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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Bosseboeuf, Louis-Auguste: Les sculptures de Solesmes et l'école de Tours, I-VII
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0250

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L’ART.

dessous l’ennemie du Christ, la grande prostituée, est
assise, la coupe des voluptés à la main, sur le monstre à
sept têtes. C’est ici la traduction de la scène bien connue
de l’Apocalypse, commentée par les prophètes, dont les
textes se déroulent en lettres gothiques sur de grands pan-
neaux qui nuisent à l’effet général. Cette scène a pour
cadre un édicule à triple portique, plus élevé au centre,
d’une grande richesse d’ornementation dans le goût de
l’antique. Colonnes cannelées avec chapiteaux corinthiens
et bases ornées de génies en relief, tenant des instruments
de musique, archivoltes décorées d’anges, entablement et
frise avec triglyphes et patères, pendentifs très en relief, le
tout, finement sculpté et couronné de pinacles un peu
maniérés, compose un ensemble qui pique la curiosité par
l’originalité des détails.

L'architecte et les sculpteurs ont déployé plus de luxe
encore, s’il est possible, dans l’édicule qui surmonte l’En-
sevelissement de la Vierge. Sur les côtés de celui-ci sont
deux niches à crousilles terminées par un riche pinacle,
qui forme une gradation avec ceux qui surmontent la
plate-forme des degrés supérieurs ; elles renferment deux
statues de docteurs qui ont devant eux une longue légende.
La scène principale représente le Couronnement de la
Vierge par le Sauveur. Les assistants, les uns agenouillés
et les autres debout, tous dans l’attitude de la vénération,
sont au nombre de douze, parmi lesquels on aperçoit un
bénédictin, et à gauche David tenant sa harpe. Au-dessous
de la Vierge sont des anges qui jadis portaient sans doute
l’arche d’alliance placée plus bas, mais dont le mouvement
n’a plus de sens aujourd’hui; il y a un trouble évident
dans cette partie de la scène. Il paraît qu’un accident a
endommagé une portion de cette chapelle et que la restau-
ration du couronnement et de certaines statues, comme
celles du Christ et de la Vierge, a été faite par un ouvrier
au-dessous de sa tâche. Les fragments de statues que l’on
voit à l’intérieur du cloître pourraient bien provenir de
cette réfection.

Quant à ce qui est de l’œuvre considérée dans son en-
semble, elle appartient en substance à la seconde partie
du xvie siècle. On y trouve des morceaux largement traités
dans la sculpture et la statuaire, aussi bien que dans l’ar-
chitecture. Si l’aspect offert par le dragon à sept têtes, par

exemple, ou par les interminables légendes, est loin d’être
irréprochable, il faut reconnaître que dans le thème,
imposé sans doute par un prieur très versé dans la patro-
logie et difficile à rendre sans encombre, il y a des lignes,
des phrases excellentes qui gagneraient à être vues de près
et mûrement étudiées. Si d’aventure nous retournons à
Solesmes, nous nous promettons bien de revenir sur cette
partie que son élévation nous a empêché d’examiner à
loisir. Quant à présent, nous pensons avoir assez longue-
ment parlé de ce grand œuvre sculptural et nous prenons
congé du lecteur en relatant une circonstance qui nous a
touché.

Nous étions dans l’église silencieuse et désolée, où
l’oreille croit entendre encore comme un écho des hymnes
mélodieuses d’autrefois. Nous allions nous retirer, laissant
nos yeux contempler une dernière fois ces merveilles et
notre pensée planer, sur les ailes de l’enthousiasme, dans
la sphère supérieure de l’invisible, de l’Idéal, quand un
bruit discret de pas nous tira de notre muette contempla-
tion. Un bénédictin, s’avançant avec une gravité attristée,
traversa la nef et se dirigea vers le Trépassement de la
Vierge, portant à la main un bouquet de roses blanches et
rouges fraîchement cueillies. Il s’agenouilla, contempla
un instant le visage divinement beau de Marie, fit une
prière et se retira après avoir déposé ses roses sur le suaire
de la radieuse Ensevelie. A cette vue, nous ne pûmes ré-
primer un sentiment d’émotion et il nous sembla voir au
front de ces belles statues comme une auréole de mélan-
colie, reflétant ce je ne sais quoi d’achevé que donne le
malheur. Un cri profond, intense, s’échappa de notre
cœur : « Mes Pères, votre conscience n’est pas engagée
ici; au nom de l’art, je vous en conjure, demandez à
reprendre votre place près de ces chefs-d’œuvre légués par
vos prédécesseurs et dont vous êtes les gardiens naturels! »
A notre tour, nous avons voulu payer à ces monuments
le tribut de notre admiration. Comme souvenir de notre
visite au monastère de Solesmes, nous lui adressons ces
lignes qui, malgré leur imperfection, nous semblent
propres à mieux faire connaître ces trésors de sculpture.

L. A. Bossebœuf.

Le Gérant : Ê. MÉNARD.
 
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