucement
sur l’azur du ciel, les montagnes que dominent quelques
cimes neigeuses.

Un siècle après seulement, le paysage deviendra un
genre à part, et deux peintres flamands nés presque en
même temps et aux mêmes lieux seront ses créateurs.

Dans les verdures intenses que Patinir nous montre aux
Musées de Vienne et de Munich et dans maint aspect de
la campagne reproduit par Henri de Blés nous trou-
vons comme un ressouvenir de ce pays de Dinant où tous
deux ont vu le jour, pays charmant, prédestiné en quelque
sorte à devenir le berceau du paysage moderne, avec ses
gracieuses rivières perdues dans des vallées étroites, ses
riches ombrages, ses rochers et ses mystérieux recoins.
A Brunswick, un peintre peu connu, L. van Valkenburg,
nous offre, signé de son monogramme et portant la
date 1595, un paysage rocheux largement traité, d’une
couleur déjà harmonieuse, et animé par une quantité de
petits personnages, seigneurs ou paysans, très finement
indiqués.

A peine émancipés, les paysagistes se mettent à courir
le monde. Dédaigneux des horizons prochains, on les
retrouve un peu partout, excepté dans leur propre patrie.
La punition de ces nomades, c’est de ne pénétrer ni le
caractère, ni l’intime poésie des contrées où les porte leur
caprice, d’y demeurer étrangers, de s’en tenir à la surface.
Ne cherchez donc pas les . grands côtés de la campagne
romaine, ses solitudes, son imposant silence et les nobles
profils qui terminent ses horizons, dans les ruines et les
vues banales que Mathieu Brill et son frère Paul nous
montrent ici et dont la médiocrité pareille permettrait
presque de les confondre. On serait injuste envers ce der-
nier, car son talent, plus sévère et plus correct que celui
de son aîné, fait pressentir Claude Lorrain qui paraît plus
d’une fois s’être inspiré du charme un peu austère de ses
compositions. Un autre transfuge, Josse de Momper,
s’était arrêté en Suisse, et dans les sept tableaux de lui que
possède le Musée de Brunswick, nous le voyons s’appli-
quer, à grand renfort de plans et avec un emploi immo-
déré du bleu dans les lointains, à nous dérouler des pano-
ramas compliqués, mais toujours pareils, plus vides
qu’immenses et dont la monotonie laborieuse nous laisse
indifférents. Roelant Savery, qui fut son contemporain,
n’a trouvé dans ses deux paysages du Tyrol, datés de 1622
et 1624, qu’un prétexte à des complications plus grandes
encore, entassant pêle-mêle et sans aucun à-propos les
végétations les plus luxuriantes, les roches les plus
abruptes, les montagnes les plus étranges et les animaux
les plus divers, exagérant, comme à plaisir, l’incohérence
de tant d’éléments disparates, par le choc des lignes et le
contraste violent des colorations.

On le voit, cet art des paysagistes flamands est factice,
peu intéressant; il trahit l’effort, et le cosmopolitisme ne
lui a pas réussi. Quand, après avoir erré au loin, il a voulu
se retremper dans son milieu natal, la nature, comme
pour se venger de son ingrat oubli, lui a tenu rigueur.
Sauf dans quelques-uns des bons ouvrages que Teniers a
produits en ce genre, il a conservé jusqu’au bout je ne sais
quoi d’apprêté, de convenu, de théâtral; si, avec Huys-
mann et Jacques Arthois, il a pu arriver à être décoratif,
il n’a jamais connu l’intimité. Un jour seulement, il a
touché d’un coup aux sommets, et rencontré, par fortune,
avec le prestige de la grandeur et de la force, le charme
d’une absolue simplicité. Mais le maître qui le menait
ainsi à l’honneur, ce n’était plus seulement un paysagiste;
c’était le génie le plus fécond et le peintre le plus univer-
sel. A tout ce qu’il touchait, il mettait sa marque et il
communiquait sa flamme : aurions-nous besoin de nom-
mer Rubens. A défaut du maître, nous ne trouverons à
signaler ici que deux de ses contemporains assez obscurs :
P. van Hulst avec une Fête de village signée et datée
de 1628, et un artiste à peu près ignoré, Gowaerts, dont
le tableau, les Quatre Eléments, offre, pour la facture et
l’extrême abondance des détails, des analogies formelles
 
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