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et le philosophe qui détruit. C'est le peintre, c'est le sculp-
teur qui perd le plus à ces contacts, il est mal à son aise entre
l'analyse rationaliste et l'abstraction sentimentale, il oublie
peu à peu la vie des volumes profonds et des couleurs trempées
de pluie et de lumière pour suivre des directions morales où
il perd très vite son chemin. Seul y gagne le gazetier de la
plastique, qui pousse entre le rimeur d'épigrammes et le
confident indiscret, — le graveur d'anecdotes galantes et
de cancans égrillards qui affirme avoir assisté, caché derrière
un paravent, au coucher de la mariée, à la consultation de
la marquise, à la prise d'assaut de la chambrière par le
vicomte ou l'abbé. Le génie de la causerie, aiguisé et subti-
lisé par un siècle de vie mondaine, déborde des salons, des
soupers, des thés à l'anglaise sur tout ce qui s'exprime par
la plume ou le pinceau ou l'ébauchoir. Cochin, Beaudoin,
Moreau le jeune, Eisen, Leprince, les Saint-Aubin créent
une chronique mondaine particulière à ce pays et à cette
heure. On cause d'exquise manière avec un crayon de pas-
tel, une jolie gravure blonde entre les pages d'un conte
galant ou d'une tragédie classique, une fine tête poudrée
sur un médaillon translucide grand comme le quart de la
main. Tout est conversation, la lettre de femme, l'article
de l'Encyclopédie, la nouvelle de Voltaire, la critique de Dide-
rot. Un mot d'esprit ébranle un monde, et il s'en fait cent
mille chaque jour.

III
L'art du siècle converse, et c'est ce qui le sauve, tout en
le condamnant à rester au-dessous des grandes intuitions
qui ouvrent au lyrisme l'esprit délivré du souci de plaire et
de tuer le temps. Ces images aiguës qui réussissent, dans une
langue maigre, par un pli au coin d'une bouche, une fos-
sette au menton, un nez ouvert ou relevé, à conter ce qu'il y
a de plus furtif, mais aussi de plus caractéristique de lui-

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