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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 2
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Emiliani-Giudici, Paolo: Correspondance particulière de la Gazette des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0119

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

115

de professeur à Carrare. A la chute de l'Empire, ses jours furent mis en péril. De
nouveau malheureux, it s'enfuit à Florence; et lui qui avait sculpté le bas-relief
de la bataille d'Austerlitz pour la colonne Vendôme, il se trouva forcé, pour ne pas
mendier, de reprendre obscurément son ancien métier de garzone. Mais cela ne dura
pas longtemps; le professeur, caché sous l'habit du praticien, chez un marchand
d'albâtre, recevait des commandes plus sérieuses de quelques étrangers. A la requête
d'un Français, il sculpta Ammostatore (le vendangeur qui foule les raisins), statue
d'une exquise beauté. C'est alors que commence véritablement la gloire de Lorenzo
Bartolini. Et même, si nous voulons être justes, c'est le premier acte de la révolution
opérée dans les arts quelques années après, et propagée depuis dans toute l'Europe.
Voici comment.

Les professeurs d'alors, qui n'étaient pas fâchés de faire une malice à Canova, à
l'apparition de la statue de Bartolini, manifestèrent un vif étonnement; toutefois
quelque fidèles qu'ils fussent aux routines d'école, ils n'étaient pas assez aveugles
pour ne pas voir comment, dans l'esprit de l'artiste, était née l'idée d'une voie
nouvelle conduisant à des régions pleines de merveilles. Au lieu de reproduire le
Bacchus habituel avec les emblèmes ordinaires du paganisme, au lieu de s'inspirer des
formes antiques pour exprimer un sentiment moderne, Bartolini avait regardé, paraq
les fresques du Campo Santo de Pise, cette glorieuse figure par laquelle Benozzo
Gozzoli, traitant l'histoire de Noé, a représenté, d'une manière si imprévue, l'invention
du vin. Or, si l'on avait conseillé à l'un des sculpteurs alors en renom, de traduire en
marbre la conception du peintre quatre-centiste (quattro-centista), le sculpteur
aurait répondu par un sourire de compassion et de moquerie. Néanmoins, artistes et
amateurs, en applaudissant Bartolini, furent obligés de convenir qu'il avait repris l'art
au point où l'avait laissé Donatello. Tel est le grand fait qu'aucun historien de l'art
contemporain ne pourra passer sous silence sans être injuste envers Bartolini, et sous
peine de ne pas comprendre les véritables causes qui produisirent parmi nous la révo-
lution dont j'ai parlé.

Depuis VAmmostatore jusqu'à VAstianatte, qui est le dernier et peut-être le plus
grandiose des ouvrages de Bartolini, c'est une marche continuelle et soutenue du bien
vers le mieux, du mieux vers le parfait. Quelle grâce d'ensemble, quelle vénusté de
formes dans la Nymphe de l'Arno! Que de passion, combien d'attraits suaves et imma-
tériels dans la Charité institutrice ! Quelle fière beauté, quelle vie dans /'Amazone
qui, d'enthousiasme, semble arracher les cordes de sa lyre, en chantant les louanges
du guerrier dont elle décore le tombeau ! Comme elle est profonde, la douleur de la
Nymphe mordue par un scorpion^ ravissante figure dont il est facile de saisir l'allé-
gorie! Que d'animation, quelle volupté dans la Bacchante^ qui, après s'être aban-
donnée aux bruyantes fureurs de la joie, se couche, frémissante encore, pour goûter
une volupté dernière, celle du repos. Une de ses mains tient le cymbalum, elle appuie
l'autre sur son cœur que paraît soulever un ressouvenir d'amour. Cette statue, d'un
contour si harmonieux, de formes si heureusement choisies, et à laquelle ont été pro-
diguées toutes les caresses du ciseau, excita, lorsqu'elle fut exposée en public, une
admiration universelle, et pour un moment l'artiste triompha des médiocrités qui lui
avaient encore déclaré la guerre.

Vous le pensez bien, Monsieur, je n'ai pas l'intention de vous décrire toutes les
œuvres de Bartolini, dont les modèles existent, en nombre incroyable, dans son atelier;
le cadre d'une lettre ne me le permet pas. Mais comment me résoudre à ne pas vous
 
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