DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Blanc, Charles: Louis XIV et Molière: Tableau inédit de M. Ingres
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0022
18 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
m ines de France. Le lit du roi, un lit à courtines bleues, orné de glands
d'or, occupe l'angle droit de la composition du côté où sont groupés les
gentilshommes de la chambre, et sur ce ton bleu, qu'adouciront les glacis
du temps, se détachent leurs visages délicats, leurs mains blanches et
leurs perruques poudrées de poudre blonde. L'ensemble est d'une inten-
sité de coloration qu'on ne peut plus oublier; quant à l'expression, elle
est nuancée avec une rare finesse, et témoigne d'une qualité qui se
rencontre rarement chez les peintres voués à l'étude du grand style. Il y
a très-loin, en effet, du génie qu'il faut pour s'élever à la conception
d'une beauté dont la seule nature ne fournit point les modèles, à l'esprit
nécessaire pour caractériser une anecdote historique. Quand on a vu la
Straioniçe de M. Ingres, son Andromède, sa Vénus et cette ravissante et
poétique 'JNaïade qu'on appelle prosaïquement la Source, on a peine à
comprendre qu'il soit descendu de ces hauteurs pour peindre les fami-
liarités d'une cour après tout si maniérée dans ses grandeurs factices.
Il est autrement facile de nouer une rosette aux souliers de Dangeau ou
d'ajouter une dentelle en point de Hongrie au rabat de Louis XIV, qu'il
ne l'était de modeler le torse de cette nymphe si ingénue et si belle, si
voluptueuse et pourtant si chaste , que nous avons vue naguère sortant
des profondeurs obscures de sa grotte pour livrer son jeune corps aux
baisers de la lumière ! Nous sera-t-il permis un jour de donner à nos
lecteurs, ne fût-ce qu'une légère idée de cette figure intraduisible par le
burin du graveur autant que par la plume de l'écrivain?... En attendant,
nous n'avons qu'à nous féliciter de la bienveillance de M. Ingres, et de
cette autre bonne fortune que nous avons eue de trouver dans un des socié-
taires delà Comédie-Française, l'artiste qui devait crayonner le triomphe
de Molière.
CHARLES BLANC.
m ines de France. Le lit du roi, un lit à courtines bleues, orné de glands
d'or, occupe l'angle droit de la composition du côté où sont groupés les
gentilshommes de la chambre, et sur ce ton bleu, qu'adouciront les glacis
du temps, se détachent leurs visages délicats, leurs mains blanches et
leurs perruques poudrées de poudre blonde. L'ensemble est d'une inten-
sité de coloration qu'on ne peut plus oublier; quant à l'expression, elle
est nuancée avec une rare finesse, et témoigne d'une qualité qui se
rencontre rarement chez les peintres voués à l'étude du grand style. Il y
a très-loin, en effet, du génie qu'il faut pour s'élever à la conception
d'une beauté dont la seule nature ne fournit point les modèles, à l'esprit
nécessaire pour caractériser une anecdote historique. Quand on a vu la
Straioniçe de M. Ingres, son Andromède, sa Vénus et cette ravissante et
poétique 'JNaïade qu'on appelle prosaïquement la Source, on a peine à
comprendre qu'il soit descendu de ces hauteurs pour peindre les fami-
liarités d'une cour après tout si maniérée dans ses grandeurs factices.
Il est autrement facile de nouer une rosette aux souliers de Dangeau ou
d'ajouter une dentelle en point de Hongrie au rabat de Louis XIV, qu'il
ne l'était de modeler le torse de cette nymphe si ingénue et si belle, si
voluptueuse et pourtant si chaste , que nous avons vue naguère sortant
des profondeurs obscures de sa grotte pour livrer son jeune corps aux
baisers de la lumière ! Nous sera-t-il permis un jour de donner à nos
lecteurs, ne fût-ce qu'une légère idée de cette figure intraduisible par le
burin du graveur autant que par la plume de l'écrivain?... En attendant,
nous n'avons qu'à nous féliciter de la bienveillance de M. Ingres, et de
cette autre bonne fortune que nous avons eue de trouver dans un des socié-
taires delà Comédie-Française, l'artiste qui devait crayonner le triomphe
de Molière.
CHARLES BLANC.