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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 1
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Ulbach, Louis: L' art au théatre, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0039

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS. 35

On peut discuter encore, et avec raison, la question du réalisme dans
les sentiments et dans les mots ; mais le réalisme du décor est un fait
acquis et une nécessité. Il n'est peut-être pas toujours bon que l'homme
se montre en spectacle dans toute l'humiliante sincérité de sa faiblesse et
de ses vices. Il y a un héroïsme de convention qui ne trompe personne,
mais qui émeut et qui stimule tout le monde, et dont l'art doit s'accom-
moder ; c'est la pose du cœur, si Ton veut, mais c'est la pose nécessaire
pour un piédestal comme le théâtre, et pour une étude collective, comme
celle que fait le public.

La nature extérieure, au contraire, peut toujours être prise et copiée
fidèlement. Ce n'est pas le paysage qui nuit à l'action, c'est l'action sou-
vent qui nuit au décor. Balzac a introduit clans les conditions du roman
moderne un besoin d'accessoires qui ajoute le symbolisme du costume et
du mobilier au symbolisme de la physionomie personnelle. Cette loi est
devenue celle du théâtre contemporain, qui ne vit plus guère d'ailleurs
que de romans découpés en dialogue. Mais il est bien clair que le décor
ne doit pas usurper, et que la mise en scène ne doit pas, à force de luxe:
faire tort à la scène elle-même. L'art n'est que dans la mesure et la dis- ■
crétion. Tout ce qui dépasse le but. sort des conditions de la critique.

Nous pouvons bien avouer aujourd'hui que l'école romantique avait
dépassé le but. Notre admiration sincère pour le grand élan de cette géné-
ration de 1830 ne souffrira pas de cet aveu. Heureuses les époques aux-
quelles on peut reprocher l'enthousiasme et la passion ! Dans cette fièvre
de lyrisme, de poésie, d'histoire, dans cette résurrection universelle de
toutes les chroniques, dans cette évocation de toutes les muses inconnues,
ou plutôt méconnues, on avait une ardeur de vérité qui multipliait ou exa-
gérait partout l'illusion. On avait peur que le public ne devinât pas toutes
les trouvailles faites à son intention, et on lui répétait vingt fois par heure
les noms authentiques des personnages, les noms et les usages des diffé-
rents meubles, et des armures des héros. On soulignait dans la prose ou
dans les vers les descriptions locales, et on voulait que l'intérêt archéolo-
gique se développât parallèlement à l'intérêt dramatique.

Aujourd'hui, cet excès de conscience n'est plus à craindre; mais, par
cela même que des auteurs sans idée et sans but cherchent à distraire un
public blasé, la vérité absolue, minutieuse, devient une indispensable
condition de succès. Il n'est pas possible de faire oublier l'accessoire par de
beaux mouvements. L'écrivain dramatique le plus spirituel de ce temps-ci
n'aurait pas l'esprit de Mme Scarron. Tout le monde s'apercevrait bientôt
qu'il manque un plat.

D'ailleurs, la preuve de la nécessité du décor et du costume se trouve
 
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