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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Bosseboeuf, Louis-Auguste: Les sculptures de Solesmes et l'école de Tours, I-VII
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0246

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21 6

L’ART.

ment aux habitudes de Michel Colombe, la Madeleine est
figurée par la femme, profondément affligée et tenant à la
main un vase de parfums, qui se trouve à droite de Nico-
dème. Plus tard, cette Madeleine aura été ajoutée, en
dehors du groupe, par les artistes, auteurs des monuments
qui nous restent à étudier et avec lesquels elle offre une
parenté évidente. N’en a-t-il pas été ainsi, d’ailleurs, de la
Madeleine placée en dehors et au-dessous du groupe de
la Mise au tombeau, que l’on admire présentement dans
l’église Saint-Denis d’Amboise ? Ajoutons que, de part et
d’autre, il y a le même nombre de personnages, rangés
dans un ordre identique à la gauche de Jésus et du tom-
beau, et que, à Amboise aussi, la Madeleine placée à la
gauche de la Vierge tient un vase de parfums à la main.

L’œuvre importante de l’Ensevelissement du Christ
mit le sceau à la réputation de Michel Colombe. Il devint
bientôt sculpteur ordinaire du roi Louis XII et exécuta,
entre autres œuvres de premier ordre, le bas-relief Saint
Georges et le dragon, destiné au tombeau du cardinal
Georges d’Amboise, à Rouen1, et le superbe Tombeau de
Franchis II, duc de Bretagne, actuellement dans la cathé-
drale de Nantes, que le grand artiste considérait comme
son meilleur travail. Il y aurait, du reste, de curieux rap-
prochements à faire entre les statues d’Anges, les Vertus
placées aux angles, les Gisants du mausolée de Fran-
çois II et le groupe de la Mise au sépulcre, de Solesmes.
On constate, il est vrai, dans le ciseau du maître, un pro-
grès évident au sens de la nouvelle école ; mais, dans les
attitudes, dans l’expression et les draperies on reconnaît
également le doigt du grand artiste, auquel des documents
authentiques attribuent, d’une façon incontestable, ce tra-
vail magistral. La perfection que Colombe avait mise dans
l’exécution des deux soldats qui gardent le sépulcre déter-
mina les échevins de Tours à lui commander, deux ans
après, « les moules » d’une armure complète que devait
endosser un élu chargé de jouer le rôle de Turnus, pré-
tendu fondateur de Tours, à l’entrée de Louis XII dans
cette ville ; il exécuta également le patron d’une médaille
à l’effigie du roi2. Mais c’est surtout la vérité que le sta-
tuaire de la rue des Filles-Dieu apportait dans les scènes
d’Ensevelissement ou de Trépassement, comme on disait
alors, qui lui attira la commande de plusieurs œuvres de
ce genre. Ainsi, pour ne rien dire de la Mise au tombeau
d’Amboise, que l’on croit faite, en partie du moins, sous
sa direction, mais que nous ne voulons pas discuter ici, il
est certain qu’il sculpta, au début du xvie siècle, pour
l’église Saint-Saturnin de Tours, aujourd’hui détruite, un
Trépassement de la Vierge en marbre ; un témoin du
xvie siècle a écrit qu’il « est estimé parles bons maistres et
ouvriers qui ont veu le dit tableau de marbre le mieulx
faict quil ayent jamais veu, car le dict tableau est faict
selon le naturel et disoit on proprement qu’il ne reste que
la parolle, tant les choses sont bien faictes, le dict tableau
est tout painct d’or et d’azur : celuy qui le fist s’appeloit
Michel Coulombe, extimé le plus scavant de son art qui
feust en chrestienté 3. » Enfin, en i5oy, la fabrique de
l’église Saint-Sauveur, à La Rochelle, lui commanda un
Ensevelissement du Christ en pierre, avec sept person-
nages de grandeur naturelle, à savoir le Christ, sa Mère,
saint Jean, Madeleine, Marthe, Joseph d’Arimathie et
Nicodème, « ainsi qu’il est accoustumé faire en tel cas »,
et ce moyennant quarante écus d’or par personnage4. Il

1. Ce tombeau fait aujourd’hui partie du Musée de Sculpture au
Louvre.

2. Archives municipales de Tours, Comptes, pièces justificatives
(i5oo-i5oi).

3. Thibault Lepleigney, la Décoration du pays de Touraine,
1541.

4. Minutes de Jacques Fossedouaire, notaire à Tours.

s'agit évidemment d’un groupe du genre de celui de
Solesmes. Combien il est regrettable que ce travail du
grand sculpteur ne soit pas parvenu jusqu’à nous !

