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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Gabillot, Cyrille: Le musée Guimet et les religions de l'Extrème-Orient
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0291

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LE MUSÉE GUIMET ET LES RELIGIONS DE L’EXTRÊME-ORIENT.

259

à Vyâsa. Les origines en sont assurément fort anciennes,
mais tous les siècles y ont en quelque sorte travaillé, et il
a subi de telles modifications qu’il ne reste que peu de
chose de la rédaction primitive; on y a introduit d’ailleurs
une foule d’anecdotes qui ne se rattachent pas à l’action
principale. C’est le récit de la lutte entre les Pdndavas et
les Kourâvas, deux branches rivales de la dynastie des
Bhâratides, établie à Hastinapoura. Les cinq frères Pân-
davas, fils de Pândou, sont d'abord proscrits par les cent
fils de Dhritarâshtra, les Kourâvas. Ils parcourent l’Inde
en accomplissant toutes sortes de fabuleux exploits. L’un
des cinq frères conquiert sur de nombreux rivaux la main
de la princesse Draupada, qu’ils épousent tous les cinq L
Remontés ainsi sur le trône, les Pândavas ne tardent pas
à retomber dans la pauvreté, par la faute de l’un d’eux,
qui perd au jeu tout ce qu’ils
possédaient. Ils recommencent
alors leurs courses errantes. Le
plus vaillant des cinq, Ardjouna,
qui comme Krishna est une
incarnation de Vishnou, entre
autres aventures, est vaincu par
Çiva, déguisé en chasseur, puis
monte au ciel visiter le paradis
d’Indra 1 2 :

« Il vit d’abord les bocages
du Nandana, où les choeurs de
nymphes se déroulent à l’ombre
d’arbustes toujours verts : abri
réservé aux cœurs fidèles, où
jamais ne pénétreront ceux qui
ignorent le repentir, qui négli-
gent les offrandes, qui fuient
lâchement le champ de bataille,
qui se dispensent des sacrifices
et de la récitation des Vêdas. Il
fallut traverser cette radieuse
forêt, résonnant d’une divine
mélodie, pour entrer dans la
cité d’Indra. »

Enfin, les cinq frères triom-
phent des Kourâvas, après une
formidable bataille de dix-huit
jours, bataille pendant laquelle
Krishna, combattant avec les
Pândavas, révèle à Ardjouna les
mystères de sa nature divine.

Les Pândavas régnent désor-
mais en paix avec leur épouse
Draupada, et, lorsqu’ils sentent
venir leur dernière heure, mon-
tent au sommet de l’Himalaya, d’où ils s’élèvent dans le
séjour des dieux immortels.

Au Moyen-Age de l’Inde, alors que les temples étaient
des centres intellectuels, on s’y réunissait en bonne com-
pagnie, pour entendre déclamer des passages du Mahâ-
Bhârata.

Le Râmàyana, les courses de Râma, est au point de
vue littéraire une œuvre beaucoup plus artistique que le
Mahâ-Bhârata, une des plus importantes que l’Inde ait

1. Ce qui montre que la polyandrie, pratiquée encore en plu-
sieurs parties de l’Inde, est fort ancienne.

2. Indra n’est plus guère qu’un dieu honoraire, honoré surtout
par les poètes; il conserve encore cependant quelque prestige, en
raison de son ancienne splendeur. Il réside dans la ville aérienne
d’Amarâvati, séjour de délices, où les Apsaras, les danseuses, et les
Gandharvas, les musiciens divins, exercent leurs talents, et où les
dieux se donnent rendez-vous. On représente Indra en blanc, assis
sur un éléphant.

produites; on l’attribue à Vâlmîki, ascète du ive siècle
avant notre ère. « C’est l’immense poème, dit Michelet,
vaste comme la mer des Indes, le livre d’harmonies divines
où rien ne fait dissonance. » On a souvent comparé le
Râmâyana à l'Iliade et à VOdyssée, avec lesquels il pré-
sente de nombreux traits de ressemblance ; si au point de
vue de l’art, l’avantage reste à ces derniers, le Râmâyana
l'emporte incontestablement par la beauté morale des
caractères : c’est une bien touchante figure notamment
que celle de Sîtâ, idéal de l’épouse dévouée L Au reste,
quand on lit ces poèmes indous, on ne songe guère à la
forme; on est transporté dans un monde particulier, d’une
intensité de vie prodigieuse et qui donne l’impression d’une
humanité plus grande que nature.

Rdvana, le démon aux dix têtes, chef des Râkshasas, a
obtenu par des macérations pro-
longées et cruelles une puissance
extraordinaire (il était resté dix
mille ans les pieds en l’air, et
avait offert neuf de ses têtes en
holocauste à Çiva) ; il peut em-
pêcher le soleil et la lune de se
lever, et ni les dieux, les ana-
chorètes, les Yakshas, etc., ne
peuvent lui donner la mort ;
dans son orgueil, il a oublié
l’homme. Il ne profite de son
pouvoir que pour faire le mal.
Les dieux vont trouver Brahmâ
et le conjurent de le délivrer de
la tyrannie de Râvana. Brahmâ
décide que Vishnou s’incarnera
pour lui donner la mort, puis-
qu’il ne peut mourir que de la
main d’un homme.

Vishnou naît donc sous la
forme de Rdma (le charmant),
fils de Daçaratha, roi d’Ayodhyâ,
l’Oude moderne. Pour l’aider
dans son œuvre, les dieux pro-
créent des singes d’une grandeur
et d’une force extraordinaires.
Arrivé à l’adolescence, Râma
obtient, après plusieurs épreu-
ves, entre autres celle de l’arc
de Roudra que personne n’a pu
tendre et qu’il brise par sa force
prodigieuse, la main de la belle
Sitd (le sillon, fille de la terre) ;
puis par respect pour une pro-
messe imprudente de son père,
il renonce au trône, et s’exile avec sa femme et son frère
Lakshmana, dans la forêt de Dandaka. Là, par un subter-
fuge, Râvana s’empare de Sîtâ et l’emporte à Lankâ (Cey-
lan), où il règne.

Alors Râma se met à la recherche de Sîtâ et rencontre
les auxiliaires dont il aura besoin. Il fait alliance avec
Sougrîva, roi des singes, et envahit Lankâ, à la tête d’une
innombrable armée de quadrumanes. Hanoumai (aux
fortes mâchoires), fils du vent, premier ministre et fidèle

1. Les Indous ont eu bien avant nous un sentiment très juste de
la personnalité féminine II y a eu d’ailleurs dans l’Inde, au Moyen-
Age, une civilisation raffinée, comme le montrent certaines œuvres
de ce temps, celles de Kalidasa, Candraka, etc. Plusieurs œuvres
de Kalidasa ont été traduites en français. Tout le monde connaît
son drame : La Reconnaissance de Çakountalâ ; il faut citer aussi
une charmante élégie, le Mégha-Doutha, le nuage messager : c’est la
plainte d’un pauvre génie, d’un Yaksha, exilé loin de sa femme
bien-aimée, et qui charge un nuage de lui porter ses vœux et ses
espérances.

Krishna. — Bronze indou enrichi de rubis.
(Musée Guimet, n° 285.4..)
 
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