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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 2.1869

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Nr. 5
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Burty, Philippe: Sainte-Beuve: critique d'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.21405#0477

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

il y a des rideaux qui la cachent, et ces rideaux ne peuvent être tirés
que par la main d’un critique qui a traversé en combattant ces grandes
époques.

J’ai perdu une occasion bien curieuse de juger, en face des pièces
elles-mêmes, des sentiments exacts de M. Sainte-Beuve en matière
d’œuvres d’art. Peu de jours après l’ouverture du dernier Salon, la
maladie lui accordant quelque trêve, il espéra pouvoir faire un matin
une visite de quelques heures à l’Exposition. Je devais l’accompagner et
le conduire directement aux œuvres dont le public et la critique s’occu-
paient et à celles qui me semblaient personnellement dignes d’intérêt.

Là, j’aurais eu, par le degré de son attention, par ses remarques,
par ses interrogations, par son enthousiasme ou sa répulsion, la movenne
précise de ses sentiments généraux. Malheureusement, une nouvelle
attaque le surprit la veille de cette partie dont il s’amusait par avance
comme un écolier, — mais un écolier qui veut se tenir au courant de
tout, — et un de ces billets, fins et aimables, qu’il savait si bien écrire,
vint m’avertir qu’il fallait y renoncer.

Par ce que j’ai recueilli de M. Sainte-Beuve, dans ses conversations
ou dans ses écrits, je pense qu’il eût fait un incomparable critique de
paysage. Les harmonies de la nature l’émouvaient à fond. Ses souvenirs
étaient souvent l’ébranlement continué d’une sensation. Un jour il me
parlait du paysage anglais. « Je l’ai vu aussi, me disait-il, et comme vous
je l’ai trouvé enchanteur. Je me souviens de m’être baigné dans une
froide petite rivière, sous les saules. » Cela n’est-il pas caractéristique ?

Donc, nos grands paysagistes, Théodore Rousseau, Jules Dupré,
Corot, Paul Huet ët autres, ont perdu, s’il s’était livré dès l’origine à la
critique, un soutien intelligent et sensible au suprême degré. Personne
n’eût dit aussi finement que lui la poésie pénétrante, la force éloquente,
le charme élégant et continu qui se dégage de leurs œuvres et qui n’a
été bien senti par l’ensemble de la critique et du public que depuis-une
quinzaine d’années. Sainte-Beuve était de leur famille.

Là eût été, je crois, l’originalité de sa critique, et peut-être se fût-il
borné là. M. Sainte-Beuve était avant tout un esprit que charmaient les
littératures grecque et latine. Il était l’homme des « coteaux modérés »,
et je le vois aujourd’hui errant dans les Champs élyséens en compagnie
de Virgile, non loin d’Homère, dont ils relisent ensemble l’Iliade, un
 
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