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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 1
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Viardot, Louis: Ut pictura musica
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0024

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20

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

derniers, qu'une sorte de métier manuel, tombé, non-seulement dans la
décadence, mais, ce qui est pire, dans l'immobilité. Et de cette irrémé-
diable et séculaire immobilité, il ne faut pas chercher la cause dans des
raisons matérielles, telles que l'abandon total des nus après l'hérésie des
iconoclastes, telles que la pesante armure des guerriers ou les lourds
habillements des femmes, qui étaient toute grâce aux formes, ou plutôt
toute forme au corps; il ne faut la chercher que dans une raison morale.
Ailleurs déjà j'ai eu l'occasion de rappeler qu'avec le triomphe de la reli-
gion chrétienne, surtout dans le Bas-Empire, pays d'étroite superstition,
presque de fétichisme, la peinture était devenue toute symbolique, comme
les hiéroglyphes égyptiens. Chaque objet avait une forme de convention,
chaque personnage était un être immuable, un véritable type que nul ne
pouvait altérer, qu'il fallait respecter comme un symbole, comme un
article de foi. Le peintre n'était donc plus que l'ouvrier des pensées
admises, consacrées par la commune croyance, non l'ouvrier de sa propre
pensée. Enchaîné dans le dogme, il travaillait, en quelque sorte, avec un
moule, moule commun à ses devanciers et à ses successeurs, qu'il avait
reçu des uns, qu'il transmettait aux autres. S'il ne mettait point d'âme,
point de vie dans ses compositions, c'est que sa propre vie ne s'épanchait
point, c'est que son âme demeurait muette; qu'étrangère à un travail
tout manuel, à un simple décalque, elle n'avait rien à produire, elle
n'avait pas à se révéler. L'artiste était sans originalité, parce qu'il était
sans indépendance et sans passion. Il peignait à peu près comme le per-
roquet parle, répétant les mots appris, mais sans leur donner les inflexions
de la voix qui animent le langage, les accents qui partent de l'âme pour
arriver à l'âme, sans leur donner enfin l'expression. Écoutez de quelle
manière s'exprimaient sur ce point les Pères du second concile de Nicée
(en 787) , celui même qui jeta l'anathème sur l'hérésie des iconoclastes :
« Comment pourrait-on accuser les peintres d'erreur? L'artiste n'invente
« rien ; c'est par les anciennes traditions qu'on le dirige; sa main ne fait
a qu'exécuter. Il est notoire que l'invention et la composition des tableaux
a appartiennent aux Pères, qui les consacrent; à proprement parler, ce
a sont eux qui les font. » (Traduction d'Émeric David.) Peut-on mieux
et plus clairement caractériser la servitude de Fart sous le dogme? Et
n'est-ce pas, en quelque sorte, absoudre Mahomet, qui, vers ce temps,
faisant revivre les lois de Moïse, proscrivait tous les arts plastiques ?
Lorsque les Grecs, ses voisins, en étaient arrivés à ne plus adorer seu-
lement le Christ ou la Vierge, mais telle image du Christ ou de la
Vierge, Mahomet proscrivait moins l'art que la superstition et l'idolâtrie.
La Renaissance italienne, qui vint émanciper l'art après une longue
 
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