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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 8.1873

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Renan, Ernest: L'art phénicien, [2]
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L’ART PHÉNICIEN.

19

La Grèce, à l’origine, a beaucoup emprunté; mais seule elle a inventé
l’idéal. Yoilà pourquoi, malgré tous les emprunts possibles, pour expli-
quer la Grèce il ne faut que la raison. L’art grec est aussi logique que la
philosophie grecque. Il n’est pas impossible que la philosophie, ou du
moins la science grecque, ait fait plus d’un emprunt à Babylone et à la
Phénicie. Socrate, Aristote, Phidias, l’architecture grecque, la philosophie
grecque, n’en sont pas moins le fruit d’un développement organique. Un
édifice grec, le Parthénon, par exemple, se déduit par une sorte de calcul
mathématique. Là est la gloire unique de la Grèce; la Grèce a créé l’ab-
solu de la raison et du goût, du vrai et du beau, de même que le chris-
tianisme a créé l’idéal du bien. Yoilà pourquoi la Grèce a un rôle à part,
comme la Judée, rôle où elle ne sera jamais égalée. Toute recherche
nouvelle doit se terminer par un hymne à la Grèce ; toute découverte,
même sur terre étrangère ou rivale, est un trait de plus à la gloire du
génie grec, un argument pour établir son indéniable primauté.

L’infériorité des Phéniciens en fait d’art semble, du reste, avoir per-
sisté jusqu’à nos jours dans le pays qu’ils ont habité. La population de la
côte de Syrie, éminemment douée pour le commerce, est la moins artiste
du monde. Que l’on compare une église maronite, misérable maison, sorte
de dé de pierre, sans fenêtre ni clocher, à nos charmantes églises de
campagne ; quelle différence ! Les églises des orthodoxes (lesquels repré-
sentent plutôt l’élément grec de la Syrie) montrent un peu plus de goût.
Les religions de la Phénicie, quoiqu’elles admissent pour la plupart les
images, ne portaient pas évidemment à raffiner sur la forme plastique
des dieux. Un culte aussi féroce ne pouvait prêter à l’art. Plusieurs indices
peuvent même porter à croire que certains temples n’avaient pas de
|oava, qu’on s’y bornait aux ornements végétaux comme chez les
Hébreux 1.

Si la haute antiquité a laissé en Syrie si peu de chose, cela vient
donc apparemment de ce qu’elle n’y fut pas très-brillante. C’est exacte-
ment la conclusion à laquelle sont arrivés de leur côté MM. Waddington
et de Yogüé. La vieille Syrie ne connut guère d’autres temples que des
haux lieux informes ou des trous dans le rocher. La dimension des
pierres ne prouve rien pour l’ancienneté d’un monument. Le temple de
Jupiter, à Baalbek, dont l’âge moderne n’est pas contesté, renferme des
pierres supérieures en dimensions à toutes les constructions de Gébeil,
de Jérusalem. Le TpfXiSov du grand temple peut être très-ancien; cepen-

1. Yoir les textes homériques recueillis par M. de Luynes, Sarcoph. cl’Esmu-
nazar, p. 42.
 
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