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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 4
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Emiliani-Giudici, Paolo: Correspondance particulière de la Gazette des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0249

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2^6 GAZ ETTE DES B EAl \ - \ RTS.

coupés [scantonato , aux angles duquel sont les images des vertus les plus carac-
téristiques du héros. Lu Force militaire, dans une attitude de circonspection, cache
de [a main droite un plan stratégique, pour montrer que le sorl des batailles dépend
du secret, La Tempérance, accompagnée du Génie de la Frugalité, tient à la main un
frein, qui signifie que la victoire méprise1 quiconque n'est pas maitre de lui. La Con-
stancees\ armée d'une hache comme pour abattre tous les obstacles. La Force protec-
trice esl représentée défendant un génie entant qui exprime la faiblesse d'un peuple
menacé. Florentins et étrangers coururent en foule admirer ce grand ou\ rage, mais sur-
tout les quatre groupes dont nous venons de parler. Dans ces groupes, l'artiste, abandon-
nant sa manière habituelle, suave et pleine de sentiment et de grâce, voulut prendre
le style de Michel-Ange, michelangioleggîare, et il le prit avec tant de verve et
de spontanéité, qu'il fit voir qu'il comprenait profondément ce que les maîtres du
xvie siècle appelaient le terrible dans l'art, ce faire mâle, robuste et fier qui impose
et qui épouvante. Il n'en est pas moins vrai que le caractère distinctif du talent de
Dupré, c'est le sentiment. Ses sculptures parlent au cœuren même temps qu'elles éveil-
lent de sérieuses pensées. Lorsqu'il a voulu, par exemple, représenter la Nymphe de la
fêle, ne croyez pas qu'il se soit contenté de modeler une simple ballerine, aux formes
élégantes et extérieurement belles, comme fit Canova dans ses Danseuses célèbres et si
justement vantées; Dupré sut donner à sa Nymphe une beauté délicate, mais subordonnée
à une pensée morale. Le premier regard qu'on jette sur cette figure fait penser à la
vanité des amusements terrestres, amusements artificiels inventés par l'homme civilisé
pour tromper les amertumes de la vie. Imaginez une aimable et gracieuse jeune fille qui
est assise ou plutôt qui s'affaisse, tombant de fatigue. Sa tète mollement inclinée sur
l'épaule gauche, les bras appuyés sur les genoux, elle a dans sa main une cymbale, et
à ses pieds une coupe brisée a répandu la liqueur qui énerve et enivre. C'est la femme
qui, après avoir longtemps folâtré, rassasiée et le cœur vide, sent s'élever du fond de
son âme le sentiment secret des inutiles plaisirs et du temps perdu ; et le charme que
prête a cette figure l'idée qui l'anime est complété par les grâces de la forme. Notez
que Dupré n'est pas tombé ici dans l'imitation de l'art grec, ce qui eût été justifié par
le caractère même du sujet; il a voulu tirer directement de la nature l'idéalité esthé-
tique, selon la méthode des Grecs, et non copier le style que tant de gens appellent idéal,
et qui n'est qu'une plastique sans signification. Placez la statue-de Dupré à côté de celle
d'un sculpteur antique: toutes les deux vous paraîtront belles, mais d'une beauté di-
verse, parce qu'elles sont inspirées et embellies par un sentiment individuel. Les ma-
niéristes, c'est-à-dire les serviles imitateurs, quelle que soit leur école, puristes,
naturalistes, barochistes, grécistes ou autres, qui ne travaillent ni avec l'esprit ni avec
le cœur, ne réussiront jamais à faire une œuvre de ce genre, parce que la nature est
pour eux un livre d'hiéroglyphes.

Pour en revenir à l'intention morale qui est le côté frappant de l'œuvre de Dupré,
permettez-moi une comparaison qui en même temps me servira à rappeler un sculpteur
lombard, mort tout récemment et pleuré de nous tous, Torquato délia Torre voulut mo-
deler une figure de XOrgie. L'idée était heureuse et pouvait produire un chef-d'œuvre.
Délia Torre imagina une femme aux formes robustes et grosses, avinée, repue, honteu-
sement couchée tout de son long et endormie sur une chaise longue, décorée d'orne-
ments symboliques. La grossièreté des formes, la vulgarité de la physionomie ne réveillent
d'autre impression que celle du dégoût. Vous avez devant les yeux une créature qui
donne tous les jours et1 triste spectacle. Si au lieu de cela, l'artiste avait sculpté dans
 
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