Et maintenant que la lumière est faite sur ce premier
point, il ne nous reste plus qu’à saluer le maître touran-
geau, entouré de sa pléiade d’artistes, au milieu desquels
rayonne sa tête vénérable ornée de quatre-vingts prin-
temps, — né en iq3o ou 1431, Colombe mourut
après i5 12, — et aussi l’œuvre considérable qu’il a édifiée
dans le transept méridional de l’église de Solesmes ;
tournons notre attention vers la chapelle opposée, dite
Notre-Dame-la-Belle, à cause des merveilles de sculpture
qu’elle renferme.

IV

J’ai bien dit merveilles ; le bras nord du transept est,
en effet, décoré de trois imposants portiques avec cha-
pelles remplies de tout un monde de statues, au point que
l’œil a peine, même après de longues heures, à se rendre
un compte exact du nombre des personnages groupés en
cinq sujets principaux. C’est tout un poème harmonieux,
écrit par le ciseau, à la louange de la Vierge Marie, de
l’Entrée au Temple à l’Assomption. Il y a là, dans l’archi-
tecture, des parties incomparables; dans la sculpture, des
motifs d’une grâce qui n’a pas été dépassée ; dans la sta-
tuaire, des personnages d’une pureté de lignes qui fait le
plus grand honneur à l’école française du xvie siècle.

Mais suis-je bien dans le vrai en parlant de l’école
française ? Ne vois-je pas de suite la légende reparaître
avec ses Italiens errants, et la critique monastique avec ses
artistes flamands ou lorrains 1 ? D’ores et déjà, il est bien
entendu que nous fermons la porte à ces fantaisies sans
fondement pour demander au génie français l’origine de
ces œuvres. Encore faut-il procéder avec méthode, car
nous marchons ici sur un terrain bien autrement enve-
loppé d’ombres que celui que nous venons d’explorer. Si
vous ouvrez, en effet, un de ces dictionnaires modernes
qui passent pour excellents, celui de Lalanne par exemple,
à l’article Germain Pillon, vous rencontrez dans la série
des œuvres du maître, à côté de la statue tombale
d’Henri II, les Saints de Solesmes. Lesquels, s’il vous
plaît? Assurément pas ceux que nous venons d’étudier,

— Pillon naquit quarante ans trop tard, — pas davantage
ceux que nous allons visiter et qui avaient vu le jour quand
le sculpteur débutait dans la carrière artistique, n’ayant
guère que quinze ou dix-huit ans.

C’est ici que VL L. Palustre nous arrête pour nous
dire : prenez mes artistes, je vous présente Jean de l’Epine
pour la partie architecturale, et, pour la sculpture, Jean
Giffard et Jean Desmarais, qui jouissaient d’un grand
renom à Angers et sculptèrent, en 1587, les statues du
portail de la cathédrale2. Le rapprochement peut être
ingénieux, mais il n’est pas un argument suffisant. La
présence des balustres-candélabres, que l’architecte de
l’Epine a mis dans ses monuments, n’est point une preuve,
alors que la Renaissance comptait les balustres, colon-
nettes et pilastres-candélabres parmi ses motifs attitrés.
Ne les retrouve-t-on pas dans d’autres édifices de la pre-
mière moitié du xvie siècle, par exemple à Champigny et
à Oiron ? Comment oublier, d’ailleurs, qu'une distance
assez considérable, au point de vue de l’art, sépare les deux
ordres de statues ?

1. D. Guépin, Description des deux abbatiales de Solesmes, 1876.

— E. Cartier, les Sculptures de Solesmes, 1877. — D. Piolin, Revue
de l’art chrétien, 1S78. — L’abbé Souhault, les Richier et leurs
œuvres, 1883.

2. La Renaissance en France, le Maine. — Forum artistique,
les Sculptures de Solesmes.
 
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