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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 2
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Emiliani-Giudici, Paolo: Correspondance particulière de la Gazette des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0120

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G VZETTE DES BEAI \- MIT S.

nommer la Foi en Dieu, qui peut-être esl le morceau le plus populaire du maître, ël
qui, copiée, recopiée, réduite sous toutes les dimensions, en marbre, en bronze, en
plâtre, a fait depuis quelques années le tour du monde? L'esthétique, raisonnant sur
l'art de l'antiquité, avait émis cette observation délicate que, dans la nature idéalisée,
le nu n'offense pas la pudeur. La Vénus de Médicis, par exemple, ne fera jamais
baisser les yeux d'une pudique jeune fille. La surhumaine beauté des formes, sans
émouvoir les sens du spectateur, va droit a son âme, et lui procure une joie ineffable.
Dans la Foi en Dieu, Bartolini, ayant à exprimer une idée chrétienne, fit un pas de
plus. Le sentiment qui se dégage de cette attitude résignée, de cette confiance en la
divine bonté, donne au visage de la jeune fille un je ne sais quoi d'angélique; et sans
le secours des symboles, sans la sévère rigidité, la crudité, pourrait-on dire, des con-
temporains de Donatello, qui toujours sacrifiaient à l'austérité des pensers religieux les
formes esthétiques, il éveille dans l'âme une émotion vive qui tient à la fois de la
religion et de l'art.

Mais toutes ensemble, les productions que nous avons mentionnées, et dont cha-
cune serait un titre impérissable pour un grand artiste, ne peuvent se comparer au
groupe représentant Pijrrhus qui, du haut de la tour de Priam, précipite Astya-
nax,fds d'Hector, sujet tiré du poème de Quintus Galaber sur la guerre de Troie-
Le farouche guerrier tient serrés dans ses poings vigoureux un bras et un pied de
l'enfant, et il le soulève avec l'élan de qui voudrait lancer au loin un fragment de
rocher. L'infortuné Astyanax, les mains convulsivement tendues, semble chercher ?
dans son désespoir, à se cramponner à l'air môme dans lequel il se débat. Vaincue par
une immense douleur, après de violents efforts et les plus déchirantes prières, Andro-
maque, à demi morte, est tombée à terre; dans son agonie, elle élève encore un bras
languissant, et, d'un mouvement dicté par une volonté mourante, elle saisit la jambe
du cruel roi d'Épire pour arrêter le meurtre impie de son enfant. Voilà, en quelques
mots, l'esquisse du groupe ; de quelque côté qu'on le regarde, il produit un effet d'en-
semble de la plus rare beauté. Maintenant, que vous dire de la manière dont l'artiste
a su donner une forme à sa pensée? Comment louer cette exécution ferme et souple,
aussi délicate qu'elle est fière? Sévère correction du dessin, choix du galbe, agence-
ment des lignes, qui se heurtent et s'harmonisent, se contrarient et se balancent, intel-
ligence des plans, profond savoir anatomique, mais qui ne rappelle pas le modèle, ni
ses vulgarités, ni ses lassitudes, ni ses poses convulsives : tout, en un mot, dans ce
beau groupe, tout respire, tout se meut, tout parle, et les plus fines recherches du
style s'y cachent sous les accents de la vie. Bartolini semble réunir tous les trésors de
son vaste savoir, en le dissimulant sous les dehors aimables de ce qui est simple
et facile; on dirait qu'il a entrepris de lutter avec, le géant Phidias, immenso Fidia,
sinon pour s'égaler à lui par un effort impossible, du moins pour s'en rapprocher à un
degré qui est déjà la gloire.

Je m'arrête ici, mon cher Monsieur. Ayant à parler, dans une prochaine lettre, de
nos artistes vivants, je saisirai cette occasion pour toucher à ce que je crois être les
défauts de Bartolini; je vous dirai quelle a été l'influence de ses principes sur la
marche de l'art en général, et delà sculpture en particulier.

Agréez, etc.

PAOLO EMILIANl GlUDICI.
 
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