DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel: Les mandarins à Paris
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96 GAZETTE DES BEAI V \ RTS.
vous comprenez qu'en faisant ainsi de l'architecture religieuse un art à
pari, si par aventure (car il faut tout prévoir) on on vient à, vouloir abso-
lument étudier l'architecture gothique pour en appliquer les principes
aux églises, il faudra entamer une nouvelle discussion pour faire péné-
trer l'application de cet art plus loin ou plus bas. Ainsi, les prudents man-
darins auront établi un second retranchement, et ce sera à recommencer.
H y a un proverbe chinois qui dit que les mandarins les plus habiles sont
ceux qui ne disent rien, mais surtout qui n'écrivent jamais!... Avançons :
§ 12e. « Une question archéologique, importante pour l'histoire de
a l'art, ressort-elle de son sujet? M. Reynaud qui l'a étudiée sur les lieux,
(( la développe, et par une judicieuse critique, rend à un peuple l'honneur
« contesté par des esprits distingués d'avoir eu une architecture spéciale.
« Dans Saint-Michel de Pavie, il trouve les preuves que le peuple lombard,
a qui a jeté un si vif éclat par ses institutions, a laissé aussi l'empreinte
a de son génie particulier dans les monuments qu'il a élevés. D'après
« certaines parties originelles de Saint-Michel (de Pavie), l'auteur croit
<( être autorisé à conclure que l'art du moyen âge doit à l'architecture
<( lombarde quelques-uns de ses éléments les plus caractéristiques. »
D'abord quels sont les esprits distingués qui enlèvent à un peuple
l'honneur d'avoir eu une architecture spéciale? Tous les peuples ont eu
une architecture spéciale, c'est pour cela que, sans vouloir empêcher les
autres peuples d'en avoir possédé une, les esprits distingués en France
prétendent, comme faisant aussi partie d'un peuple, avoir eu la leur. Que
les mandarins, pleins d'affection pour le peuple lombard, veuillent lui
rendre son architecture, nous en sommes ravis, mais nous leur deman-
dons pourquoi ils prennent tant de peine pour nous enlever celle qui
nous appartient, et dont nous possédons les titres indiscutables entre
gens de bonne foi. Passons : Saint-Michel de Pavie se trouve être le père
de l'architecture du moyen âge? Yoilà un dénoûment quelque peu forcé,
comme on dit à la scène ; savez-vous, lecteur bénévole, ce qui reste des
constructions primitives de Saint-Michel de Pavie? Tin morceau d'une
façade, c'est-à-dire une trentaine d'assises de pierres cent fois retouchées
et bouleversées. Ce soubassement ressemble à tout ce que l'on veut et
particulièrement à un fort vieux mur très-endommagé. Ce sont là les
preuves du génie du peuple lombard ; à la place du peuple lombard je
serais peu flatté. Mais qui nous prouve, s'il vous plaît, que ce vieux pan
de mur orné seulement de quelques fûts de colonnes engagées, sans cha-
piteaux, soit lombard? Moi je le déclare carlovingien, mon voisin admet
qu'il est du Bas-Empire. Mettons qu'il est lombard, quel rapport y a-t-il
entre ce tas de pierres posées on ne sait quand ni par qui et Y art du
vous comprenez qu'en faisant ainsi de l'architecture religieuse un art à
pari, si par aventure (car il faut tout prévoir) on on vient à, vouloir abso-
lument étudier l'architecture gothique pour en appliquer les principes
aux églises, il faudra entamer une nouvelle discussion pour faire péné-
trer l'application de cet art plus loin ou plus bas. Ainsi, les prudents man-
darins auront établi un second retranchement, et ce sera à recommencer.
H y a un proverbe chinois qui dit que les mandarins les plus habiles sont
ceux qui ne disent rien, mais surtout qui n'écrivent jamais!... Avançons :
§ 12e. « Une question archéologique, importante pour l'histoire de
a l'art, ressort-elle de son sujet? M. Reynaud qui l'a étudiée sur les lieux,
(( la développe, et par une judicieuse critique, rend à un peuple l'honneur
« contesté par des esprits distingués d'avoir eu une architecture spéciale.
« Dans Saint-Michel de Pavie, il trouve les preuves que le peuple lombard,
a qui a jeté un si vif éclat par ses institutions, a laissé aussi l'empreinte
a de son génie particulier dans les monuments qu'il a élevés. D'après
« certaines parties originelles de Saint-Michel (de Pavie), l'auteur croit
<( être autorisé à conclure que l'art du moyen âge doit à l'architecture
<( lombarde quelques-uns de ses éléments les plus caractéristiques. »
D'abord quels sont les esprits distingués qui enlèvent à un peuple
l'honneur d'avoir eu une architecture spéciale? Tous les peuples ont eu
une architecture spéciale, c'est pour cela que, sans vouloir empêcher les
autres peuples d'en avoir possédé une, les esprits distingués en France
prétendent, comme faisant aussi partie d'un peuple, avoir eu la leur. Que
les mandarins, pleins d'affection pour le peuple lombard, veuillent lui
rendre son architecture, nous en sommes ravis, mais nous leur deman-
dons pourquoi ils prennent tant de peine pour nous enlever celle qui
nous appartient, et dont nous possédons les titres indiscutables entre
gens de bonne foi. Passons : Saint-Michel de Pavie se trouve être le père
de l'architecture du moyen âge? Yoilà un dénoûment quelque peu forcé,
comme on dit à la scène ; savez-vous, lecteur bénévole, ce qui reste des
constructions primitives de Saint-Michel de Pavie? Tin morceau d'une
façade, c'est-à-dire une trentaine d'assises de pierres cent fois retouchées
et bouleversées. Ce soubassement ressemble à tout ce que l'on veut et
particulièrement à un fort vieux mur très-endommagé. Ce sont là les
preuves du génie du peuple lombard ; à la place du peuple lombard je
serais peu flatté. Mais qui nous prouve, s'il vous plaît, que ce vieux pan
de mur orné seulement de quelques fûts de colonnes engagées, sans cha-
piteaux, soit lombard? Moi je le déclare carlovingien, mon voisin admet
qu'il est du Bas-Empire. Mettons qu'il est lombard, quel rapport y a-t-il
entre ce tas de pierres posées on ne sait quand ni par qui et Y art du