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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Blanc, Charles: Louis XIV et Molière: Tableau inédit de M. Ingres
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GAZETTE DES BEAI X-ARTS. ,7

tenait de manger à cette table. Louis XI\T, voulant faire cesser de tels ou-
trages, dit un matin à Molière, à l'heure de son petit lever : On dit que
vous faites maigre chère ici, Molière, et que les officiers de ma chambre
ne vous trouvent pas fait pour manger avec eux. Vous avez peut-être
faim; moi-même je m'éveille avec un bon appétit; mettez-vous à table,
et qu'on me serve mon en cas de nuit. Alors le roi coupant sa volaille, et
ayant ordonné à Molière de s'asseoir, il lui sert une aile, en prend une
pour lui et ordonne que l'on introduise les entrées familières, qui se
composaient des personnes les plus marquantes de la cour. Vous me
voyez, dit le roi, occupé à faire manger Molière que mes valets de
chambre ne trouvent pas d'assez bonne compagnie pour eux. » Telle est
l'anecdote dont M. Ingres a fait le sujet de son tableau, et il était vrai-
ment impossible de mieux choisir. C'était rappeler délicatement aux
comédiens leurs lettres de noblesse, signées par Molière et entérinées par
Louis XIV. Le peintre a placé la scène où elle devait être, dans la cham-
bre à coucher du roi, puisque ce fut à son petit lever que le roi donna
cette verte leçon à ses gentilshommes de l'OEil-de-Bœuf, Gomme il leur
parle avec une hauteur naturelle, avec une facile majesté, à ces marquis
si humbles à la cour, si insolents au dehors ! et tandis qu'ils s'inclinent
devant lui, en mesurant leurs révérences sur le nombre de pas qui les
sépare de la personne royale, Poquelin, droit sur sa chaise et plein de di-
gnité dans sa modestie, jette un regard pénétrant et assuré sur cette foule
de courtisans que sa présence scandalise, mais que sa faveur va con-
vertir. Dans quelques jours ils seront peints au vif, et le poète, les drapant
dans ses mâles hexamètres, les marquera au front pour toujours de sa
rime vaillante, tantôt si bien venue, tantôt si bien frappée, de cette rime
qui est le talon rouge du vers :

Est-ce par l'ongle long qu'il porte au petit doigt
Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit ?
Vous ôtes-vous rendue, avec tout le beau monde,
Au mérite éclatant de sa perruque blonde ?
Sont-ce ses grands canons qui vous le font aimer ?
L'amas de ses rubans a-t-il su vous charmer ?
Est-ce par les appas de sa vaste rhingravo
Qu'il a gagné votre âme en faisant votre esclave ?
On sa façon de rire et son Ion de fausset,
Ont-ils de \ ou s toucher su trouver le secret?

Le tableau do M. Ingres est tranquille et cependant monté en couleur:
la scène a pour tond une tenture de damas rouge, d'un rouge profond
mais discret, interrompue par une massive el monumentale cheminée aux

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